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Substack, non merci

Il y un an et demi, je décidais de tester la plateforme de publication Substack. Comme les habitués de ce blog le savent, je m’en suis servi pour republier des articles déjà parus ici, parce que je n’étais pas sûre de l’intérêt d’une migration. Le peu d’auteurs écrivant en français là-bas était un obstacle important. Et puis il y avait des questions non résolues sur la modération. Dès le début, Substack affichait un désir de ne pas modérer les contenus, quitte à laisser s’exprimer des extrémistes très extrêmes… Est-ce que cela poserait des problèmes ? On verrait bien.

Pendant quelques temps, j’ai pu espérer trouver là un canal d’expression intéressant, surtout quand ils ont lancé leur propre réseau social, clone de Twitter, Notes. J’avais quitté Twitter un peu avant en voyant la tournure que cela prenait.

Et puis il y a eu cette affaire du Nazi problem.

Oups. En gros, oui, les extrémistes hébergés sur Substack se portent bien, merci, ils comptent des néo-nazis et d’autres « suprémacistes blancs » qui publient tranquillement que l’Holocauste n’a jamais existé mais que Hitler avait de bonnes idées, que les vraies victimes de racisme sont les Blancs, et ainsi de suite. Et non seulement ils l’écrivent, mais grâce à la plateforme, ils le monétisent et peuvent ainsi développer leur marque et trouver de nouveaux « clients »…

Être publiée sur une plateforme où on peut dire des choses pareilles, à la limite. Il se trouve aussi sur Substack des gens qui ont des idées diamétralement opposées, des partisans d’un communisme pur et dur, par exemple, et d’autres qui prétendent que ce n’est pas du racisme de haïr un groupe humain privilégié. (Spoiler : si, ça l’est. Ce n’est juste pas du racisme majoritaire.)

Bref je me disais jusque-là que les deux extrêmes se disqualifiaient l’un l’autre, et que du point de vue de l’intégrité intellectuelle, c’était un moindre mal. Et s’il ne s’agissait que d’un débat, on pourrait en rester là.

Mais ce n’est pas juste un débat d’idées. Comme on dit, « suivez l’argent ». Le simple fait de publier sur Substack ou sur Notes augmente la valeur de la plateforme et l’audience des publications qu’elle héberge. Bref plus les néo-nazis gagnent d’argent avec. Est-ce que j’ai envie que mes publications, même de loin, aident à cela ?

Vous devinez la suite. Bye, bye, Substack. Cela me fera un réseau social de moins à surveiller, de toute façon.

On pourra désormais me suivre sur Facebook, Instagram, LinkedIn, Threads et Post. C’est déjà pas mal, non ?

P.S. Au passage, je signale que j’abandonne aussi la mise à jour de Tumblr.

Retrouvez-moi sur Post et autres réseaux

(Mise à jour du 20/04/2024 : Hélas, c’est fini pour Post, l’entreprise a mis la clef sous la porte. Dommage, c’était sympathique.)

Depuis que j’ai quitté Twitter (sans regrets), je passe plus de temps sur d’autres réseaux sociaux. Je maintiens ainsi une présence sur Facebook, LinkedIn et Instagram, par nécessité, mais ce sont Post et Notes qui occupent désormais le plus de temps pour moi, aussi bien pour découvrir des infos et des voix intéressantes que pour poster à mon sujet.

(Mise à jour du 23/12/2023 : j’ai moins d’intérêt pour Notes aujourd’hui, à cause de ce qu’on peut appeler le « problème Nazi«  de Substack. Je vais certainement limiter mon activité sur cette plateforme à l’avenir.)

En-tête de l'écran d'accueil de Post.news, avec le titre "Post" et les onglets "Following", "News" et "Explore"

J’aime bien le format original de Post.news et son ouverture sur le monde. Mais il faut avouer que l’interface n’est pas encore finalisée. En particulier, il n’y a pas encore d’appli pour Android. Ça limite un peu les possibilités, même si par ailleurs le design est élégant et la richesse de sources impressionnante. On trouve désormais notamment sur ce réseau de grands médias et agences de presse du monde entier.

