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Un homme en noir dans le coin du roman

Non, il ne s’agit pas des Men in Black de la mythologie extraterrestre ! Mais de ce qui peut arriver à un roman pendant sa rédaction.

Le concept de « l’homme en noir » (the man in black), ou « l’homme en noir dans le coin », provient du site personnel de Jane Fancher et de ses réflexions sur l’écriture, mais le terme lui-même a été créé par C.J. Cherryh.

Je traduis dans les grandes lignes :

« Dans l’écriture d’un roman, l’auteur rencontre souvent sur son chemin ce type de personnage : l’homme en noir, dans un coin de l’auberge, qui semble là simplement pour donner un coup de main ponctuel au héros. Mais avant longtemps, il aura fait changer l’intrigue de cap et menacera de coloniser tout le roman ! À ce moment, l’auteur n’a plus guère de choix : éliminer l’intrus, l’envoyer sur une autre trajectoire (c’est-à-dire lui consacrer une œuvre à part), ou céder à l’inévitable et lui abandonner le roman. » J. Fancher

Le nom vient d’un exemple fameux : Aragorn, dans Le Seigneur des Anneaux, que l’on voit apparaître littéralement comme un homme mystérieux habillé de couleurs sombres, dans le coin d’une auberge. Les carnets de J.R.R. Tolkien, publiés dans L’Histoire de la Terre du Milieu (édité par Christopher Tolkien) montrent bien que l’irruption de ce personnage et de tout l’arrière-plan qu’il implique (les Nûmenoriens, Gondor, Arwen…) n’étaient pas prémédités. Au départ, Frodo et ses amis devaient juste rencontrer un Hobbit (eh oui !) mystérieux, « Grand-Pas », qui les mettrait sur la voie pour l’étape suivante de leur voyage. Mais le personnage dépassa bientôt cette dimension utilitaire. Tolkien, sentant les possibilités de ce Grand-Pas, lui trouva un nom et une histoire plus épiques, et le monde du Seigneur des Anneaux, tout comme la trajectoire du roman, en fut changé.

Et moi, ai-je rencontré un jour cet « homme en noir », durant la rédaction de L’Héritier du Tigre ? Mais oui. D’où croyez-vous que vienne Tzennkald ? Lui aussi s’est imposé à petit bruit, pour devenir bien vite incontournable. Avec cependant une différence : je n’ai pas laissé le roman se réorganiser autour du nouveau-venu ! Mais la solution retenue a pu frustrer certains lecteurs.

Je n’en dis pas plus : le texte est disponible en lecture sur Vivlio Stories. À découvrir !

Attention : un Homme en noir peut aussi bien être une femme. En écrivant les aventures d’Hélène, mon « Indiana Jane du IVe siècle », j’ai trouvé sur mon chemin une certaine mystérieuse jeune femme que je n’ai pas eu le cœur d’éloigner après qu’elle ait eu rempli le bref rôle qu’elle était censée jouer au début du récit. Le résultat est un roman plus long, mais aussi plus riche, je pense. À lire dans Augusta Helena, aux éditions du 81.

Tableau : jeune homme aux cheveux longs, châtain clair, en habit du 18e siècle, avec un chapeau noir et une veste verte

Et puis il y a le cas d’un roman que j’ai écrit en 2019, qui cette fois qui se déroule pendant la Révolution française et l’Empire. Retour à un homme, littéralement en noir pour certains épisodes, et dont la destinée croise à différentes reprises celle de mon héroïne, et qui me permet d’explorer d’autres facettes d’une époque complexe, dramatique, riche en personnages équivoques, ni tout blancs ni tout noirs. C’est je crois Siéyès qui, à la question : « Qu’avez-vous fait pendant la Révolution ? » répondait : « J’ai vécu. » Mon nouvel Homme en noir pourrait contresigner sans hésitation.

