Archives mensuelles : décembre 2010

Pourquoi il ne faut pas laisser dans les codes les lois obsolètes

Vous avez entendu parler de cette affaire, j’espère? Ces parents qui ont pu faire annuler le mariage de leur fils (qui, à trente ans, devait pourtant se croire adulte…) avec sa fiancée chinoise, en utilisant une loi millésimée de 1803. Vous avez bien le bonjour du Code Napoléon!

«Après avoir accusé Mandy de se marier pour obtenir des papiers, ils l’accusent désormais d’être une espionne au service du gouvernement chinois»

Charmant. J’imagine que cela va jeter un froid pendant le réveillon…

Cela dit, au-delà des relents de vieux racisme (le péril jaune, vous savez…) et d’affaires de famille bien épaisses, il y a une leçon à retenir de cette histoire.

Deux leçons, même. D’une part, que la soi-disant Patrie-des-Droits-de-l’Homme™ ferait bien de balayer devant sa porte en matière de droits humains et de lois scélérates avant d’essayer de faire la morale aux autres. D’accord, en la matière, on fait mieux que, disons, le Pakistan. Mais il faudrait peut-être songer à ne pas s’endormir sur nos petits lauriers, hmm?

D’autre part, c’est encore un cas où un peu de logique aurait permis d’éviter le drame. Et dans ce cas, d’une logique qui devrait crever les yeux du premier écrivain ou storyteller venu.

La logique narrative. Je pense à l’exemple qu’utilise l’écrivain de SF canadien Cory Doctorow pour critiquer les lois « anti-piratage » du genre Hadopi:

Read your Chekhov, people: the gun on the mantelpiece in act one will go off in act three. Allowing the MPAA to get SOC in your set-top box but « never planning on using it » is like buying a freezer full of chocolate ice-cream and never planning on eating it.

Traduction rapide:

« Relisez Tchékov, les gars: le fusil suspendu au-dessus de la cheminée, dans l’acte I, servira à tirer sur quelqu’un dans l’acte III. Permettre à l’industrie du cinéma d’installer un dispositif de contrôle dans votre récepteur télé mais « sans aucune intention de l’utiliser » c’est comme d’acheter tout un freezer de glaces au chocolat « sans aucune intention » de les manger! »

Pour les lois sur le mariage, c’est pareil. Tant qu’elles sont dans les codes, c’est pour qu’on les utilise. Et si on veut éviter les coups de feu, on enlève le fusil de dessus la cheminée.

P.S. Un commentaire m’apprend que Maître Eolas avait fait un billet là-dessus en novembre dernier pour expliciter le contexte juridique de cette loi, mais sans nous apprendre grand-chose sur le fond. (Et sa conclusion me semble un peu courte, pour quelqu’un qui peste régulièrement contre la façon dont les lois sont rédigées…)

Première neige pour… trois tigres de Sibérie

Parce que certains jours, on a tous besoin de vidéos débordantes à ras bords de l’élément adorable

Les bambins sont de jeunes Tigres de l’Amour (alias Tigres de Sibérie) nés au zoo du Bronx, à New York, et qui découvrent la neige pour la première fois.

Commentaire du biologiste Jerry Coyne (du blogue Why Evolution Is True, où j’ai piqué – sans vergogne aucune – cette vidéo): cette variété de tigre a manifestement développé au cours de son évolution les gènes nécessaires pour bien tolérer la neige… mais pas les gènes pour en avoir une connaissance innée! Et ces trois-là font comme tous les bébés mammifères du monde: ils jouent avec la nouveauté afin de mieux l’explorer.

Carl Hiaasen, bad writing, and the abduction of female characters

Grr! This annoyed me so much that I nearly got myself a LiveJournal account just so I could vent over at Canon Rants! And it’s all the fault of novelist Carl Hiaasen – or perhaps of Cory Doctorow, whose book review in Boing Boing enticed me to go read Star Island, Hiaasen’s most recent comic/absurdist Floridian crime caper.

The fact that I had previously liked a few of these books (especially the brilliant Basket Case) didn’t hurt, I have to admit. But this time, something threw me right out of the book.

Let me explain. But first, beware that spoilers lie ahead. If it bothers you, please don’t click on!

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Joyeux anniversaire d’Isaac Newton!

L’inventeur de la théorie de la gravitation universelle, des trois lois du mouvement, d’une théorie des couleurs en optique, d’un télescope à réflexion et (avec Leibniz) du calcul infinitésimal est en effet né un 25 décembre selon le calendrier julien.

Quoi, ce n’est pas ce qu’on fête aujourd’hui? Tss…

Considéré comme une figure emblématique des sciences, Isaac Newton a influencé de nombreux penseurs, notamment les philosophes Kant et Voltaire. Il a aussi inspiré écrivains et artistes, et jusqu’à l’auteur de SF américain James Morrow, qui a fait de l’ouvrage Principia Mathematica de Newton (où il expose ses principales théories) le narrateur de l’un de ses romans.