Hélas, encore peu de francophones… Même si ça tend lentement à s’améliorer.

On peut faire le même reproche à Notes, l’appli liée à la plateforme Substack. Celle-ci a pourtant une longueur d’avance question ergonomie, et il devient vraiment pratique et agréable de lire et discuter sur l’application.

Surtout, c’est la diversité des points de vue liée à une diversité d’expertise qui rend déjà Notes indispensable. Histoire, géopolitique, médecine, génétique, technologie, économie, mais aussi édition, cinéma, politiques publiques, droit, photographie… Les auteurs sur Notes sont aussi variés que sur Substack, et cela donne un étrange sentiment de se retrouver aux débuts de Twitter, pour ceux qui l’ont connu avant grosso modo 2015, quand le rapport signal/bruit était largement favorable au premier.

C’est évidemment pour l’essentiel en anglais, même si Substack a commencé récemment à traduire son interface, et si on peut découvrir ici et là des publications dans d’autres langues.

J’ai déjà moi-même lancé mon Substack en français, et j’espère qu’il y aura bientôt beaucoup d’autres curieux et curieuses pour rejoindre le mouvement.

Et vous, trouverez-vous Mort d’une Merveilleuse chez votre libraire ?

Ça fait toujours quelque chose de voir son roman en évidence sur les tables des libraires. Ici, au Gibert Joseph de Paris XVIIIe, boulevard Barbès…

Et chez Au pain de 4 livres à Yerres (91), avec les compliments de la libraire !

Merci pour Mort d’une Merveilleuse, mon dernier roman policier, paru début septembre aux Éditions du 81. C’est très encourageant.

Et vous, allez-vous le trouver près de chez vous ? N’hésitez pas à me le signaler ici, ou sur Instagram, Facebook et autres réseaux plus ou moins sociaux.

(Déjà publié sur mon blog Substack.)

Twitter, c’est fini

Vous avez remarqué ? Plus de liste des récents tweets sur la barre latérale. C’est fini. J’ai désactivé mon compte Twitter pour de bon, et pour des raisons que vous pouvez deviner. Les récentes prétendues « révélations » montrent surtout que l’actuelle direction de Twitter est plus qu’un peu désinvolte avec les données utilisateurs. Non merci.

Je suis toujours sur Facebook, mais l’endroit où j’irai pour bavarder désormais sera Post. Si vous souhaitez y jeter un œil, n’hésitez pas, mais en gardant en tête que le site est encore en bêta. Mais c’est prometteur.

Tentative de dépoussiérage d’un blogue

Combien de mois que je n’ai pas blogué ? Depuis le 14 juillet, donc un peu plus de 3 mois. On se rouille.

Photo : statue de mammouth au Jardin des Plantes à Paris

Cela ne veut pas dire que je n’ai rien fichu en ligne… Voir @irenedelse par exemple ! 😉

D’ailleurs, c’est sur Twitter que j’ai découvert, grâce à @rosselin, @Zgur_ et bien d’autres, un entretien accordé par Emmanuel Todd à Marianne. Faut-il encore présenter ce chercheur, spécialiste des structures familiales, devenu l’un des intellectuels les plus écoutés de France ?

« Je suis historien et toujours dans le bonheur d’être débarrassé de Sarkozy. C’est quand même quelque chose qu’on peut déguster, non ? Si le président sorti avait été réélu, nous ne pourrions pas aujourd’hui débattre des problèmes économiques de la France. Nous serions encore en train de piapiater sur l’identité nationale, les Roms, les musulmans, les enseignants, les chômeurs et autres boucs émissaires, oubliant la débâcle industrielle et le déficit commercial. » (Emmanuel Todd, Marianne, 16/10/2012)

Il y a beaucoup de choses intéressantes dans ce textes ; beaucoup d’à-peu-près, aussi, ou de paris sur l’avenir… et quelques points qui me font tiquer.

