Le charme du héros iconique

J’en ai parlé précédemment, je suis en train d’écrire un roman policier historique, quelque chose qui se passera en Italie en 1800, près d’une petite bourgade appelée Marengo…

C’est le cinquième d’une série commencée en juin 2020 et qui compte déjà trois épisodes publiés : un situé en 1805, sous l’Empire, et deux sous la Révolution, dont le plus récent, Coup de froid sur Amsterdam. Le lien entre tout ça ? Mon détective, un héros récurrent, ou héros iconique pour reprendre le terme de Robin D. Laws dans son fascinant bouquin Beating the Story.

Pourquoi iconique ? Parce que la caractéristique principale de ce type de héros n’est pas tant son retour dans plusieurs histoires ou épisodes, que le fait qu’il ou elle ait des caractéristiques stables, qui ne changent pas substantiellement dans les diverses aventures où on les retrouve. Ainsi, Superman est toujours Superman, quel que soit son adversaire du moment : sa force, sa vitesse, son invulnérabilité, son costume bleu et rouge, mais aussi son sens moral et son optimisme.

Et ce n’est pas réservé aux super-héros : Miss Marple reste la même sur des dizaines de nouvelles et de romans : son œil d’aigle doublé d’une profonde compréhension de la nature humaine, sa délicatesse de vieille demoiselle bien élevée contrastant avec l’audace mentale de ses déductions.

Un héros ou une héroïne iconique a ainsi ce que R. D. Laws appelle un éthos iconique, un ensemble de caractéristiques englobant le caractère, l’apparence physique, l’histoire familiale et personnelle, qui font de ce personnage non seulement un justicier mais une certaine sorte de justicier : Superman utilise d’autres méthodes que Batman ou Wonder Woman, Miss Marple ne résout pas les énigmes de la même façon que Tuppence (héroïne de la série « Tommy & Tuppence », aussi par Agatha Christie) ou qu’Hercule Poirot.

Choisir un héros iconique n’est pas si évident dans un monde où « voyage du héros », « arc narratif » et « transformation dramatique » sont quasiment la loi du monde culturel. Les films de super-héros ont beau récolter des fortunes au box office, la seule chose qui semble intéresser Hollywood, c’est de les voir se développer et devenir ce qu’ils sont. D’où les multiples remakes des histoires d’origine de super-héros, d’où des histoires décevantes quand il s’agit de donner des aventures à un héros dont l’éthos iconique est bien établi.

Et pourtant, ces héros récurrents ou iconiques sont fréquent dans les différents genre populaires, aussi bien romans que BD, films ou séries télé. Presque toujours, il s’agit de redresseurs de torts, même si certains ont parfois un pied de l’autre côté de la loi, comme Rocambole ou Arsène Lupin. Leur métier d’origine importe peu puisqu’il y a dans le tas des détectives (à commencer par Sherlock Holmes) et des explorateurs (comme Indiana Jones), des médecins (Bones, Dr House, la bande dessinée Doc Justice) et des écolières (Nancy Drew, plus connue du public francophone sous le titre « Alice Détective »). Leur seul point commun est leur capacité à répéter à chaque aventure, avec de légères variations sur le thème de base, leur éthos iconique, bref à être ce que le public s’attend à retrouver en eux.

Miss Marple ne se lassera jamais d’observer ses voisins et d’additionner deux et deux. Indiana Jones est toujours prêt à payer de sa personne pour arracher des trésors archéologiques aux Nazis ou à des trafiquants divers. Hercule Poirot fera toujours confiance à ses petites cellules grises plus qu’à l’agitation des autres limiers. Le Dr Brennan, de la série Bones, procèdera toujours de façon froide et méthodique, même devant les scènes de crime les plus grotesques.

Portrait d'un jeune homme en costume du XVIIIe siècle, avec un costume vert, une grosse cravate blanche, de longs cheveux châtain clair et un chapeau de feutre noir
(Portrait d’un personnage… Eh oui, j’utilise des tableaux pour visualiser mes héros.)

