Archives mensuelles : février 2020

Trois romans, une auteure

Je ne saurais dire depuis combien de temps j’écris : faut-il compter l’époque où j’imaginais des histoires avant même de savoir lire ? Pour le roman, en revanche, c’est plus facile. C’était à la fin de la classe de 5ème, grâce à une prof qui nous avait assigné, comme dernier devoir de rédaction avant les vacances, « écrire le premier chapitre d’un roman ».

Cela n’avait pas donné grand chose, bien sûr. Je ne prétends pas être une surdouée, ou autre gag. Mais ce fut un déclic important : depuis, j’ai pensé possible d’écrire des romans. Et je m’y suis mise sérieusement.

Le premier que j’ai terminé, ce fut L’Héritier du Tigre : un roman de fantasy qui aurait dû être le premier d’une série… Je ne sais pas si j’y reviendrai un jour (j’espère bien), mais en attendant, le texte se suffit à lui-même comme aventure. Paru en 2006 aux éphémères éditions Le Navire en pleine ville, il s’est retrouvé épuisé au bout de quelques années… Puis je l’ai retravaillé pour en faire une série chez Rocambole et c’est là désormais que l’on peut le lire !

Écrire le premier jet de ce premier roman m’avait pris trois ans, trois ans à tenir à peu près le rythme de l’écriture tous les week-ends, et à douter une bonne partie du temps. Mais cela avait marché. Après, trouver un éditeur, qui était d’ailleurs une éditrice, et améliorer le texte, avait aussi pris du temps. Inutile de dire que si j’avais espéré pouvoir vivre de ma plume, mes illusions se seraient dissipées aussitôt.

Heureusement pour moi, j’étais partie du principe que l’écriture ne payait pas, ce qui statistiquement est vrai. J’ai donc continué malgré les déboires de mon éditrice et le passage dans les limbes qui avait suivi.

Mais je n’avais pas renoncé à écrire. Vers 2016, je ne sais plus à quel moment exactement, j’écoutais un podcast rationaliste quand la question des miracles et reliques est venue sur le tapis, et l’invité de mentionner le cas de l’impératrice Hélène, mère de Constantin, qui était partie vers l’âge de 80 ans à la recherche de la croix du Christ, ou du moins était-ce la légende… « Une Indiana Jane de l’Antiquité », en somme ! Comment ne pas voir là un savoureux sujet de roman ? J’ai donc rédigé ce qui est devenu Augusta Helena, mon deuxième roman, et premier roman historique. Toujours en quête d’un éditeur, s’il y en a qui sont intéressés… (Mise à jour du 19/03/2020 : Ce roman est désormais en ligne gratuitement sur Wattpad.)

Ce deuxième opus avait demandé en tout deux ans, grâce à l’expérience, et aussi au fait que je m’étais cette fois organisée pour écrire au moins un peu chaque jour, ce qui est le conseil numéro un qu’on peut donner à tous les écrivants. (L’autre conseil incontournable : terminer son texte.)

Quand ça marche, pourquoi s’arrêter ? En janvier 2019, je me suis lancée dans la rédaction d’un troisième roman (et deuxième roman historique). Cette fois, le déclic est venu de la lecture des éphémérides de Wikipedia (et oui, j’ai un fil internet à la patte…), qui mettaient à l’honneur une certaine Marie-Angélique Duchemin, engagée volontaire de la Révolution française et première femme à avoir reçu la légion d’honneur. Un sujet de roman, s’il en fut jamais ! Cela donna Tous les Accidents, un texte dont je suis particulièrement contente, et qui cherche lui aussi en ce moment un éditeur.

On notera que ce dernier roman n’a pris qu’un an à écrire. Je pense avoir atteint là une vitesse de croisière, qui me permette d’écrire de façon productive tout en continuant à exercer mon emploi à plein temps. Il faut bien vivre. Et puis je suis consciente de ce que cela m’apporte d’avoir ce contact avec le monde extérieur. Bosser à un guichet de l’administration, ce n’est pas toujours facile, mais je le recommande à tous ceux et celles qui auraient une panne d’imagination. On en voit de toutes les couleurs.

Diversité et littérature : comment se planter dans les grandes largeurs, avec Barnes & Noble

Qui est ce beau jeune homme ?

C’était une idée mirifique : prendre une poignée de classiques de la littérature occidentale et regarder si les protagonistes ne pourraient pas être considérés comme non Européens, par hasard. Après tout, quand un personnage n’est pas décrit comme blond aux yeux bleus, qu’est-ce qui empêche une lectrice de l’imaginer avec une peau brune, des cheveux crépus ou des yeux bridés ?

Si, à ce stade, vous voyez le problème, vous êtes déjà en avance de plusieurs chapitres sur l’équipe marketing de Barnes & Noble USA.

Je passe sur le fait qu’ils n’ont même pas relu de près les bouquins en question pour ce programme mal ficelé : ce sont des œuvres qui font partie de notre culture depuis au moins un siècle, que chacun a déjà consommé sous une forme ou une autre, ne serait-ce que comme parodie. On parle de L’Île au Trésor, Frankenstein, Peter Pan, Le Comte de Monte-Christo

En quoi le choix de livre était-il censé refléter la diversité du lectorat actuel ? Est-ce que B&N avait embauché des auteurs africains, indiens, japonais, etc., pour écrire une version « autre » de ces classiques ? Cela aurait pu être intéressant, mais non. Ont-ils au moins choisi de mettre l’accent dans leur matériel promotionnel sur le fait qu’Alexandre Dumas, auteur du Comte de Monte-Christo, était métis, ou que l’un des personnages sympathiques de Frankenstein est une jeune Arabe, Safie ? Non plus.

Ils voulaient seulement donner à ces livres de nouvelles couvertures avec des visages non européens dessus.

Ce n’est même pas le service minimum, c’est insultant, surtout qu’ils avaient prévu de faire coïncider cette campagne avec le Black History Month, la période (février) où les USA sont invités à se confronter à leur histoire pour le moins compliquée lorsqu’il s’agit de l’Afrique et de sa diaspora. Et le bad buzz qui s’en est suivi n’a pas manqué de tuer dans l’œuf cette idée mirifique.

Ce qui ne veut pas dire que toutes les critiques de B&N sont motivées par des raisons morales. Le vrai crime, ici, semble bien d’avoir voulu faire de l’argent sur la notion de notion de diversité sans impliquer les créateurs qui en sont « issus », pour reprendre une formule à la mode. C’est comme cela qu’il faut comprendre l’accusation de literary blackface, sinon un peu bizarre : de la même façon que jadis à Hollywood des acteurs blancs jouaient des Africains, Amérindiens, Chinois, etc., grimés, on a ici une collection de classiques occidentaux du 19e et début 20e qui voulait se faire passer pour une littérature mondiale telle qu’on la conçoit au 21e siècle, diversité incluse. Derrière les questions de principes, l’économique n’est jamais loin.

Ironie du sort, c’est exactement ce que l’on reproche à B&N, d’avoir fait passer l’appât du gain devant le respect des groupes humains qui ne vous ressemblent pas. Tant il est vrai que s’il y a une couleur vraiment universelle, c’est le vert, nuance dollar.