Authentique.

L’accident de sa date de naissance a aussi suggéré à certains mouvements humanistes et athées modernes l’idée de faire du 25 décembre une fête des sciences et de la découverte, comme alternative aux festivités religieuses de fin d’année.

Voilà, vous êtes probablement plus savants aujourd’hui. On dit merci à qui, hmm? 😉

De la neige à Noël? Dites merci au réchauffement climatique…

Et non, ce n’est pas une blague. Mais – très probablement – la conséquence d’un phénomène de physique bien connu: plus de réchauffement (du globe) conduit à plus d’évaporation (des mers), qui entraîne à son tour plus de précipitations (d’eau ou de neige selon la température locale).

C’est aussi une bonne occasion de rappeler la différence entre climat (sur de longues périodes, avec fluctuations) et météo (localisée dans l’espace et le temps).

Non seulement la tendance globale au réchauffement sur plus de 50 ans n’empêche pas des cycles avec des hauts et des bas – et c’est ainsi que pour l’année 2010, un hiver arctique dans l’hémisphère nord succède à 9 mois particulièrement chauds (voir une interview de Patrick Galois, de Météo France) – mais le fait que le globe se réchauffe conduit en soi à une tendance à l’augmentation de l’humidité présente dans l’atmosphère.

Si on se rappelle un peu le programme de sciences du primaire, on sait que la neige est de l’eau cristallisée, et qu’une chute de neige n’est pas forcément un signe de grand froid, mais que c’est ce qui se passe quand l’air contient suffisamment d’eau (en termes techniques, on parle de sursaturation) et que la température locale descend à zéro ou au-dessous.

Je simplifie, bien sûr, mais vous voyez le principe…

Pour les amateurs de science-fiction, je signale que John Wyndham avait déjà utilisé ce phénomène dans son roman-catastrophe de 1953 Le Péril vient de la mer. Là, ce sont des extraterrestres qui provoquent la fonte des calottes glaciaires, et non l’activité humaine, mais l’enchaînement des changements climatiques qui s’ensuivent est très bien décrit – et fort suggestif de la période présente, hélas.

Contre le Sarkozistan, un petit Huron… et un gros succès Internet

Il y a un petit livre qui fait des vagues dans la Sarkofrance – ou « Sarkozistan », comme les habitués des éditos de Daniel Schneidermann doivent en avoir l’habitude – et devient mine de rien un succès public malgré le fait qu’il soit publié anonymement et auto-édité grâce à un prestataire uniquement établi sur la place d’Internet, j’ai nommé LePublieur.com.

Mieux: on dirait que les chroniqueurs littéraires en place commencent eux aussi à s’y intéresser! Voir par exemple ce billet de Pierre Assouline sur ces « Souvenirs effarés d’un Huron de retour du Sarkozistan ».

With a little help from my friends… online? Tiens, tiens.

Et il est intéressant qu’un livre qui décortique au scalpel les compromissions, copinages et autres liaisons dangereuses entre pouvoir et médias (sans parler du mélange des genres affaires privées/vie publique, ou intérêts économiques et pouvoir politique…) n’ait pas été publié, par choix de son auteur, chez un éditeur « normal ». Mais que ce soit au réseau, ce seul « ennemi » contre lequel le pouvoir n’ait « pas trouvé de discours convaincant ni de parade efficace » que l’ouvrage ait été confié.

Avec déjà 13000 exemplaires vendus, sans la presse ni les librairies. Vous avez dit alternative? Hmm.

Pioneer One, episode 2

More news of the « Man from Mars »! Pioneer One, the award-winning, crowd-funded, BitTorrent-distributed, indie sci-fi TV series is back! To download the long expected second episode, just go to http://vodo.net/pioneerone or http://www.pioneerone.tv/ and choose size of video.

Official preview of episodes 2 and subsequent on Vimeo.

Downloading and sharing is legal under a Creative Commons BY-NC-SA licence (Attribution, Non Commercial, Share Alike) and the producers welcome the contributions from the public. Indeed, the voluntary contributions after the successful release of the pilot enabled the producers to film the episodes 2 and 3.

Now, let’s help them to finish the season 1 with two more…

Cette fois, j’ai tout compris aux religions…

Comparer les fanatiques de Star Trek, Star Wars et autres Harry Potter aux adeptes d’un culte religieux n’est plus très original, certes. Mais… et si c’était l’inverse?

Considérez le passage suivant, qui se multiplie par copi-collage sur le Net depuis au moins 3 ans, sautant de 4chan (oui!) à des forums d’éducation, et de Yahoo! Answers à divers blogues et forums athées:

Think of it like a movie. The Torah is the first one, and the New Testament is the sequel. The Qu’ran comes out, and it retcons the last one like it never happened. There’s still Jesus, but he’s not the main character anymore, and the messiah hasn’t shown up yet.