Lorsqu’il se réfère (à propos du débat en Allemagne sur la circoncision rituelle) à l’anthropologie, un domaine que je connais un peu, pour l’avoir étudié dans ma folle jeunesse, Todd y va tranquillement à la louche, mêlant le niveau d’analyse sur les États, les groupes culturels, l’avis des individus concernés et la question des droits humains. Un exemple, vous me direz, mais c’est tout le problème : si, lorsque je connais le sujet, je trouve des approximations douteuses chez un « expert », comment accepter tout ce qu’il dit sur les autres sujets ?

Et pourquoi, au fond, interroger sans arrêt des historiens, démographes, linguistes (hello, Mr. Noam Chomsky…), profs de philo (houhou, Michel Onfray ?) ou encore de lettres sur des sujets où ils n’ont pas vraiment beaucoup plus d’expertise que la plupart des gens ?

Bref, gare à l’effet « carnet d’adresse du journaliste », qui s’étoffe mais ne se renouvelle pas.

N.B. À propos de réseaux « sociaux » : j’ai aussi supprimé mon compte Facebook. On se doute pourquoi si on suit les dernières affaires de données-privées-qui-ne-l’étaient-pas-trop… Je n’y venais quasiment jamais, de toute façon.

Et vous, ça ne vous agace pas, les liens vers les sites réservés aux abonnés?

Cela vous est déjà arrivé de cliquer sur un lien hypertexte, au détour d’un blog, d’un site web, d’un forum ou de votre réseau social favori, et de tomber sur une page qui vous est fermée – pour cause d’incompatibilité logicielle ou de nécessité impérative de s’abonner? Oui? Alors vous savez pourquoi c’est exaspérant.

Non? Dans quels Internets avez-vous passé les derniers mois?

J’ai l’impression que je rencontre de plus en plus de liens aboutissant vers des pages de ce genre. On peut même recenser trois catégories, classées ici par ordre d’importance d’exclusion du public:

1) Les sites qui vous obligent à installer un logiciel sur votre machine. « Tiens, » balance quelqu’un sur Twitter, « j’écoute ceci en ce moment! » Et quand on clique, on tombe sur une URL Spotify ou iTunes… Et si on ne l’a pas? Si on n’a pas envie d’installer une application qu’on n’a pas choisi ni de donner encore ses informations à une énième entreprise commerciale? Et si on est sous Linux, que les vitrines multimédia de ce genre ont tendance à snober? Alors, impossible d’écouter ce que votre copain veut vous faire partager. Bonjour la sociabilité sur le réseau.

2) Les liens vers des pages Facebook (ou Google+, ou Twitter, ou autre) réservées à certains contacts – et pas en mode public. « Un texte formidable », « une réponse définitive à ce genre d’argument », « le meilleur gag de l’année », « infos exclusives »… Heu, zut, c’est réservé aux amis. Aux friends. Aux followers. À un cercle restreint. Comment je fais? Je m’en passe, à moins de réussir à entrer dans les contacts de l’auteur. Et cela, si j’ai déjà ouvert un compte. Vous n’êtes pas sur Twitter? Vous avez fermé votre compte Facebook? Vous boycottez les réseaux sociaux? Bye, bye!

Capture d'écran de Facebook

Cliquer sur l’image pour agrandir: en haut, icône « public »; en bas, réservé aux amis.

3) Les sites qui vous obligent non seulement à vous abonner, mais à payer. Des articles de l’édition abonnés du Monde, ou de Libération, ou de Médiapart, ou de Que choisir… Bon, là, je crois qu’il n’y a pas besoin de faire un dessin pour expliquer tout le monde n’a pas envie de payer pour lire le texte ou voir les images que vous voulez partager!