Mais dans ce cas, j’ai cédé : je lui ai donné sa propre série… À découvrir dans les enquêtes du capitaine Dargent, aux éditions du 81 ! Dernier volume paru : Coup de froid sur Amsterdam, dans toutes les bonnes librairies.

Invitation au voyage dans le temps

Image combinant la couverture du roman et les premières lignes

Première page de Coup de froid sur Amsterdam, mon nouveau roman policier historique, aventures dans une Europe d’avant le réchauffement climatique :

« Le lieutenant Antoine Dargent inspira l’air glacé, chargé de sel, qui pénétrait dans les poumons comme une lame de couteau, et se redressa sur ses étriers pour scruter la longueur du canal gelé, bordé d’arbres noirs et nus, mais déjà pavoisés aux couleurs patriotiques. C’était une sensation nouvelle que d’être accueillis au son des vivats dans une ville conquise. Même l’âpre froid était préférable aux braises toujours ardentes de la guerre de Vendée, qu’Antoine espérait bien avoir laissé derrière lui pour de bon l’an dernier. Cercle infernal de l’insurrection, des représailles et de la vengeance, dans un pays où chaque haie, chaque arbre creux pouvait cacher un tireur embusqué…
L’éclair d’une décharge de fusil, presque à bout portant, ressurgit à sa mémoire, comme chaque fois qu’il repensait à la guerre sans nom du bocage. Machinalement, il porta la main à sa joue gauche, où des grains de poudre étaient restés incrustés. Secouant la tête, il balaya tout cela de son esprit – pour le temps présent.
Sur la glace du canal, des traîneaux tirés par des chevaux faisaient la navette pour ravitailler la ville prise dans les glaces. Sur les quais, des chariots chargés de blé, de choux, de bière ou de charbon croisaient brouettes et porteurs de hottes. Révolution ou pas Révolution, il fallait toujours manger, boire et se chauffer.
Le conducteur d’une carriole de maraîcher toucha son bonnet à cocarde tricolore en voyant les cavaliers, et s’exclama :
— Lang leve de Fransen !
Des gamins qui s’amusaient à patiner sur la glace reprirent le cri à pleine voix, faisant se retourner et sourire des jeunes filles aux joues écarlates de froid, les mains blotties dans leurs manchons. Des ménagères se penchèrent à la fenêtre pour applaudir au passage. Partout flottait le drapeau rouge-blanc-bleu, si semblable à celui de la France. Antoine sourit et porta la main à son casque de cuir pour saluer. Mais à part lui, il murmura :
— Mêmes couleurs, sens différent. Qui sait ce que cela donnera ? »

Coup de froid sur Amsterdam, roman policier historique, par Irène Delse, ISBN 978-2915543841, aux Éditions du 81, le 16 février 2024. Chez CulturaGibert, La Procure, à la Fnac ou au Furet du Nord, chez Decitre, sur Amazon, et bien sûr chez des libraires indépendants.

Des romans historiques à offrir aussi aux historiens

C’est le genre de retour de lecture qui fait plaisir : des félicitations pour la qualité de la reconstitution historique dans Mort d’une Merveilleuse, par une lectrice qui est elle-même ancienne prof d’histoire. Paroles d’orfèvre, on peut dire.

Quelqu’un d’autre m’avait déjà fait ce genre de compliment avec Augusta Helena, mon roman « romain ». Cette fois, c’est à propos de ce Paris de la Révolution et du Directoire, dans lequel le dernier opus de ma série policière invite à plonger. La géographie de la ville, l’ambiance quotidienne, les intrigues politiques, « même le théâtre et les chansons » (je cite), bref je crois que j’ai bluffé cette lectrice qui est pourtant spécialiste de la période !

Donc si vous aussi vous avez dans votre entourage des férus d’histoire à qui vous souhaitez faire plaisir ce Noël, n’hésitez pas. Cela fera d’un coup plusieurs heureux.