Et dans le cas de mon détective, alors ? Qu’a-t-il de particulier ?

Ceux qui ont lu Du sang sur les dunes, Mort d’une Merveilleuse ou Coup de froid sur Amsterdam doivent en avoir une idée : les caractéristiques fondamentales Antoine Dargent comme détective sont la curiosité, qui le conduit à s’impliquer dans des affaires de meurtre plus compliquées qu’il n’y paraît, et le stoïcisme devant la violence et les tentatives de rétorsion des criminels dont il dérange les complots. Et puis, malgré les vicissitudes de la politique, un sens du devoir qui lui rend impossible de se désintéresser d’une affaire quand elle met en jeu le sort de son pays.

C’est chaque fois l’occasion de se plonger dans un moment dans la vaste et foisonnante fresque historique de la Révolution et de l’Empire qui a suivi, et de revivre les espoirs et les craintes des gens qui l’ont vécue.

Un réacteur nucléaire pour chaque centre de données ?

On n’a pas fini de voir les bouleversements de l’intelligence artificielle. En plus de changer la façon de travailler, de faire des sciences, et même de se divertir, il faut compter avec l’énorme consommation électrique que requièrent ses centres de traitement de données.

L’un des acteurs clefs du secteur, Microsoft, envisage carrément le développement d’une flotte de petits réacteurs nucléaires modulaires. On n’est jamais si bien servi que par soi-même.

Est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle pour la planète ? D’un côté, on s’éloigne de plus en plus de l’idéal de sobriété et de décroissance chère à la plupart des militants du climat. C’est fou qu’il ait fallu la vogue de gadgets comme ChatGPT pour faire toucher du doigt ce que cela avait d’utopique de vouloir changer l’humanité plutôt que de changer nos modes de production d’énergie.

D’un autre côté, cela a le mérite du réalisme. Comme le disait une auteure qui m’a beaucoup marquée, Lois McMaster Bujold, si on veut une fin, il faut s’en donner les moyens. Si on veut décarboner l’économie, il faut utiliser les outils technologiques à notre disposition, et pas dans vingt ans, tout de suite.

Les amateurs de science-fiction classique ne seront pas dépaysés. « Atomique » était le mot à tout faire dans les récits d’Asimov et autres auteurs de l’âge d’or. On aura juste fait un long et étrange détour pour y arriver.

Le genre des mots ne change pas la réalité du monde

Est-ce que la façon de parler influence la façon d’agir ? Les partisans de ce qu’on appelle « écriture inclusive » (à tort, mais c’est une autre question) invoquent souvent la nécessité de lutter contre le sexisme, ce qui est un but noble en soi. Mais est-ce que changer les mots, l’orthographe ou même la grammaire française aurait vraiment un impact sur les comportements des gens de ce pays ?

Il est tentant de sauter à l’affirmative, tant l’idée que la langue et les mentalités sont liées est puissante en sociologie. Mais liées comment, au fait ?

Pour avoir un élément de réponse, rien de tel que de prendre un peu de recul et de regarder ce qui se passe dans d’autres langues.

Voyons ce qui se passe chez nos voisins anglo-saxons, par exemple. Les noms communs inanimés sont neutres par défaut, contrairement aux langues romanes où une chaise peut être du féminin et un fauteuil masculin. Il est aussi très facile dans cette langue de faire des mots composés, ainsi pour remplacer fireman par firefighter, plus neutre. Et il existe aussi un pronom générique neutre, they, qui permet de mentionner une personne sans préciser s’il s’agit d’un homme ou d’une femme.

Est-ce que la société est plus harmonieuse pour autant ? Moins sexiste ? Plus protectrice des femmes et des minorités ?

