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Augusta Helena, le roman que ma mère n’aura pas lu

Augusta Helena, t. 1 Énigmes en Terre Sainte, par Irène Delse, éditions du 81, ISBN 978-2915543643

Au plaisir d’avoir un nouveau livre en librairie se mêle cette fois quelque chose de doux-amer : le regret de ne pouvoir faire partager cela à ma mère. Décédée depuis bientôt douze ans, elle n’a pu lire que le tout premier de mes romans, L’Héritier du Tigre. Mais je me demande ce qu’elle aurait pensé d’Helena

Il faut dire que cette histoire lui doit beaucoup, de façon directe ou plus subtile. Le sujet, d’abord : pourquoi me suis-je embarquée pour ce voyage en Terre Sainte d’une impératrice chrétienne, devenue sainte des Églises catholiques et orthodoxes, moi, athée confirmée ? C’est que le christianisme était consubstantiel à la personnalité de ma mère, son échelle de valeurs, sa boussole pour l’action. Le message évangélique n’était pas pour elle une figure de style, mais une règle de vie. Dans le même temps, elle se passionnait pour les études bibliques, discutant d’exégèse comme d’autres pourraient disséquer un film qui les a enthousiasmés.

J’ai donc baigné dans ma jeunesse dans une atmosphère où la religion catholique était partout mais sans être un dogme, où le questionnement était considéré comme une voie vers la Vérité, pas comme un danger pour celle-ci. Je me suis plus tard éloignée de la foi, pour des raisons complexes. Je pense que l’étape la plus importante a été de réaliser que le sentiment de « divin » que je pouvais ressentir en pensant à la divinité était exactement le même que celui causé par l’émotion esthétique devant un paysage, un tableau ou une musique sublime.

Cet éloignement, ma mère ne l’a pas combattu, mais elle ne l’a pas compris. « Comment peux-tu savoir ce qui est bien et ce qui est mal s’il n’y a pas de Dieu ? » J’ai entendu cela de sa bouche, et cela m’a fait… mal. Mais nous avons continué de façon sporadique à discuter de religion, d’exégèse, des évolutions possibles de l’Église catholique, des œuvres en faveur des malades, des pauvres et des réfugiés où elle s’investissait. Elle était elle-même à cette époque assez handicapée, mais cherchait toujours à aider les plus malheureux.

Mais fin 2016, quand j’ai commencé à faire des plans pour mon roman sur la mère de l’empereur Constantin, j’ai bien sûr repensé au parcours de ma propre mère. Et la personnalité d’Hélène dans le roman doit beaucoup à elle, je pense. De même que nos discussions érudites ont inspiré certaines plongées dans les méandres d’un dogme chrétien encore en construction, où des épisodes bien connus aujourd’hui de l’Évangile n’avaient pas encore été mis par écrit… Un monde déroutant, par moments, et qui j’espère dépaysera le lecteur. Aurait-il trouvé intérêt aux yeux de ma mère ? Je ne sais pas, mais qui sait ? Peut-être y a-t-il vraiment un autre monde où les bienheureux peuvent voir toute la création comme un grand livre, et lire à loisir.

« Éveiller le désir d’être trompé »

Un petit moment de poésie urbaine: ni dieu, ni maître sur les trottoirs de Paris.

Photo: "La politique et la religion c'est éveiller le désir d'être trompé"

Anar trottoir (Paris, 11e, 19/05/2012)

(La désaliénation est-elle au coin de la rue?)

Cette fois, on va m’entendre (dans un balado)

Juste un mot rapide pour signaler que je suis cette semaine l’invitée du balado Scepticisme scientifique (Jean-Michel Abrassart aux manettes), pour parler d’un sujet qui a bien remué la blogobulle sceptique depuis quelques semaines: la polémique dite de l’« Elevatorgate ».

Funny cat picture: "skeptical cat is fraught with skepticism"

Hem. Oui. Si vous aviez réussi à échapper aux retombées, eh bien, c’est trop tard! Désolée… 😉

Toutes les explications sont dans l’épisode… Mais pour les curieux, disons qu’il s’agit d’un débat qui touche au féminisme, à la place des femmes en général et de Rebecca Watson en particulier dans le(s) mouvement(s) athée/sceptique/humaniste, au rôle de Richard Dawkins au sein de ce mouvement… et à la façon de ne pas draguer dans un ascenseur!

Si on a suivi, on est au courant du débat qui nous avait déjà opposés, Jean-Michel et moi, par blogs interposés. Nous défendions des positions distinctes, mais pas (à mon sens, du moins) totalement incompatibles. C’est donc avec plaisir que j’ai accepté d’en discuter de vive voix et par Skype interposé.

Une dernière chose: il y a un passage où, en me présentant, j’évoque le fait que je n’ai plus d’éditeur en me disant « auteur SDF ».

Réflexion faite, j’en suis un peu embarrassée. Et désolée. Le sort des gens à la rue dans la Vraie Vie™ n’est pas rigolo, rigolo, et cela ne me donne guère le cœur à plaisanter.

