
Mercure, dieu du commerce et des voleurs, est-il aussi celui de la désinformation économique ? (Crédit : Mallowtek)
Dans cette folle campagne présidentielle, on a entendu beaucoup d’arguments foireux, et c’est parti pour faire de même aux législatives. La vigilance est de mise ! Car c’est une chose de perdre si les gens ne veulent pas de vous ou de votre projet ; mais perdre des votes pour du vent, de l’intox, du pur fantasme, ça va trop loin.
J’ai appris incidemment, en bavardant avec mon médecin, l’une des sources d’une déformation tenace sur le programme économique d’Emmanuel Macron : BFMTV Économie. Je lui parlais d’un collègue qui était effrayé par la perspective d’une exonération de la taxe d’habitation pour 80% des ménages. Il croyait dur comme fer que pour financer ça, l’impôt des 20% restants allait être doublé ou triplé… Comme si le budget des collectivités locales, auquel est versée cette taxe, n’avait qu’une seule source de revenus ! Le programme du candidat, publié sur le site d’En Marche !, parlait pourtant de la contribution versée par l’État aux collectivités en compensation de cet impôt. Et l’État s’arrange pour avoir d’autres sources de revenus, notamment la CSG, impôt le plus juste car le mieux réparti. Peine perdue.
C’est là que mon toubib a révélé que lui aussi était tombé dans le panneau…
« Mais ils en ont parlé sur BFM Éco ! Ça fait quand même un gros manque à gagner, la taxe d’habitation, c’est énorme ! »
Ouille, ouille. Ce n’est pas parce qu’il y a « Économie » dedans que les gens savent de quoi ils parlent ! Et surtout qu’ils ont un minimum de déontologie. Ici, la seule explication que je vois, c’est que les chroniqueurs de BFMTV ont essayé de spéculer sur ce que ferait Macron s’il était élu, et qu’avec leurs préjugés habituels envers un ancien ministre d’un gouvernement d’un gouvernement de gauche, ils en ont conclu qu’il voudrait imposer à outrance tous ceux qui ont un peu de bien au soleil. Que ce soit un épouvantail sorti de leur imagination ne l’a pas effleuré, pas plus que mon collègue. Ils ne semblent pas avoir intégré que les médias ont des biais – et pas seulement les médias que lisent ou écoutent les autres…
Enfin, même si on est porté à croire le scénario BFMTV, un minimum de connaissances et d’esprit critique aurait dû faire écarter cette histoire de hausse vertigineuse de la taxe d’habitation. D’abord parce que c’est un impôt qui ne rapporte pas beaucoup, surtout comparé à ce qu’il coûte à mettre en œuvre. Pour l’année 2009, par exemple, la TH représentait 16,5 millions d’euros – dix fois moins environ que la TVA, six fois moins que la CSG. Pas de quoi déclencher une révolution en augmentant brutalement le barème !
Et puis qui dit taxe d’habitation dit fiscalité locale : ce sont les communautés territoriales, bref communes, agglomérations, départements et régions, qui votent les taux. Et eux non plus n’ont pas intérêt à maltraiter leurs administrés. Avec la réforme proposée, ces communautés auront plutôt à cœur de négocier judicieusement avec l’État, puisque c’est lui qui remplacera le manque à gagner.
Après, on peut discuter des inconvénients pour les communautés en question, bien sûr, ou de la justification de ce 20% restant qui continue à payer la taxe. Mais au moins, on parlera de choses réelles, pas de la politique du #stagiairedeBFMTV.