Je disais plus haut que j’avais l’impression de rencontrer de plus en plus de gens postant des liens vers des pages d’accès plus ou moins restreint. J’ignore si cela correspond à la réalité, et si le fait d’avoir de plus en plus de moyens de rester connecté, dedans ou dehors, sur grand écran ou sur petit smartphone, tend à faire oublier que non, tout le monde n’est pas forcément connecté à la même chose.

Juste un truc à se rappeler, avant de poster.

Aimez-moi! Tweetez-moi! Et n’oubliez pas mes petits boutons

Avisse à la population! Les blogues hébergés chez WordPress.com ont désormais tous la possibilité d’afficher sous les billets un bouton «Like» («j’aime», pour les réfractaire à la franglicisation de la Toile). Oui, exactement comme dans Facebook.

Et ce n’est pas fini: le tout dernier gadget de chez WP est un nouveau bouton, «Tweet», pour publier sur Twitter un lien vers votre article, celui-là.

Comment les activer? Simple. Dans le menu Apparence de votre blogue, choisir la rubrique Extras, puis cocher les cases désirées. Et le tour est joué! Rafraîchissez votre page, vous verrez, ça y est…

(Merci à Tristan/@egoflux pour cette capture d’écran.)

P.S. Précision: le bouton Like ne s’affiche que si vous avez un blogue sous WordPress et que vous êtes connecté(e). Eh oui, c’est du réseau social.

Facebook, tout le monde descend. Je répète, tout le monde descend…

Avis à la Facebookepopulation : d’ici le 26 mai, ce compte et toutes les informations qu’il contient auront disparu de la Facebookosphère. Idem pour le NetworkedBlog attenant.

Pourquoi ? J’ai décidé de supprimer ma page Facebook. Pas « désactiver », non, supprimer définitivement. Nuance. Si, si, c’est possible, même si FB n’aime pas trop que vous fassiez cela. D’ailleurs, voyez le délai de deux semaines qu’ils imposent pour valider la suppression effective du compte : j’ai rempli le formulaire aujourd’hui, le compte ne disparaîtra que le 26 mai. Sans justification, d’ailleurs. C’est juste l’une des mille et une façons qu’a FB de prendre les usagers pour des buses.

Pourquoi je pars ? Oh, disons que la dernière faille de sécurité, celle du chat, venant après l’affaire des courriels non sécurisés, venant après le changement des conditions d’utilisation, qui réaffecte unilatéralement certaines données privées dans le champ public – tout cela en plus de la frustration croissante que je ressentais à utiliser ce site/réseau lourdingue, bourré de spam et de pseudo-jeux à la mord-moi-le-clavier… Bref, pour faire simple, disons que marre, c’est marre.

  • Mais, euh, argh ! Comment on pourra me contacter, alors ?

Facile. Comme précédemment : soit en commentant ici, sur ce blogue (pas d’inscription nécessaire). Ou en m’envoyant un message sur Twitter, pour ceux qui ont un compte de gazouillis. Voire, si on est trrrès rassis et conservateur, avec cette adresse électronique :

irenedelse <chez> gmail.com

En remplaçant <chez> par une arobase. Vous savez, le machin rond avec un a minuscule dedans…

  • Dites donc, ce n’est pas la première fois que je « quitte » l’écosystème FB, non ?

Ha. Oui et non. La dernière fois, FB était surtout casse-pied (la pub, les quizz, jeux et gadgets qui bouffent du temps et de la bande passante…) mais pas aussi big-brotheroïde qu’aujourd’hui. Et surtout, la seule chose qu’ils ont améliorée, à mon avis, c’est qu’on peut désormais réellement supprimer son compte. Eh oui, j’avais précédemment quitté Facebook en désactivant mon compte, faute d’autre possibilité !