Où les trouver ? Il n’y a que l’embarras du choix. À la Fnac, sur Amazon, chez Cultura, ou encore Gibert, Decitre, La Procure, le Furet du Nord, chez Leslibraires.com et Librairiesindependante.com. Ou encore bien sûr en commande chez votre libraire du coin.

Mort d’une Merveilleuse : portraits des personnages

Et vous, comment imaginez-vous les personnages d’un roman ? Certains auteurs s’inspirent d’acteurs pour visualiser leurs protagonistes, par exemple. Mais pour écrire Mort d’une Merveilleuse et Du sang sur les dunes, ma série policière historique, j’avais plutôt en tête des tableaux contemporains, ou quasi contemporains.

Ainsi, Manon, la « Merveilleuse » du titre, pourrait avoir été le modèle du Portrait d’Isabelle Porcel, de Goya (vers 1805).

Quant à mon héros récurrent, le capitaine Antoine Dargent, je l’ai trouvé dans ce portrait du peintre Antoine-Jean Gros (l’auteur notamment de Bonaparte au pont d’Arcole) par son collègue François Gérard (1790). Ici en civil, bien sûr.

Et puis il y a son ami (lui aussi personnage récurrent) Silvère Mareuil, qui a déjà en quelque sorte son portrait avec cette étude de Géricault pour le Radeau de la Méduse (1818). L’homme représenté s’appelle en réalité Joseph, né à Saint-Domingue vers 1793, et était un modèle noir plusieurs fois utilisé par des peintres français.

Enfin, vous ne trouvez pas que cette toile d’Angelica Kauffmann (Autoportrait, 1787) serait parfaite pour Mlle Desvignes ? Autre personnage qu’on retrouve d’un roman à l’autre, et qui est l’un de mes préférés !

Mort d’une Merveilleuse : le roman est en librairies

Couverture : Une jeune femme brune dans une longue robe blanche et un châle brodé, devant un décor de colonnes de marbre. De haut en bas, on peut lire :  "Romans noirs historiques", "Mort d'une Merveilleuse" (titre), "Irène Delse" (l'auteure), "Une enquête du capitaine Dargent", "Éditions du 81".

L’année est 1797. Le Directoire danse sur un volcan, Paris chante les victoires de Bonaparte, et trois amis rentrant de la campagne d’Italie en espérant des vacances bien méritées découvrent sur le pas de leur porte le cadavre d’une jeune femme assassinée d’un coup de poignard. Qui est-elle ? Pourquoi des conspirateurs royalistes cherchent-ils à faire disparaitre les traces du manuscrit qu’elle avait rédigé ? Quelles vérités inavouables avait-elle tenté de faire éclater ? Mon héros, Antoine Dargent, va devoir plonger dans les méandres de la politique et du cœur pour tenter d’y voir clair… et de rester en vie lui-même.

Si vous aviez aimé Du sang sur les dunes, ou en général si vous lisez des polars historiques comme ceux de Jean-François Parot, Laurent Joffrin ou Valérie Valeix, cette Mort d’une Merveilleuse est pour vous. Complots, intrigues, espoirs et désillusions, belles influenceuses en châle de cachemire et généraux aux dents longues, salons dorés des nouveaux riches de la Chaussée d’Antin et trompe-l’œil des théâtres sur les boulevards… Tout un monde en pleine transformation, dans une époque qui a tourné le dos à la Révolution pure et dure sans pour autant vouloir revenir en arrière, au statu quo et aux certitudes de l’Ancien Régime.

Je peux l’avouer : je ne me suis pas ennuyée à l’écrire. Et je remercie chaleureusement mon éditeur d’y avoir cru lui aussi ! Et vous ?

Mort d’une Merveilleuse, par Irène Delse, paru le 08/09/2023 aux Éditions du 81, ISBN 2915543801, 314 pages, 17,90 €.

À réclamer à votre libraire favori, ou bien en ligne à la Fnac, chez Cultura, Gibert, Decitre, La Procure, le Furet du Nord, Leslibraires.fr ou Librairiesindependantes.com.

