Archives de Tag: science-fiction

Dune, les « bassines » : et si on évitait de retenir les mauvaises leçons des livres ?

L’autre jour, sur LinkedIn (oui, j’avoue, je passe trop de temps en ligne), dans une discussion sur l’irrigation et ses opposants, je suis tombée sur toutes sortes de mauvais arguments, mais c’est un commentaire en particulier qui a été la goutte d’eau qui fait déborder la bassine : une personne a sérieusement invoqué l’univers du cycle de Dune, de Franck Herbert, comme modèle à suivre.

Petit rappel pour les gens qui seraient restés à l’écart de la série de romans (depuis 1965) ainsi que du film de David Lynch (1984) ou de celui de Denis Villeneuve (2021) : l’essentiel de l’action se produit sur la planète désertique Arrakis, sans aucunes précipitations ni étendue d’eau de surface, ce qui en fait un environnement encore plus hostile que le Sahara ou le Rub al-Khali, où il y a au moins quelques oasis, et où la pluie tombe en de rares occasions. Les habitants de la planète, les Fremens, ont développé un système sophistiqué pour recycler l’eau (y compris les sécrétions du corps humain, j’espère que vous n’êtes pas en train de manger) et récupérer l’humidité de l’atmosphère, la seule disponible dans ce contexte.

Bref, un environnement extrême, probablement impossible dans le monde réel (y a-t-il vraiment assez de rosée à récupérer pour subvenir aux besoins des habitants ? Je pense que Herbert s’est bien gardé de faire le calcul), et qu’il serait absurde d’utiliser pour donner des leçons aux agriculteurs d’un pays au climat tempéré. Même en tenant compte du changement climatique, l’Europe occidentale ne deviendra pas un désert d’ici longtemps. Et encore moins un désert absolu comme Arrakis !

Mais c’est pourtant ce que disait ce commentaire : à l’en croire, il faudrait oublier complètement l’idée de puiser l’eau dans le sol (même là où les nappes phréatiques sont pleines, donc) et faire « comme les Fremens », recycler au maximum et grappiller un peu d’humidité dans l’atmosphère.

Forcément : il n’y a pas de réserves d’eau souterraine sur Arrakis, ou tellement profondes que ce n’est pas envisageable d’y puiser. Parlez de faire de nécessité vertu…

En revanche, et ce n’est pas la plus petite ironie, les Fremens récupèrent de l’eau dans les maigres calottes glacières aux pôles de la planète ! On voit qu’à l’époque de l’écriture du roman, la conscience écologique ne s’était pas encore focalisée sur ce milieu naturel fragile et essentiel entre tous.

Bref, ce genre de « bon conseil » n’est ni très réaliste, ni cohérent avec l’univers auquel il se réfère. Et c’est aussi un peu insultant, quelque part, pour les géologues, ingénieurs, etc., du BRGM, qui ont réalisé une étude d’impact très solide sur le fameux projet de Sainte-Soline, l’effet réel des pompages en hiver – mais aussi de la présence d’un réservoir d’eau qui permet d’irriguer sans puiser dans la nappe en été… Du vrai travail d’experts de l’environnement, et c’est bien de ça qu’on a besoin : de rentrer dans les détails concrets. Pas de remplacer la réalité par de la fiction, fut-elle géniale.

Nouvelle note de lecture pour l’AFIS : Mark Brake, Vivons-nous en pleine science-fiction ?

Je peux l’avouer, j’ai dévoré ce bouquin ! La note de lecture est disponible sur le site de l’AFIS : Vivons-nous en pleine science-fiction ? Un roboratif point de vue sur la façon dont la SF influence notre vision du monde.

Ma nouvelle, « Décalages culinaires », dans l’anthologie Marmite & Micro-ondes, est disponible sur Kindle, le saviez-vous ?

Couverture de l'anthologie : un monstre géant verdâtre qui mange une fusée spatiale

J’ai déjà parlé ici de l’anthologie Marmite & Micro-ondes, réunie par Vincent Corlaix et Olivier Gechter pour les éditions Gephyre. Épuisé au format papier, le volume est disponible sous forme Epub pour les liseuses Kobo et les smartphones, et maintenant aussi sur le Kindle d’Amazon.