Rires amers. Aux États-Unis, on sait à quel point est puissant le lobby antiavortement, et à quel point la présidence Trump a exacerbé les tensions autour des questions sociétales. Sur la question du sexe et du genre en particulier, il y a une opposition irréconciliable entre deux positions maximalistes, ceux qui veulent revenir au statu quo des années 50 (les femmes à la maison et les gays au placard, en gros) et ceux qui nient jusqu’à la notion de sexe biologique chez les humains, comme si nous étions restés à l’écart de l’évolution des espèces qui a façonné les autres animaux. Ce n’est pas d’avoir un genre grammatical neutre dans votre langue qui vous protège de quoi que ce soit.

Le cas de l’anglais est le plus proche et le plus évident. Mais il y d’autres exemples intéressants. Ainsi, en persan, il n’y a pas de genre pour les noms et les pronoms, ce qui en théorie met hommes et femmes à égalité. Est-ce que cela a modifié le mode de pensée des islamistes qui ont pris le pouvoir en Iran en 1979 ? Préservé les droits des femmes là-bas ? Je crois que nous connaissons tous la réponse.

Bref il suffit d’y regarder un peu de près pour faire voler en éclat certains raccourcis mentaux faciles sur la langue et la société.

En fait, il y a bien des raisons de penser que cette attention tournée vers les mots plutôt que les actes est contreproductive. Le relativisme linguistique fort impliqué par la fameuse « hypothèse Sapir-Whorf » n’a pas reçu de preuve empirique, au contraire. Cela restera de la science-fiction.

Un grand historien, Fernand Braudel, disait que les mentalités étaient « des prisons de longue durée ». Il faut plus que quelques mots pour les changer, ou même quelques séances de sensibilisation aux stéréotypes sexistes. Fait déprimant, mais qui devrait nous faire réfléchir, les pays nordiques, qui nous semblent tellement en pointe sur l’égalité entre hommes et femmes, ne se distinguent pas sur un point crucial : les violences envers les femmes.

Ce qui nous amène un peu loin des expérimentations typographiques à base de point médian, vous me direz ? Mais c’est pourtant le nœud du problème : le fait que les approches psycho-socio-linguistiques atteignent leurs limites. On peut changer les mots, faire prendre conscience des stéréotypes (ou du moins essayer), et à peine effleurer le sujet.

Quand un roman historique déborde du cadre

On m’a demandé récemment si c’était voulu de n’avoir pas mis en scène la trahison de Pichegru dans mon roman Coup de froid sur Amsterdam (paru en février aux Éditions du 81). La réponse est oui, et pour une raison très simple : cela aurait été en avance sur l’époque.

Petit rappel des faits : en janvier 1795, où mon roman se situe, le général Charles Pichegru est à la tête de l’armée du Nord, qui vient de conquérir la Belgique et la Hollande. D’origine roturière, il est un parfait exemple des « hommes nouveaux » de la Révolution française, officiers sortis du rang qui prouvent qu’il n’est pas besoin d’ancêtres nobles pour devenir des héros et gagner des batailles. Il est au faîte de sa popularité… Mais quelques mois plus tard, en août 1795, il commence à entretenir des contacts avec des agents royalistes qui le convainquent de soutenir leur cause : il pourrait devenir, lui assurent-il, l’homme qui fait revenir le Roi en France, et gagnerait là un titre de gloire en plus de substantiels avantages en argent et biens divers.

Pichegru ainsi retourné aurait dû faire marcher ses troupes en soutien de l’offensive des Coalisés contre la France en novembre 1795. Mais l’épreuve de force n’eut pas lieu à ce moment-là : le gouvernement d’alors, le Directoire, qui se doutait de quelque chose, le rappelle in extremis. La République l’a échappé belle.