(Hélas, Amazon est pour l’instant aux abonnés absents, je ne sais pourquoi… J’ai signalé le problème à l’éditeur. On verra si la plateforme se réveille. En attendant, je ne peux que vous encourager à aller plutôt chez la concurrence. Il y a amplement de quoi.)

Post-scriptum du 10/09 : ça y est, Amazon s’est réveillé ! On peut donc aussi désormais y trouver cette Mort d’une Merveilleuse.

Également publié sur mon Substack.

Mort d’une Merveilleuse, ça se rapproche

Mon prochain roman, Mort d’une Merveilleuse, sera en librairie le 8 septembre 2023, très bientôt donc.

Je vous mets ici la quatrième de couverture :

À l’hiver 1797, alors que la paix a mis fin à l’aventure de la Campagne d’Italie, le capitaine Antoine Dargent a l’intention de profiter d’un congé à Paris bien mérité, quand il trébuche littéralement sur le cadavre d’une mystérieuse jeune femme. Tâchant d’en savoir plus sur l’inconnue, il découvre peu à peu un nœud d’intrigues royalistes dont les racines plongent des années en arrière, pendant la captivité de la famille royale au Temple. Il révèle ainsi au grand jour un secret inavouable, capable d’éclabousser les autorités de la République aussi bien que le prétendant Louis XVIII dans son exil. Mais avant de faire éclater la vérité, Antoine devra d’abord réussir à rester en vie, car l’assassin au poignard rôde toujours, anonyme dans la foule élégante de la Capitale, et il n’hésitera pas. Après Du sang sur les dunes, le capitaine Dargent continue de déceler les mystères militaires et politiques de son pays, en plein coeur de Paris.

C’est en effet le second roman de ma série de romans noirs historiques se déroulant sous la Révolution et l’Empire, le précédent étant paru en 2021. J’ai raconté plus tôt pourquoi je m’étais tournée vers le roman policier, et les possibilités offertes par ce genre bien vivace. Les Éditions du 81 y croient aussi, c’est ma chance !

Mais pour un petit éditeur, c’est toujours une aventure de lancer un nouveau titre, d’autant que ce n’est pas là que se focalise l’intérêt du monde médiatique en cette rentrée littéraire. Je n’ai pas les opportunités d’un ancien président de la République, disons, pour faire le buzz et gonfler les ventes avant la sortie officielle… Je dis ça et je ne dis rien.

Mais si on aime et qu’on veut encourager l’auteure et les éditeurs, c’est simple : Mort d’une Merveilleuse est en précommande à la Fnac, chez Cultura, Gibert, Decitre, La Procure, le Furet du Nord, ou dans une librairie indépendante.

(Non, pas Amazon, bizarrement. Je vous en dirai plus quand je saurai pourquoi.)

Voilà, vous savez tout… Alors si le cœur vous en dit !

(Aussi publié sur mon Substack.)

Détails historiques et vraisemblance romanesque : un moustique, un fer à cheval et quelques terribles tragédies privées (rediffusion)

(Paru précédemment en mai 2020. À l’époque, nous étions encore en pleine pandémie… Je pense que ça n’a pas qu’un peu joué !)

Placer un récit à une autre époque, ce n’est pas seulement une question de détails matériels à vérifier, et pourtant ! Combien de romans par ailleurs palpitants laissent une impression désagréable au final parce qu’ils se sont plantés sur un point fondamental pour l’intrigue, ou même sur un détail périphérique mais qui change tout le climat de l’œuvre ?

Je pense par exemple à un roman policier de John Maddox Roberts (de la série SPQR) où la résolution de l’intrigue exigeait que l’on fasse la différence entre les chevaux des Romains, qui étaient ferrés, et ceux des Maurétaniens, qui ne l’étaient pas. Problème : à l’époque en question (fin de la République), les Romains non plus n’utilisaient pas de fers à chevaux. (Ils utilisaient des hipposandales, ou fers amovibles, à titre thérapeutique, pour protéger un pied abîmé, mais pas le fer à cheval proprement dit, qui date au plus tôt de l’époque byzantine.)

