Réponse à Jean Robin, qui m’accuse de «raconter des bêtises»… Il n’a pas dû apprécier que je parle à son sujet d’un basculement du côté obscur!
Terme trop fort? On en jugera. Je commentais un article d’Olcola à propos d’une vidéo où le journaliste donnait la parole à… Jean Staune, un de nos quelques spécimens de créationnistes à la française (version «dessein intelligent»).
Hélas, mon commentaire est dans la file de modération, le proprio de Coffee and Sci(ence) étant pour l’instant en vacances… Voici donc, ci-dessous, l’intégralité de ma réponse:
* * *
Jean, je ne vois pas quelles «bêtises» vous m’accusez de raconter. D’autant que vous semblez avoir compris de travers, ou lu trop rapidement, mon commentaire. Je n’ai jamais prétendu porter un jugement sur vos livres (même si j’ai suivi le lien donné par Oldcola et soupiré devant la collection hétéroclite de prétendus «débats interdits» que vous affichez dès la couverture – débats interdits sur la place de la France dans l’UE ou sur le réchauffement climatique, vraiment? Sur quelle planète avez-vous passé les dix dernières années?) mais témoigner de ce que j’avais pu voir, lire et entendre lors de l’affaire Thierry Ardisson, et après.
Il s’agit de débats qui ont largement eu lieu sur Internet, notamment sur le blog tenu à l’époque par l’équipe d’Arrêt sur images, mais aussi sur celui de Pierre Assouline et sur le mien, puisque je vous avais défendu quand Assouline avait censuré vos commentaires. J’espère que vous vous en souvenez? Et vous vous souvenez peut-être aussi que je vous avais rencontré dans un café près de St-Lazare pour discuter du possible témoignage d’un ancien collaborateur d’Ardisson, qui se trouve faire partie de mes connaissances. (La chose ne s’était d’ailleurs pas faite, cette personne préférant rester en dehors de la polémique.)
Il faudrait sans doute que je remette en ligne mon précédent blog pour pouvoir citer mon article. Mais je me souviens très bien, pour ma part, que dans Ils ont tué la télé publique, l’un des principaux reproches que vous faisiez à Ardisson (en plus d’avoir donné une tribune non critique aux complotistes du 11 Septembre) était de mettre en scène des conflits entre invités, en invitant des personnalités extrémistes et/ou promptes à s’énerver, et particulièrement à monter en épingle tout ce qui touche à Israël ou aux Palestiniens.
Que vous ayez analysé le fonctionnement de ce type d’émission est tout à votre honneur, et je n’ai jamais prétendu le contraire. Ni voulu laisser entendre que vous donniez dans les élucubrations d’un Thierry Meyssan!
Mais il y a plus d’une forme de conspirationnisme. Ce qui m’a mise mal à l’aise, dans les mois qui ont suivi notre échange à propos d’Ardisson, c’est que vous sembliez vous enfoncer peu à peu dans une sorte de syndrome du martyr médiatique, en multipliant les cas de prétendus «sujets interdits», où vous sembliez accepter sans guère prendre de recul le discours de gens qui se prétendent victimes d’ostracisme lorsqu’ils n’ont pas d’argument de fond à présenter. En répercutant par exemple sur votre blog, à un moment, la paranoïa d’un Maurice G. Dantec (le gars qui prétend qu’il est allé s’installer au Canada parce que la France serait trop accueillante pour les musulmans – mort de rire, vu que les exigences en matière d’intégration culturelle sont bien plus légères dans ce pays nord-américain, où le communautarisme n’est pas un gros mot!) ou en publiant en août 2006 un livre sur ce que vous appelez la «judéomanie», que vous définissez comme «Admiration outrée pour la communauté juive, qui génère de l’antisémitisme par retour de boomerang». Sans rire?
Ce faisant, vous commettez l’erreur que vous reprochiez naguère à Ardisson et autres «tueurs» de la télé publique: vous mettez dans le même sac l’influence de quelques intellos médiatiques (BHL, Finkielkraut) et le clientélisme des politiciens auprès du CRIF (en oubliant qu’il y a aussi un clientélisme similaire vis-à-vis des Corses, des Arméniens, des Pieds-noirs, des agriculteurs, de l’église catholique, et même des artistes), en amalgamant tout ça avec la réparation d’une injustice historique, avec la reconnaissance tardive, sous Chirac, du rôle de l’administration française dans la déportation des juifs pendant l’Occupation. Vous montez tout cela en épingle en croyant y voir une entreprise systématique de «sacralisation» des juifs, comme si le lobbyisme du CRIF était à mettre sur le même plan que le rétablissement des faits historiques! Au final, vous agissez comme les complotistes qui voient des manipulations occultes partout, pour qui tout événement néfaste est dû à la volonté de ceux qui tirent les ficelles en coulisse.
Pour Jean Staune et la prétendue «absence de débat» sur «l’évolution non darwinienne», il faut s’entendre: ce que la majorité des biologistes refusent comme non-scientifique, c’est la tentative d’introduire des thèses créationnistes (y compris le «dessein intelligent») dans leur discipline, pas les débats sur la façon dont se produit l’évolution. Les biologistes discutent en permanence des rôles respectifs joués dans l’évolution par la sélection naturelle et par d’autres mécanismes, notamment la dérive génétique. (Googlez ce terme pour voir.)
Une bonne idée aussi serait de lire, ou relire, ce qu’écrivait déjà S. J. Gould sur le sujet il y a vingt ans: les arguments des tenants du «dessein intelligent» et consorts n’ont guère changé depuis. Il s’agit encore et toujours de faire passer pour «scientifique» leur idée préconçue du rôle nécessaire d’un agent surnaturel dans l’évolution, qu’il s’agisse d’un Créateur ou d’une nébuleuse «force» qui dirigerait mystérieusement l’évolution vers son pinacle supposé, l’espèce humaine. Cette conception, hélas pour eux, est largement dépassée, car elle ne colle guère à ce que l’on sait du monde naturel: l’évolution est buissonnante, pas disposée sur une «échelle» de perfection; et la sélection naturelle continue toujours, y compris dans l’espèce humaine.
Bref, prétendre que les scientifiques refusent le débat sur l’évolution darwinienne, c’est soit enfoncer une porte largement ouverte (ben oui, ils refusent d’accorder le statut de science à des idées religieuses…) ou bien avaler tout cru le discours des néo-créationnistes.
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