Cependant, au moment où se déroule mon Coup de froid, tout cela est dans le futur ! Impossible de faire plus qu’évoquer les tentations qui pouvaient s’offrir au chef de l’armée du Nord : les cadeaux et autres formes de corruption, la flatterie, le souci aussi de son avenir, car même s’il était arrivé au sommet de la hiérarchie militaire, il ne pouvait savoir de quoi l’avenir serait fait. Les régimes en France se succédaient à un rythme dangereux, et le héros d’un jour pouvait être le paria du lendemain. Et déjà, le Comité de salut public se méfiait des généraux trop en vue, craignant un coup d’État militaire… C’est d’ailleurs ce qui allait arriver un peu plus tard avec Bonaparte, le 18-Brumaire.

Bref, je ne pouvais qu’esquisser toutes ces possibilités, pas les raconter en détail. Mais il y a un point sur lequel je pouvais anticiper un peu, et combler par la fiction une lacune historique : comment le gouvernement a-t-il appris que Pichegru tramait quelque chose ? Du moins comment en a-t-on eu vent fin 1795, à temps pour l’écarter ?

Dans mon roman, on le verra, cela fait partie des indices mis au jour par le détective amateur Antoine Dargent, lui-même en poste à l’armée du Nord comme lieutenant, et chargé de débrouiller une mystérieuse affaire de meurtre. Au cours de l’enquête, il tombe sur un complot royaliste aux vastes ramifications, avec des rumeurs sur l’implication possible d’un certain général Pichegru… Pour l’instant, il n’y a pas de preuve, mais qui sait ? Le germe de soupçon ainsi planté a pu contribuer à mettre la puce à l’oreille des autorités.

Dans la suite de l’Histoire, Pichegru, éloigné des armées, passe alors à un militantisme politique. Il sera bientôt député d’opposition, puis arrêté et exilé lors du coup de force de 1797, après que l’arrestation d’un agent royaliste ait mis aux mains du Directoire des documents prouvant sa trahison.

Mais comme on se souvient, c’est un des éléments de mon précédent roman Mort d’une Merveilleuse, paru l’an dernier aux Éditions du 81. Encore une enquête où Antoine Dargent est confronté aux complots des ennemis de la Révolution, et doit louvoyer entre des partis royalistes qui se drapent dans la rhétorique du droit et de l’honneur, mais pratiquent plutôt sur le terrain la corruption et les coups de couteau. En face, le pouvoir issu de la Révolution se crispe, en panne de légitimité, et l’irruption du fameux Bonaparte avec ses victoires en Italie préfigure ce qui va bientôt advenir. Napoléon réussira ce que Pichegru aurait pu faire, mais n’a pas osé : terminer la Révolution non pas au profit des Bourbons, mais pour lui-même.

Le reste, bien sûr, fait partie d’une Histoire que nous connaissons tous.

Agents ou coachs littéraires, intérêts en conflit

Vous voulez publier mais vous n’êtes pas introduit dans le sérail de l’édition ? Vous avez un roman dans votre tiroir, ou un scénario, ou un recueil de recettes ? Ou bien peut-être que vous avez déjà un ou deux textes publiés à votre actif, mais vous pensez que l’éditeur actuel ne les met pas assez en valeur ? Vous voulez aller plus loin dans la carrière des lettres ?

Dans tous les cas, il ne serait pas étonnant que vous ouvriez votre moteur de recherche favori pour y taper les mots magiques : « agents littéraires ».

Hélas, avant que les résultats ne vous fassent danser des étoiles devant les yeux, arrêtons-nous un peu sur la définition du dit agent. Car il n’y a pas que des protagonistes potentiels de la série Dix pour cent dans la liste. Faisons le point.

L’agent, ou agente littéraire (il y a pas mal de femmes dans le métier), on connaît : c’est une personne qui propose ses services pour mettre en relation les auteurs et les éditeurs. Un peu comme les agents artistiques pour la musique, le cinéma ou le théâtre, ce sont des intermédiaires qui connaissent très bien le milieu et qui savent où et avec qui tel créateur a le plus de chance de trouver du succès. Une valeur ajoutée qui se paie : typiquement, l’agent demande à l’écrivain ou l’écrivaine de lui reverser un petit pourcentage des rémunérations obtenues grâce à son concours. Et c’est normal : sans le travail de l’agent, l’auteur n’aurait pas eu les mêmes opportunités et aurait sans doute gagné beaucoup moins.