Jews like the first movie but ignored the sequels, Christians think you need to watch the first two, but the third movie doesn’t count, Moslems think the third one was the best, and Mormons liked the second one so much they startred writing fanfiction that doesn’t fit with ANY of the series canon.

(Cité ici par Feynmaniac sur Pharyngula)

Traduction rapide par mes soins:

« Pensez-y comme à une série de films. La Torah est l’épisode un, et le Nouveau Testament la suite. Puis le Coran paraît avec une retcon sur le précédent, comme si tout ça n’était jamais arrivé: Jésus est toujours là, mais maintenant ce n’est plus le personnage principal, et dans cet épisode le messie n’est toujours pas apparu.

Les juifs aiment beaucoup le premier film mais ignorent les suites. Les chrétiens pensent qu’il faut regarder les deux premiers épisodes mais que le troisième ne compte pas. Les musulmans pensent que le troisième est le meilleur. Enfin, les mormons aiment tellement le second qu’ils ont commencé à écrire une fanfiction qui ne colle avec AUCUN des épisodes précédents. »

Voilà, voilà. Tout s’explique…

P.S. Billet repris par Dazibaoueb, Betapolique et Les Mots ont un sens. Merci à eux. 😉

UK police kettling vs the French art of protest march management

Dear UK police chiefs and government officials,

Here’s the thing: you did it all wrong with the student protest marches. Sorry to blow your bubble, but that’s true. You had young people demonstrating peacefully against unpopular measures, with a lot of support from the generation of their parents and grand-parents, and what did you do? Treat them like dangerous rabble, using kettling and other controversial tactics.

That’s not smart.

Now, the consequences are upon you: lots of arrests, lots of anger, and rumors of forbidding more marches in the future. Oops, how undemocratic!

Now, if only you had thought about taking an interest in what goes on here, among the traditional enemy of Merry England – I mean in France. I know, I know, you don’t think much of these froggies and their seemingly permanent state of unrest. Demonstrations every other day, the horror! Talk about hampering the commerce, Maggie.

But you know what? They have evolved sophisticated ways to organize even protest marches. That’s true. It’s all about negotiating the itinerary beforehand and also putting security personnel inside the crowd. Very sneaky, you might think (making the demonstrators cooperate to their own containment? yes, it’s possible), but effective.

And I do mean negotiate. To begin with, demonstrators must always file their proposed route with the local police authority. They, in turn, can suggest modifications (for instance, don’t go too near this or that sensitive landmark). When the proposed route is agreed upon, the marchers are responsible for sticking to it. Everybody knows that if they deviate, the police can and will respond with force. The result is that the organisers of the march put voluntary « security officers » among the marchers, especially at the front, back and flanks, and they have badges or some other easily recognisable sign to distinguish them.

The police also send some plain-clothes personnel among the marchers to watch things closely and report by radio to their uniformed colleagues. Then, if someone somewhere turns violent, there’s generally either a policeman or a voluntary security person nearby, or both, and the incident is quickly handled without disrupting the whole march.

Not a magic bullet, and it needs practice, but it shows that comparatively peaceful alternatives to kettling and charges do exist.

Just thought you might be interested.

Ref.: David Dufresne, author of Maintien de l’ordre, interviewed by Article 11 (in French).

Accros aux catastrophes, les ados? Ou juste réalistes?

Allons bon. Je fais le ménage dans la pile de brouillons du blogue (merci WordPress, au passage – I love you et toute cette sorte de choses), et je tombe sur une ébauche contenant seulement ce touitte:

Pourquoi je l’avais noté?

Zut, alors, je ne me souviens plus… Mais dans l’article, daté du 1er décembre, cela parle de l’édition jeunesse, dont le salon de Montreuil, millésime 2010, venait d’ouvrir ses portes.

On pourra suivre (ou pas) l’avis de la rédactrice, à propos du succès des romans d’anticipation dystopiques chez les jeunes lecteurs. Est-ce vraiment lié à un sentiment d’insécurité dans le monde réel? À l’angoisse de se réveiller un jour dans un contexte de catastrophe planétaire ou de régime totalitaire?

Ou bien cela reflète-t-il surtout leur intérêt pour le monde présent – avec son réchauffement climatique, sa « guerre contre le terrorisme » et son feuilleton Wikileaks inclus?

Voir Cory Doctorow et sa vision de la science-fiction actuelle comme une forme de « présentisme radical »…

Et au fait, est-ce que le succès de ces thèmes dans l’édition jeunesse est particulièrement remarquable? Par rapport aux succès d’édition grand public en général, je veux dire. Car la vogue des zombies et des fictions post-apocalyptiques n’a pas commencé chez les ados, que je sache.

En revanche, l’édition en général est en crise, chez nous comme outre-Atlantique, mais l’un des rares secteurs à plutôt bien s’en tirer est celui des livres pour ados et « jeunes adultes ».

Et à mon avis, c’est plutôt cela qui est remarquable.