
L’anti-héros de l’histoire… (Venom, 2018, Sony Pictures)
J’avais raté le film Venom lors de sa sortie, mais quelqu’un me l’a récemment conseillé, alors j’ai fait du rattrapage. Très bon tuyau ! Si on aime les films de super-héros, la SF ou juste les histoires un peu déjantées, il y a de quoi passer un bon moment.
Mais ce film est intéressant aussi à un autre niveau, et je ne parle pas du message politique qui court tout au long de l’histoire sur les mégacorporations, le militarisme et la xénophobie. On m’avait parlé des thèmes anti-Trump du film, mais le « méchant » est plutôt une espèce d’Elon Musk sous acide : un génie avec sa propre flotte de vaisseau spatiaux et un furieux désir de se hisser sur le piédestal d’un dieu. Tout cela est assez banal, mais ce qui l’est moins, c’est que la « créature » ne finit pas comme celle de Frankenstein : le mot clef ici est « symbiose »…
Et c’est là que j’ai vraiment apprécié le film, pour cette représentation fascinante de deux organismes en train d’essayer d’occuper le même espace au même moment. Qu’est-ce d’autre, sinon ce qui se joue à chaque instant dans notre corps, au niveau le plus fondamental ?
Prenez le microbiote, par exemple. On a tous entendu parler de ces bactéries commensales qui logent dans notre injures et nous aident à tirer partie des aliments. Mais il n’y a pas que l’intestin : la surface de la peaux et des muqueuses, tous les replis et anfractuosités sont colonisés par des bactéries qui ont le grand intérêt pour nous d’occuper le terrain et de rendre plus difficile pour des organismes pathogènes de s’y installer. Il y a à peu près autant de cellules microbiennes sur et dans le corps humain qu’il n’y a de cellules du corps lui-même. (Les premières estimations, qui donnaient un rapport d’une cellule du corps pour 10 de microbes, étaient surévaluées, mais c’est déjà une quantité impressionnante.)
Quand, dans le film, on voit le « Symbiote » lutter avec un hôte potentiel, quand ils se disputent au sujet de la nourriture nécessaire pour leur survie à tous deux, ou que le Symbiote commence à consommer les organes de l’hôte, c’est un peu ce qui se passe au niveau de nos tissus avec, mettons, les staphylocoques dorés qui se nourrissent sur nous, dans nos fosses nasales, par exemple, et qui n’attendent qu’un affaiblissement du système immunitaire pour proliférer, nous envahir et nous digérer.
Oui, bon appétit à vous aussi. Songez à vos bactéries cet hiver : couvrez-vous bien.
Mais il y a une symbiose à un niveau encore plus fondamental, au sein même de chacune des milliers de milliards de cellules de notre corps. Vous avez deviné ? Oui, ce sont des stars dans leur genre : les mitochondries !
Ces petites organelles (les sous-unités de la cellule) apportent l’énergie nécessaire au fonctionnement de chaque cellule de peau, de cœur, de foie… Elles sont présentes chez tous les Eucaryotes, bref les organismes qui ont une cellule complexe : animaux, végétaux, champignons et levures, et même les amibes. Et, caractéristique singulière, elles possèdent leur propre ADN, ce qui a mis les scientifiques sur la voie quant à l’origine de ces mitochondries : selon la théorie énoncée par Lynn Margulis, c’étaient au départ des micro-organismes indépendants qui ont été absorbés par l’ancêtres des Eucaryotes – mais pas digérés. Une étrange fusion s’est opérée en ces temps primordiaux, chez ces ancêtres de nos ancêtres, et les proto-mitochondries ont réussi à se faire leur place au sein des cellules eucaryotes, tout comme le journaliste Eddie Brock dans le film à continué à vivre en tant qu’hôte de l’extraterrestre Venom. Ou bien est-ce l’alien qui est la mitochondrie ?
Peu importe, c’est très sympathique de voir l’un des mécanismes fondamentaux de la vie et de l’évolution mis en scène dans un film grand public. Car, comme disait Darwin lui-même, l’évolution est autant affaire de coopération que de compétition.
Certes, les symbioses de ce genre sont rares dans l’histoire de la vie, mais c’est aussi un aspect que le film reflète bien : tous les extraterrestres ne parviennent pas à établir une « relation » viable avec un être humain. Mais pour ceux qui y parviennent, le résultat est extraordinaire.
Et je ne parle même pas des « fossiles » d’anciennes symbioses présents dans notre ADN : des gènes provenant de virus qui ont jadis infecté nos ancêtres, mais qui ont été conservés parce qu’ils apportaient des avantages. Comme pour permettre au bébé, chez les mammifères, de ne pas être rejeté par l’organisme de la mère : il devait à l’origine servir à un virus à ne pas être attaqué par le système immunitaire !
Et c’est un autre genre de parasitisme et de symbiose. Le film n’explore guère cet aspect, ayant un personnage principal masculin, mais qui sait, lors d’une suite, peut-être…
P. S. J’oubliais de le mentionner, mais ce Venom fonctionne aussi comme une version plus optimiste du classique de l’horreur et de la SF de John Carpenter, The Thing. Le plan d’ouverture est d’ailleurs identique. Tant qu’à emprunter, que ce soit aux meilleurs.
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