Corollaire important : si l’agent ne parvient pas à vous trouver un contrat d’édition ou d’adaptation, alors l’agent ne touche pas non plus de rémunération. Donnant, donnant. Pas d’argent si pas de contrat. Une question de transparence et d’intégrité.

Logo de l'Alliance des agents littéraires français (AALF) et du SFAAL (Syndicat français des agents artistiques et littéraires)

Ces agents sont répertoriés comme tels au SFAAL (Syndicat français des agents artistiques et littéraires) et travaillent avec des professionnels de l’édition ou de l’audiovisuel. Beaucoup n’ont pas de contact direct avec les auteurs mais servent d’intermédiaires quand un éditeur cherche des opportunités de traduction à l’étranger ou d’adaptation cinéma ou télé. Du moins en France, où les agents qui représentent des écrivains sont assez peu nombreux. La profession est beaucoup mieux établie en Angleterre, au Canada, et bien sûr aux USA. Chez nous, il y a encore cette mystique de la relation privilégiée entre auteurs et éditeurs, pour le meilleur comme pour le pire. Néanmoins il y a quelques agences littéraires qui ont pignon sur rue à Paris, et pas seulement pour les écrivains dont tout le monde a entendu parler, les grands noms des prix littéraires et des plateaux télé. Il n’est pas impossible, au moins en théorie, pour un ou une débutante d’intéresser une agence et de mettre ainsi le pied à l’étrier.

Mais revenons à notre liste de résultats de recherche. Parmi eux, certains prestataires s’intitulent « agent » mais proposent d’autres services : conseiller ou coach éditorial… Contre rémunération, bien sûr.

C’est là qu’il faut être très clair. La garantie offerte à l’auteur par un agent littéraire classique, c’est de ne pas demander d’argent avant de lui avoir trouvé un éditeur. C’est un puissant incitatif ! De cette façon, l’intérêt de l’agent et celui de l’auteur coïncident, et tout le monde sait où il en est. Mais un prestataire du type coach se fait payer pour relire les manuscrits, conseiller des changements, guider dans la recherche d’éditeurs… Tout cela sans garantie de résultat.

Dit autrement, quand un auteur passe par un agent pour trouver un éditeur, lui et l’agent se rémunèrent sur ce que verse au final l’éditeur, tandis qu’un auteur qui prend un coach avance des fonds et n’est absolument pas sûr de rentrer ensuite dans son argent.

Une différence de taille. On peut même parler de conflit d’intérêt, puisque celui de l’auteur et celui du coach divergent : le coach sera payé même si l’auteur ne trouve jamais d’éditeur, et donc il n’y a pas vraiment pour lui d’incitation à l’efficacité. C’est une constatation, pas une accusation, je le précise. Juste la description d’un état de faits.

Ces prestataires sont souvent des gens qui ont travaillé dans des maisons d’édition et qui ouvrent une activité indépendante, mais il y a aussi des entreprises plus grosses, avec de véritables plateformes de services où les auteurs sont invités à s’inscrire gratuitement au début, sans engagement… En pratique cependant, il faudra mettre la main à la poche pour bénéficier de plus que le strict minimum. Chez Edith Et Nous, par exemple, on peut s’inscrire gratuitement et mettre un manuscrit sur la plateforme, mais si on veut que plus de 5 éditeurs le lisent, il faut payer l’abonnement. Librinova est une autre forme de service hybride puisqu’il s’agit aussi d’un prestataire d’autoédition.

En fait, la logique de ces coachs n’est pas celle de l’auteur classique qui cherche à être édité à compte d’éditeur, mais celle de l’auteur entrepreneur, celui ou celle qui envisage de s’autoéditer.