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Mais si, cher monsieur, vous êtes féministe…

Malgré quelques difficultés à passer le cap de l’identification (ô, Blogger, pourquoi tant de haine?) mon commentaire sur Scepticisme scientifique est donc passé. Mais au fait, pourquoi n’en faire profiter que le lectorat de Jean-Michel Abrassart? Cela mérite d’être dit et répété, apparemment.

Voici donc ce que j’écrivais:

Ben, pourquoi « pas un fan du féminisme »? [Alors que ce blogueur condamne les attitudes sexistes, justement.] Si, si, défendre le point de vue que les femmes naissent égales aux hommes en dignités et en droits et qu’il y a encore des progrès à faire pour mettre la chose en pratique, y compris dans les pays occidentaux, c’est exactement ce que pense la (très) grande majorité des féministes… 😉

Voilà, voilà. Je vous laisse méditer tout ça. Et n’oubliez pas de lire le billet sur lequel je rebondis. Au-delà l’appel à balayer devant sa porte quand on veut combattre les discriminations sexistes à caractère religieux, Jean-Michel y rappelle que la saine levée de boucliers de nombreux athées contre l’attitude de Sir Richard Dawkins himself illustre bien l’inanité de la critique consistant à apposer à ce mouvement l’étiquette de simples « fans » ou « membres d’une secte comme une autre »…

Joyeux anniversaire d’Isaac Newton!

L’inventeur de la théorie de la gravitation universelle, des trois lois du mouvement, d’une théorie des couleurs en optique, d’un télescope à réflexion et (avec Leibniz) du calcul infinitésimal est en effet né un 25 décembre selon le calendrier julien.

Quoi, ce n’est pas ce qu’on fête aujourd’hui? Tss…

Considéré comme une figure emblématique des sciences, Isaac Newton a influencé de nombreux penseurs, notamment les philosophes Kant et Voltaire. Il a aussi inspiré écrivains et artistes, et jusqu’à l’auteur de SF américain James Morrow, qui a fait de l’ouvrage Principia Mathematica de Newton (où il expose ses principales théories) le narrateur de l’un de ses romans.

Authentique.

L’accident de sa date de naissance a aussi suggéré à certains mouvements humanistes et athées modernes l’idée de faire du 25 décembre une fête des sciences et de la découverte, comme alternative aux festivités religieuses de fin d’année.

Voilà, vous êtes probablement plus savants aujourd’hui. On dit merci à qui, hmm? 😉

Aider le Pakistan avec la Fondation Richard Dawkins (Non-Believers Giving Aid)

Il paraît que les particuliers se mobilisent peu pour aider le Pakistan, qui vit toujours une situation humanitaire catastrophique après les inondations: risques d’épidémies, populations déplacées, orphelins, sans-logis, etc. Hier, on apprenait sur BBC News que ce pays avait même accepté l’aide d’urgence débloquée par l’Inde, malgré tous les contentieux entre les deux.

Il y a pourtant des façons simples d’agir. Personnellement, j’ai fait un don à Non-Believers Giving Aid (Aide Non-Croyante), une émanation de la Fondation Richard Dawkins, qui collecte des fonds pour deux ONG humanitaires non-confessionnelles, Médecins Sans Frontières et la Croix-Rouge Internationale.

Parce que les cataclysmes n’ont pas de frontières, de religion ni de couleurs. Et parce les non-croyants ne sont forcément pas les derniers à être charitables, même si le mème de la générosité athée est encore à imposer. Comme pour Haïti voici quelques mois, la RDF (Richard Dawkins Foundation) fait en ce moment une campagne de collecte de fonds pour les sinistrés au Pakistan. Et si on s’intéresse au mouvement humaniste, c’est aussi faire d’une pierre deux coup, en montrant, par l’exemple, ce nous pouvons faire de bien.

L’athéisme et le scepticisme appliqués à Apple

Avertissement sans frais

Certaines opinions exprimées ci-dessous risquent de choquer les croyants sincères. Mais vous préférez sûrement que je respecte vos facultés de raisonnement logique, et pas juste votre foi en telle ou telle icône médiatico-informatique ?

Hmm ?

Ceci dit, procédons plus avant.

* * *

C’est fou comme certaines tendances ont la vie dure. Parlez sur un blougue de sujets liés au féminisme ou à l’oppression des femmes et, rapidement, voilà que des mecs rappliquent avec un grand cri de : « Mais les hommes ont des problèèèèmes aussiiii » ! Ça ne rate jamais.

De même, parlez sur un blougue de logiciels libres, de plate-formes et/ou formats ouverts, et voilà que les fans d’Apple ou de Microsoft rappliquent avec un grand cri de : « Mais iTruc / Windows N… sont de bons produits aussiiii » !