Et il n’est toujours pas évident de découvrir la page de suppression. Mais c’est possible, en cliquant sur ce lien :

https://ssl.facebook.com/help/contact.php?show_form=delete_account&__a=3

Et en appliquant les directives suivantes :

  1. Cliquez « Envoyez » pour confirmer la suppression.
  2. Entrez votre mot de passe et le résultat du CAPTCHA (à vos souhaits) pour montrer que oui, c’est du sérieux-pour-de-vrai.
  3. Acceptez encore une fois.

Enfin, surtout, jusques et y compris à la date annoncée pour la suppression effective de votre compte, ne vous reconnectez pas !  N‘utilisez pas non plus Facebook Connect pour vous abonner à un autre site ou commenter sur un blogue… Et pour cette raison, nettoyez l’historique de votre navigateur Internet de ses cookies (certains peuvent avoir enregistré la connexion automatique à Facebook).

Enfin, bien sûr, ne cliquez pas directement sur les liens des courriels que vous envoient vos « amis » par Facebook !

Ou sinon, vous risqueriez d’avoir tout à recommencer.

À bon entendeur…

Grand débat littéraire : Chacun-ses-goûts contre Best-seller-vite-torché (XLXIIe édition)

C’est dur à croire, et pourtant… Je me suis retrouvée prise sur Facebook dans une chaude controverse à propos de Marc Lévy. Ou plutôt à propos des jugements de valeur en littérature en général, et du bien-fondé de l’expression « mauvais goût » appliquée à un best-seller en particulier.

(Oui, d’accord. Je cherche les problèmes, là. Et je fréquente sûrement trop Facebook. Mais le moyen de faire autrement. C’est quasiment le seul endroit en ligne où je peux discuter avec certains de mes amis… De vrais amis.)

Bref, en réagissant aux « suggestions » générées automatiquement à mon intention sur la page d’accueil (le spam institutionnel, quoi), je poste :

Et vlan ! Que n’avais-je pas dis là.

Réaction d’une Facebookienne et écrivaine :

même si je ne suis pas fan de cet auteur, cela voudrait dire que 20 millions de lecteurs ont mauvais goût ^^ je n’approuve pas ce côté réducteur.
Tu n’aimes pas, point 😉

Et un Facebookien (qui lui aussi écrit) de renchérir :

Sans parler de qualité ou de goût, il semble répondre à une demande du public. C’est déjà très appréciable. En dehors de ça, je n’ai pas d’avis… 😉

(Petite remarque au passage : je suis frappée par la façon qu’ont ces commentateurs de ne pas s’engager, d’éviter tout jugement ou même expression d’un avis personnel. Mais dans ce cas, pourquoi intervenir pour critiquer mes opinions ? S’ils suivaient à fond leur logique et pensaient vraiment qu’un avis en vaut un autre, ils me laisseraient penser ce que je veux. Non ?)

Là, forcément, je dis tout le mal que je pense de l’argumentum ad populum, ou raison de la majorité :

Désolée, mais l’argument de la popularité n’est pas valide. L’homéopathie aussi est populaire, ça ne veut pas dire qu’elle marche…

Quand je parle de la qualité ou non d’un livre, me répondre que ça se vend bien et que des tas de gens le lise[nt] est sans doute intéressant du point de vu d’une étude de marché, ou de la sociologie de la culture, mais cela n’a *strictement* rien à voir avec les jugements que l’on peut porter dessus au plan artistique. Pour reprendre mon parallèle avec l’homéopathie (ou l’astrologie, s[i] on veut) : c’est une pratique courante, que beaucoup de gens trouvent agréable et qui sert de base à une industrie florissante, mais cela ne dit strictement rien sur le contenu des petites pilules (ou la vérité des horoscopes).

(Je corrige entre crochets mes horreurs de frappe. Réseaux sociaux, laboratoires de la mal-langue.)

S’ensuit un vaste débat, pendant mon absence, sur la possibilité ou non de porter un jugement sur un livre, et sur le poids à accorder aux jugement des autres. Assaisonné de quelques interventions tranchantes et d’envois de fleurs.