On passe là dans un autre monde, et c’est important de le réaliser. Dans le schéma traditionnel, c’est l’éditeur qui est un entrepreneur, qui fait la mise de fond pour fabriquer et mettre en vente les livres. Les auteurs apportent leurs textes, pas leur argent. En contrepartie, l’éditeur est décisionnaire absolu pour tout ce qui est commercial, depuis le choix de publier ou non le livre jusqu’au visuel de couverture.

Si l’auteur décide de prendre les choses en main, il devient son propre éditeur, qu’il passe ou non par un prestataire. Avec l’Internet, de nos jours, c’est fréquemment le cas : il est plus pratique d’utiliser une plateforme comme celles d’Amazon, Le Publieur, Librinova ou Les Éditions du Net, pour n’en citer que quelques unes, que de tout faire par soi-même, depuis la maquette du livre jusqu’au choix de l’imprimeur. Ces services sont plus ou moins efficaces, plus ou moins simples à utiliser, mais une personne qui sait où elle veut aller et a quelque talent pour la promotion de son livre peut en tirer parti de façon spectaculaire. On a tous en tête quelques exemples d’auteurs autoédités qui ont tiré leur épingle du jeu. Mais l’auteur fait toujours une mise de fond au départ, en temps, en argent, ou les deux

Reste que les services offerts par Edith Et Nous et autres coachs font un peu du mélange des genres : ils proposent un avis professionnel sur le manuscrit, des conseils d’amélioration du texte, ce qui peut être un bon investissement pour un auteur qui veut s’autoéditer, mais ils se présentent aussi comme des intermédiaires pour trouver un éditeur classique… Attention aux mirages !

Un bon moment au salon L’Autre Livre

Ça y est, le Festival du livre de Paris est passé, y compris le salon « off » de l’association L’Autre Livre. J’y étais samedi 13 après-midi pour des dédicaces sur le stand de mon éditeur, les Éditions du 81. Joli étalage, non ?

Photo du stand des éditions du 81 avec mes romans

En plus des éditeurs, Yves et Margot, j’ai eu l’occasion de rencontrer Davier, l’auteur du roman policier La Lettre de change, paru en 2023. C’est quelqu’un d’intéressant, qui a eu en quelques sortes plusieurs vies, sur le plan littéraire comme pour le reste. Son bouquin était aussi bien mis en évidence, comme on voit.

C’était un moment sympathique. Hélas, il n’y avait pas vraiment foule comme public. Était-ce l’effet du premier jour de beau temps d’avril, ou bien un manque d’information dans la presse sur le salon « off », contrairement à ce qui se passe par exemple au festival d’Avignon ? En tout cas on n’a pas vu de candidats aux élections venir chercher la lumière de ce côté. Tous étaient au Grand Palais.

Dommage pour l’édition indépendante et la bibliodiversité !

J’ai tout de même eu l’occasion de dédicacer mon roman Coup de froid sur Amsterdam et de parler métier avec quelques auteurs et éditeurs. Par exemple, Margot Reibel a raconté le « test de l’écran » pour juger de la qualité d’un manuscrit, chose qui peut être souvent subjective : lire à l’écran étant plus fatigant que sur papier, c’est bon signe si on n’a pas envie d’arrêter la lecture ! C’est signe que le texte tient la route.

Il y a eu des choses agaçantes, bien sûr : je visiteur qui s’arrête devant le bouquin de Lovecraft et qui passe un quart d’heure à râler sur ce « fasciste » en bloquant le stand, et bien sûr sans rien acheter. Ou les gens qui disent « je vais faire un tour et je reviens » et qu’on ne revoit pas.

Mais j’ai vu plein de nouveaux livres. J’ai découvert de nouveaux éditeurs (mention spéciale pour les Monts métallifères, aux livres noirs sur la tranche) et ramené un bouquin sur Napoléon et je rétablissement de l’esclavage publié aux éditions Idem, qui explorent l’histoire coloniale.