Hé, sans doute. Je veux bien vous croire. Et vos anecdotes sont bien sympathiques. Qu’importe si la plupart du temps, elles sont essentiellement tautologiques : ce sont des témoignages d’utilisateurs qui aiment les gadgets électroniques qu’ils ont adoptés. Voui, voui. Et pourquoi ils les ont adoptés ? Parce que cela correspondait à leurs besoins en matière d’électronique et de gadgets. Tiens, donc.

Mais au fait, qu’est-ce ces historiettes apportent à des gens qui n’ont pas les mêmes besoins en la matière, pas les mêmes habitudes de travail, goûts esthétiques, expérience, patience avec l’informatique, nécessités professionnelles, base installée, etc. ?

Heu…

Pas lourd.

Mais on avait bien dit qu’il s’agissait d’anecdotes, pas vrai ?

* * *

Et puisqu’il se trouve que cette fois-ci, c’est un fan d’Apple qui a détourné mon dernier billet sur une offre de liseuses électroniques sans pomme, essayons de poursuivre plus loin l’analogie, pour voir.

Une chose qui m’amuse, et qui revient souvent dans l’argumentaire de ce genre de fans, ce sont des affirmations du genre « nous libérer de la tyrannie de X… » (Microsoft, Adobe, Google : choisissez. Apple est le challenger multicartes, c’est bien connu.)

Fort bien. Mais si c’est pour tomber dans la dépendance à Apple, où est l’avantage ?

Y a-t-il de « bonnes » dictatures ? Pourquoi faut-il que Steve Jobs en personne intervienne pour modérer les rigueurs de la politique maison d’Apple en matière de ce qui est acceptable dans l’App Store ou pas ?

Hum. Autant demander pourquoi, dans l’ancien régime, on présentait au roy des placets pour lui demander d’atténuer les rigueurs de sa propre justice. Ou pourquoi c’est le Pape, dans l’Église catholique, qui a le dernier mot sur la possibilité ou non pour les cathos d’accepter l’évolution.

* * *

Tiens, au fait, puisque Jésus est revenu d’entre les morts pour diriger Apple… Posons-nous quelques questions supplémentaires. Rien n’est sacré.

Lors de la sortie du Kindle d’Amazon, en 2007, on avait entendu Steve Jobs déclarer vertement que la lecture était morte et qu’Apple ne se lancerait pas sur ce marché-là. Oooh, non.

Mais alors… À quoi joue donc à présent Steve Jobs, ou du moins sa firme, lorsque Apple fait la promotion de l’iPad comme d’un appareil idéal pour la lecture de textes numériques ? Jusqu’à provoquer un vent de panique chez Amazon, quand les grands éditeurs américains, les uns après les autres, tournent le dos au modèle du « prix unique pour les nouveautés et best-sellers » choisi par Amazon.

(Soit dit en passant : bien fait pour Amazon. Et dommage qu’ils fassent subir aux auteurs les dommages collatéraux de leurs guéguerre de mammouths de l’édition.)

Bref, faudrait savoir. Morte ou pas morte, la lecture ? Et Apple est-il en train de jouer le même coup avec les livres et l’iPad que pour l’iPod et la musique ? Ou bien est-ce un rien plus subtil ?

Subtil, oui. Peut-être même plus qu’un rien.

Car au fond, que vend Apple avec l’iPad ? Une liseuse électronique ? Non, pas vraiment. L’appareil a un écran LCD, pas à base d’encre électronique, donc sans avantage pour les yeux par rapport à un écran d’ordinateur. Et les applications disponibles sont clairement censées satisfaire une clientèle bien plus vaste que celle des lecteurs. Jeux, multimédia, communication, et j’en passe.

Mais alors, l’iPad serait une sorte d’ordinateur portable léger, avec une interface simplissime puisqu’héritée de l’iPhone ? En gros, oui. C’est un netbook à écran tactile. Ou, si on veut, un iPhone agrandi.

Sauf que, dit ainsi, ce n’est pas très glamour. Et surtout, si Apple avait lancé sa machine sous ses vraies couleurs, l’iPad aurait pris le risque de se retrouver noyé parmi la pléthore de tablettes communicantes, netbooks et autres gros smartphones qui se disputent déjà le marché.

Du coup, tout s’explique.

L’application iBook, c’est l’angle choisi par les as de l’Apple-marketing pour positionner la bébête sur le marché : lecture, instruction, culture, toutes choses respectables et qui donnent au gadget un certain cachet. Car certes, l’iPad est simple, mais il ne faudrait pas non plus que toute la communication à son sujet soit du genre « mon gamin de 2 ans 1/2 et son iPad ». Voire « mon chat et »

L’appareil offre certes le design ultra-sexy d’Apple, mais c’est devenu une habitude. Ses capacités sont limitées. Et il ne comprend pas d’innovation technologique époustouflante, il faut l’avouer.

Et pourtant, il fallait bien un truc pour amener les gens à débourser les 500 $ US, au minimum, pour se le procurer. Et quoi de mieux que l’appel de la culture ?

D’où ce (discret) revirement par rapport aux livres numériques…