Ou bien que l’on songe aux libertés que prend Alexandre Dumas avec la chronologie du règne de Louis XIII dans ses Trois Mousquetaires : le véritable d’Artagnan devait avoir 12 ou 13 ans en 1625, au début du roman. Certes, on peut arguer que le héros ne fait qu’emprunter son nom au Gascon historique, que c’est un double romanesque… Reste que c’est une gaffe dans la construction du roman.

Mais tout cela, au fond, n’est que la partie émergée de l’iceberg, les aspects les plus faciles à vérifier et à appliquer quand on cherche à immerger un récit dans une époque historique, le nom des rois, reines, papes et autres dirigeants, le niveau technologique, les habits, les armes, même la botanique (pas de tomate en Europe avant Christophe Colomb…), tout cela demande simplement de la minutie et un accès à une bonne bibliothèque, ne serait-ce qu’en ligne. Là où cela devient une autre paire de manches, c’est si on veut essayer de reconstituer aussi l’univers mental d’une autre époque, sa représentation du monde et d’elle-même.

Pour en revenir aux Romains, par exemple, les hipposandales sont un indice intéressant à la fois du niveau atteint dans l’Antiquité par l’art vétérinaire, mais aussi de l’importance économique et militaire des chevaux et mules. La présence de mulomedici (médecins pour mules, littéralement) aux armées et dans les relais de poste nous en dit long également sur la capacité de l’Empire Romain à organiser et planifier.

Cet exemple nous montre un aspect du monde romain qui n’est pas si éloigné du nôtre : bureaucratie, techniciens spécialistes… Mais si on s’intéresse à la médecine proprement dite, on risque d’avoir des surprises.

Qu’est-ce qu’une maladie, par exemple ? Nous avons l’habitude de dire que telle infection est causée par tel agent pathogène, bactérie, virus, parasite, etc. Ou bien on relie un dérèglement physiologique à une anomalie génétique (certaines formes de diabète, par exemple) ou à un problème lié à la vie quotidienne (ainsi du surpoids et de l’obésité) du patient. On pense en terme de causes matérielles, avec des outils mentaux rarement antérieurs au XIXe siècle : même la définitions des tissus comme unités anatomiques date des années 1800, avec Xavier Bichat. La vaccination se développe à la toute fin du XVIIIe siècle avec Jenner. La médecine expérimentale de Claude Bernard date du milieu du XIXe siècle, et la théorie des germes a peu à peu accumulé des arguments empiriques (notamment les observations au compte-fils puis au microscope, à partir de 1700) jusqu’aux travaux définitifs de Pasteur. Quant à la génétique, malgré les bases posées par Mendel dans les années 1860, elle est née et s’est développée au XXe siècle.

Si on essaie de se placer en esprit à une époque antérieure au XXe siècle, c’est toute la relation de l’être humain aux maladies qu’il faut repenser. Imaginons à nouveau un récit placé à l’époque romaine : si un personnage tombe malade, comment raconter cela ? Si je parle de germes et de pathogènes, ou même si je mentionne la circulation sanguine, je sors de l’univers mental de l’époque, et donc je trahis l’esprit de mon récit. Mais si je reprends le vocabulaire des médecins de l’époque, avec ses miasmes et ses humeurs, cela donne vite un discours ridicule, du genre croqué par Molière dans son Malade imaginaire.