Et puis on a parlé d’IA, de propriété intellectuelle, des changements de goûts des lecteurs, d’édition en région, et de divers projets qui nous tiennent à cœur.

Promis, dès que je peux, je dévoilerai les miens ici.

Les Éditions du 81 au salon L’Autre Livre du 12 au 14 avril : dédicaces et rencontres

C’est cette semaine : vendredi, samedi et dimanche, du 12 au 14 avril, les Éditions du 81 seront au salon L’Autre Livre, au Palais de la Femme, 94 rue de Charonne, à Paris 11e. C’est un salon du livre alternatif, celui des petits éditeurs indépendants, hors des sentiers battus.

Venez nombreux ! Je serai notamment là samedi 13 après-midi à partir de 14h pour des dédicaces de Coup de froid sur Amsterdam.

La bande son pour écrire

Affiche française du film Le Guépard (1963) de Luchino Visconti, avec Burt Lancaster, Claudia Cardinale et Alain Delon

J’en ai déjà parlé, un de mes rituels d’écriture est de mettre de la musique avant d’ouvrir Word ou Scrivener.

Mais au fait, quelle musique ?

En ce moment, c’est surtout des bandes originales de films : celle de Barry Lindon, par exemple, pleine de compositions du XVIIIe siècle, mais aussi celle créée par Nino Rota pour Le Guépard de Visconti.

Alternativement, j’aime bien avoir en arrière-plan un peu de musique d’époque. Haendel, Mondonville, Mysliveček (oui, celle du film Il Boemo), mais aussi les Sinfonie milanese composées en Italie après la Révolution française. On est ici en plein dans l’ambiance du roman que je suis en train d’écrire.

C’est un peu le trip actuel. À d’autres moments, j’ai plutôt mis Leonard Cohen en boucle, ou bien de la musique électronique. Mais j’avoue que pour écrire des aventures autour de 1800, les sons contemporains sont de bons compagnons de route.

Forme olympique : à la rencontre des sportives de l’époque romaine

Couverture du roman Augusta Helena, tome 2

Je n’écris pas seulement des romans sur la Révolution ou l’Empire : on se rappellera que j’ai aussi commis un bon vieux peplum avec Augusta Helena, qui se passe au temps de Constantin, à l’époque romaine. On y parle beaucoup des passe-temps antiques sportifs ou apparentés : courses de chars, lutte, pancrace, combats de gladiateurs, chasse et pêche…

Et puis il y a un épisode inspiré par la fameuse mosaïque dite « des bikinis » à la villa du Casale, à Piazza Armerina en Sicile, datée du IVe siècle, précisément comme le roman.

Mosaïque romaine antique représentant des femmes en tenue légère ressemblant à un bikini et faisant des exercées sportifs
Mosaïque de la villa du Casale (Photo Yann Forget)

On voit rapidement pourquoi ce surnom : les personnages représentés sont des femmes en tenue très légère, une sorte de petite culotte et de soutien-gorge faisant comme un bikini. Elles sont en bonne forme physique, avec des muscles bien dessinés, et sont engagées dans divers exercices athlétiques : course, haltères, disque, jeux de balle ou de volant…

Y avait-il vraiment beaucoup de femmes dans l’Antiquité romaine  qui faisaient du sport ? Non, pas à ce que nous savons. Les femmes de l’aristocratie n’y étaient pas encouragées et les femmes du peuple n’avaient tout simplement pas ce loisir.

Mais les historiens pensent aujourd’hui qu’il existait des sortes de sportives professionnelles, des femmes qui faisaient des démonstrations d’athlétisme lors des fêtes publiques ou chez de riches clients amateurs d’hellénisme. Les exercices du stade étaient après tout associés à la culture grecque, aux concours tels que les Jeux olympiques, et donc avaient un certain cachet social. Il y avait l’exemple historique des femmes spartiates, qui pratiquaient le sport à titre d’entretien physique, au grand scandale des très misogynes Athéniens.