Comme lorsque arrive une éditrice qui n’a pas sa langue dans sa poche :

Désolée, votre culture littéraire [celle d’une personne qui venait de dire qu’elle avait aimé Si c’était vrai « mais pas les autres »] est insuffisante pour comprendre pourquoi vous avez lu une daube. Maintenant, tout le monde n’a pas de culture littéraire, tout le monde n’a pas les capacités de faire la différence entre une œuvre littéraire et une historiette racontée. Tant mieux pour vous si vous avez aimé, personne n’ira vous le reprocher. Par contre vous [s’adressant aux gens qui ne veulent pas aller contre la sanction du marché], et tous les autres à nous faire ce genre de réflexion particulièrement gonflante et pompante, tâchez de comprendre que ce serait bien d’assumer votre mauvais gout au lieu de faire la morale à deux sous lorsque quelqu’un a un avis qui ne vous plait pas sur la question.
Zut à la fin, quoi, ras le bol.
S’ensuivent des réponses assez classiques, quoique sur un ton fort soft, par contraste : les autres intervenants ne manquent pas de déplorer un tel « élitisme » et conseillent (perfidement…) à la contradictrice de lire Matin brun comme remède à la « pensée unique ». (Mais qu’est-ce que cette expression déjà passe-partout vient faire là ? On ne sait plus ce que n’importe quoi veut dire, là.)
Sur ce, le temps passe (il n’a rien d’autre à faire), je me reconnecte et essaie de me dépatouiller avec le résultat.
Disons que je remets mon grain de sel. Avec l’avantage d’avoir pu cogiter entre temps. J’essaie de varier les métaphores (en songeant au problème des « bruits » ou filtres de la communication) et surtout de distinguer entre les différentes choses que l’on peut dire en jugeant un livre ou son auteur :
[D]ire qu’un livre de Marc Levy est à un bon roman ce qu’une barquette du rayon light de Carrefour est à un repas savoureux, c’est juste reconnaître qu’on ne lit pas tous de la même façon. Pas plus qu’on [ne] se nourrit de la même façon. Le tout-prêt-facile-qu’on-mange-vite-qui-reste-pas-sur-l’estomac, ça dépanne, mais ça ne remplace pas la cuisine. Après, à chacun de décider si ça vaut la peine ou non d’éduquer ses papilles. Je ne force personne, mais je n’irai pas non plus prétendre qu’il n’y a pas de différence, quand il y en a.

[…] souviens-toi, un  jugement sur la *valeur littéraire* d’une œuvre n’a rien à voir avec un jugement *moral*. […] Les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits, mais cela n’implique pas qu’on doive dire amen à tout ce qui se publie. Ou alors, on s’interdit de comprendre la richesse et les nuances de la littérature. Apprécier un bon livre, c’est aussi pouvoir dire qu’on en retire plus que de la lecture d’autres livres, plus légers ou bâclés, ou d’intérêt anecdotique ou nombriliste, ou encore fabriqués à la chaîne en appliquant une formule de best-seller.

Hélas, hélas. La plupart des combattants s’étaient lassés, ou bien je les avais fait fuir avec ces distinguos. (Facebook – allez, la Toile… – est aussi un haut lieu du déficit d’attention.)

Last but not least, le dernier participant finit par invoquer la réponse qui tue :

Tout ceci est subjectif.

Aaargh.

Et c’est là que je bénis le Net de m’avoir fait découvrir, il y a peu, les Lois de Wiio (du nom du Finlandais, Osmo A. Wiio, chercheur en communication humaine), dont la première dit simplement :

Communication usually fails, except by accident.

(La communication échoue le plus souvent, sauf accident.)

À classer dans les grandes annales du pessimisme lucide avec les lois dites de Murphy et de Sturgeon.

Je vous laisse le soin de voir comment elle s’applique à la présente situation.