C’est aussi là qu’on peut lire ce qui doit être ma nouvelle la plus déjantée : « Décalages culinaires », une histoire de voyages dans le temps et de junk food, de futur dystopique et de perceptions du passé… De mauvais goût et d’encore plus mauvaises actions.

Le texte a une histoire un peu compliquée elle aussi, puisque je l’avais écrit il y a une quinzaine d’années pour le fanzine Marmite & Micro-ondes, mais avais changé d’avis alors même que ma nouvelle avait été acceptée. Drôle d’idée ? C’est que j’avais cru trouver un autre canal de publication plus intéressant : un petit éditeur qui voulait lancer une collection de nouvelles publiées individuellement. Hélas, il n’a pas voulu d’un texte de science-fiction, et je me suis retrouvée avec le texte sur les bras. « Décalage culinaires » a finalement vu le jour vers 2007 en auto-édition, sous le titre « Et si la faim venait » (cela évoquera peut-être des souvenirs à certains) et j’ai dû en écouler, tout compris, 20 exemplaires.

Heureusement que la présente anthologie est indulgente avec ces péchés de jeunesse !

Note de lecture : Neuro-science-fiction

Couverture du livre Neuro-science-fiction, avec dessin d'un cerveau relié à des câbles électroniques

J’ai une nouvelle note de lecture en ligne sur le site de l’AFIS (Association française pour l’information en sciences) : Neuro-science-fiction, les cerveaux d’ailleurs et de demain, par Laurent Vercueil, aux éditions du Bélial’, avec une préface de Roland Lehoucq et des illustrations de Cédric Bucaille. Bouquin très agréable et stimulant, pour ne rien dévoiler !

Ma nouvelle « Décalages culinaires » désormais disponible au format epub

Vous vous souvenez de « Décalages culinaires », la nouvelle de science-fiction parue l’an dernier dans l’anthologie Marmite & Micro-ondes, aux éditions Gephyre ? L’édition papier est épuisée, mais on peut désormais trouver le titre sous forme de livrel, soit chez l’éditeur, soit via la plateforme Kobo. Et bien sûr, à un prix réduit par rapport au volume papier.

« Décalages culinaires » est un texte dystopique et humoristique, parlant de restrictions alimentaires et de voyage dans le temps… Oui, tout ça à la fois ! Et la preuve irréfutable que j’ai une imagination bizarre. J’avoue.

La science-fiction, les femmes et le progrès

Orientation morale, c’est par où ?

Le début de la sagesse, dit-on, est de savoir faire la différence entre les choses qui dépendent de nous et celles qui ne dépendent pas de nous, afin de concentrer nos efforts les premières et ne pas nous rendre malade au sujet des secondes. Cela pourrait aider en particulier après une crise, quand on découvre par exemple qu’une personnalité puissante et/ou respectée a eu un comportement détestable, voire criminel. Ce qu’a fait cette personne ne dépend pas de moi. Comment j’y réagit en revanche dépend totalement de moi.

Mais la clarté morale est rarement au rendez-vous des commentaires dans ce genre d’affaires. On voit au contraire des déclarations du type : « Pour un genre qui se veut tourné vers le progrès, la SF contient beaucoup de sexisme/racisme/X » comme s’il y avait un rapport…

Il y a là-dessous une double prémisse, doublement contestable :

  1. D’une part, cela présuppose que la SF serait forcément progressiste, ce qui est très douteux, surtout quand on voit l’importance des thèmes dystopiques dans ce domaine.
  2. D’autre part, même dans un climat d’optimisme en matière progrès technique, il n’y a pas nécessairement de lien avec le progrès social et moral ; il y a même des exemples historiques très clairs du contraire.

J’ai discuté un peu plus tôt comment les vagues d’optimisme et de pessimisme technologique ont fluctué au fil du temps dans la SF, avec une tendance vers la fin du XXe siècle à un triomphe du catastrophisme plutôt que du progressiste. Mais même avant cela, l’un des plus grands best-seller en français et classique du genre, Ravage, de René Barjavel, est quand même réactionnaire au plein sens du terme : réaction de rejet au progrès technique et à la modernité qui l’accompagne.