On peut penser que pour beaucoup de Romains, tout cela était une excuse pour reluquer des femmes quasi nues : un spectacle un peu exotique et à prétentions culturelles, un peu comme les gens qui se pressaient aux démonstrations de danses asiatiques ou africaines en Occident lors des Expositions coloniales.

Mais c’était aussi une opportunité pour quelques femmes qu’on appellerait aujourd’hui des sportives de haut niveau, qui y trouvaient un gagne-pain et aussi une façon de pratiquer une activité où elles excellaient. Qui étaient-elles ? Honnêtement, nous n’avons pas beaucoup d’informations dans les sources documentaires. Mais ça n’empêche pas d’y suppléer par l’imagination.

J’ai ainsi pris ces images de Piazza Armerina et les ai mises en scène, en insérant quelques uns de mes personnages, en les laissant s’approprier le cadre et les enjeux de la compétition, et puis les émotions aussi qui pouvaient se donner cours chez les spectateurs comme chez les participantes.

Oserais-je dire que je n’en suis pas mécontente ? Reste à voir ce qu’en pensent les lectrices et lecteurs !

Jeux, hasard et tripots

« Mais d’où sors-tu tout ça ? »

La question revient souvent. Hier encore, quelqu’un qui avait lu mon roman Coup de froid sur Amsterdam me demandait comment j’avais fait pour écrire des scènes comme celles de la maison de jeu, où des personnages jouent et trichent sans vergogne à un jeu de carte aujourd’hui un peu oublié, le pharaon, qui au XVIIIe et XIXe avait un peu la vogue sulfureuse du poker.

D’autres lecteurs m’avaient fait la même remarque avec les scènes de jeu de whist (un ancêtre du bridge) dans Mort d’une Merveilleuse. Mais en fait, ce n’est pas très compliqué. Si on s’intéresse à ces sujets, on trouve vite des sites comme le Salon des Jeux, « Académie des jeux anciens » où sont détaillées les règles du pharaon, du whist, de la bassette, du piquet, du lansquenet et bien d’autres.

Les informations sont prises aux meilleures sources d’époque, à commencer par L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, et d’autres dictionnaires anciens qui contiennent de nombreuses descriptions de jeux mais aussi des discussions sur les probabilités de gagner ou perdre, car les jeux ont été dès le XVIIe siècle une source d’inspiration pour les mathématiciens aussi bien que les flambeurs. On peut aussi trouver divers autres guides et manuels de jeux anciens numérisés sur Gallica, ainsi que des ouvrages sur les astuces des tricheurs. Un genre qui a toujours eu beaucoup de succès, pensons aux mémoires de Vidocq. Les archives policières sont évidemment une mine : François-Alphonse Aulard, vers les années 1900, a publié des recueils passionnants sur la petite histoire de Paris sous Thermidor, puis le Directoire et le Consulat, tous accessibles en ligne.

Il y a également les anecdotes historiques, égrenées dans les mémoires et lettres du temps, et souvent exploitées par les historiens plus récents. On sait ainsi comment on jouait à la cour de Versailles et dans les tripots du Palais-Royal, et que la reine Marie-Antoinette elle-même s’était prise d’une passion pour le pharaon et autres jeux où on jouait gros.

Enfin, il ne faut pas négliger les ressources de la littérature : de nombreux auteurs des XVIIIe et XIXe siècles ont mis en scène les jeux de cartes ou de tables dans leurs contes et leurs romans. Balzac, Pouchkine, E.T.A. Hoffmann, l’abbé Prévost, Voltaire, Thackeray… On est plongé avec eux dans les émotions des joueurs, dans l’ambiance d’une table de bouillotte ou une banque de pharaon. Et peu à peu, on se prend au jeu aussi, et on se pique de ressusciter sur la page une partie, sans risque pour nous… mais pas toujours dommage pour les personnages qui s’y livrent !