Quant au lien si vite fait entre progrès technique et progrès social, il faut vraiment ne pas connaître l’histoire contemporaine pour le croire automatique. Par exemple, on tend à l’oublier aujourd’hui, mais avant 1945, et en particulier avant le procès de Nuremberg qui a exposé à la fois les crimes des Nazis et les bases idéologiques du régime, l’eugénisme était un concept partagé par un grand nombre d’intellectuels, de scientifiques et de politiques du monde occidental. Je discute ce point dans mon article pour Science & Pseudo-Sciences d’avril 2021. Certaines pionnières de la lutte pour le droit des femmes à contrôler leur corps, par exemple, voyaient aussi l’accès à la contraception comme une façon de réduire le nom d’«indésirables» dans la société (pauvres, illettrés, etc.), ce qui montre que le féminisme n’est pas une protection automatique contre d’autres formes de préjugés.

Dans le cas de la science-fiction, on ne peut même pas qu’il y ait eu beaucoup de féminisme dans le corpus de textes, du moins récent. L’un des auteurs les plus influents des années 2000 est même plutôt du genre à faire vibrer la corde viriliste, et même virile hétéronormée. On comprend après cela que la phrase citée plus haut, sur la SF et le progrès, me frappe comme incroyablement à côté de la plaque.

Aussi publié sur mon Substack.

Mon article « La science-fiction peut-elle changer le monde ? » en ligne sur le site de l’AFIS

Couverture de la revue
Science & Pseudo-sciences n°335

J’avais mentionné ici un peu plus tôt la sortie du numéro 335 de Science & Pseudo-sciences, avec mon article sur l’influence de la science-fiction sur l’imagination du public, mais aussi des scientifiques eux-mêmes. Le voici en ligne en accès libre sur le site de l’AFIS. Merci à eux !

Posté également sur mon Substack.

« Décalages culinaires », ma nouvelle dans l’anthologie Marmite & Micro-ondes

photo : couverture de l'anthologie, représentant un monstre en train de dévorer un vaisseau spatial

Voilà, ça y est : notre anthologie des 20 ans de Marmite & Micro-ondes est parue aux éditions Gephyre, où on peut la commander ! Et dedans, la nouvelle dont je vous parlais en novembre. « Décalages culinaires », tel est le titre. Un texte dystopique et humoristique, parlant de restrictions alimentaires et de voyage dans le temps… Oui, tout ça à la fois, car M&Mo est un cas à part dans les zines de science-fiction et fantastique : on s’y préoccupe uniquement de l’alimentation, des plaisirs de la table et de leurs mutations futuristes, magiques ou paranormales.

Il y a dix-neuf autres textes inédits touchant aux genres de l’imaginaire, signé Ketty Seward, Timothée Rey, Sylvie Miller, Jean-Louis Trudel, et j’en passe. Le tout mitonné par Vincent Corlaix et Olivier Gechter, avec une couverture de Caza. À déguster sans modération.

Anticipation climatique : ma note de lecture de « Nos Futurs »

Une lecture courte, pour parler d’un livre assez épais : on m’avait demandé une note sur l’anthologie Nos Futurs pour Science et Pseudo-Sciences, la revue de l’AFIS, et la voici en ligne. Je crois qu’il est assez évident que le verdict est mitigé. Mais c’était une expérience intéressante.

Oh, et n’hésitez pas à explorer le site pour plus d’articles sur la science, le climat,& la société ou la science-fiction, par des gens du métier. (Oui, je me compte du nombre comme auteure de SF. Ah, mais.)

« La science-fiction change-t-elle le monde ? » Mon article dans Science & Pseudo-Sciences, la revue de l’AFIS

Converture de la revue Science et Pseudo Sciences

Juste un petit mot pour vous signaler la parution d’un texte où je me penche sur l’influence mutuelle de la science et de la science-fiction l’une sur l’autre… Oui, et si les idées lancées sous forme de fiction audacieuse préparaient pour de bon le futur ? À lire dans Science & Pseudo-Sciences n°335, la revue de l’Association française pour l’information scientifique.

Ce n’est pas la première fois que je me lance dans un essai d’opinion ou prospective (je ne prétends pas ici faire du journalisme), j’ai eu l’occasion de placer des textes dans des magazines ou revues aussi divers que Faëries, Écrire & Éditer ou le fugace Vendredi. Mais j’ai été impressionnée par le sérieux du processus éditorial. Comme il sied pour de l’information scientifique, on ne prend pas à la légère la vérification de faits à S&PS !

Bonne lecture, j’espère.