Il n’y a pas de solution parfaite ni universelle. En écrivant Augusta Helena, mon roman historique sur Hélène, mère de l’empereur Constantin, j’ai opté pour n’utiliser qu’au minimum le jargon médical antique, même en faisant parler un médecin. Mais je n’ai pas pour autant employé de concepts médicaux trop récents. Ainsi pour la question du paludisme, qui était une maladie endémique de la région de Rome, à cause des Marais Pontins et de leurs moustiques : on faisait dès l’Antiquité le lien entre les marécages et des maladies fébriles pouvant entraîner la mort, mais on pensait que c’était quelque chose dans l’air (d’où le nom italien de la maladie, malaria). Le rôle des moustiques comme vecteur est resté mystérieux jusqu’aux travaux de Carlos Finlay à Cuba en 1881. Dans mon roman, je n’ai mentionné les moustiques des marais du Latium que comme bestioles agaçantes, sans parler du lien avec la fièvre récurrente qui mine l’un de mes personnages et finit par l’emporter. Mais j’ai pris soin de citer les moustiques. (Par parenthèse, les Marais Pontins furent une plaie de Rome jusqu’aux années 1930, quand les grands travaux de Mussolini les ont asséchés et permis d’y faire de l’agriculture.)

La terminologie est donc déjà un point délicat, s’agissant des maladies, de leurs causes et de leurs remèdes. Mais plus encore, en écrivant un récit historique qui se veut réaliste, on ne peut pas ne pas prendre en comptes les réalités humaines d’une époque où la mort fauchait bien plus souvent, et aussi bien plus tôt. Avant l’introduction des vaccins, en Europe, un enfant sur deux n’atteignait pas l’âge adulte. Est-ce que mes personnages seront plus fatalistes face à ce genre de choses ? Probablement. Mais c’est difficile à faire passer pour des lecteurs modernes.

Il y a ainsi un passage dans Tous les Accidents, mon roman situé à l’époque de la Révolution et de l’Empire, qui a un peu perturbé les béta-lecteurs, et non sans raison : la mort d’un nouveau-né. Ce qui est pour nous l’horreur absolue, le drame des drames, était alors quasiment un passage obligé pour les familles. Ce qui m’intéressait, c’était justement comment réagissaient les survivants. J’ai une grand-mère qui a perdu son premier fils en bas âge à cause d’un accident et en a terriblement souffert, mais son éducation et son milieu social n’étaient pas favorables à l’extériorisation des sentiments. Ce qu’elle en disait, quand elle disait quelque chose, c’était : « Il faut porter sa croix. »

Une philosophie terrible, si on y songe.

Mes héros sont capitalistes ? Oui, et c’est aussi un peu un mystère pour moi…

Du sang sur les dunes, par Irène Delse, aux éditions du 81

C’est un fait que j’ai constaté en cours d’écriture de mon premier roman policier historique, Du sang sur les dunes : on parle beaucoup de la façon dont le héros, Antoine Dargent, s’enrichit et fait des investissements judicieux. Et ce sera encore plus net dans le roman de la même série qui devrait paraître bientôt, Mort d’une Merveilleuse. (NB : roman paru en septembre 2023, et encore disponible.)

C’est normal pour un héros du XIXe, vous me direz : c’est le siècle de la bourgeoisie et des fortunes basées sur des « coups » spéculatifs. On est là en plein Balzac, mais aussi, ne l’oublions pas, Hugo, qui dans Les Misérables a dépeint avec « M. Madeleine » (alias de Jean Valjean) un entrepreneur qui s’enrichit grâce à l’innovation avant de faire le bien autour de lui. Il a aussi consacré Les Travailleurs de la mer à un aventurier du capital, un entrepreneur qui croit en l’avenir de la machine à vapeur pour les transports maritimes et y risque tout ce qu’il a. Bref, c’est parfaitement raccord avec l’esprit de l’époque.

Mais ce n’est pas tout : dans Augusta Helena (dont le premier tome est paru en janvier 2022), l’un des personnages principaux, Lucius Aurelius, se montre aussi un entrepreneur avisé, avec toujours l’œil pour le profit à petite ou grande échelle, comme on peut s’y attendre d’un membre de la classe dirigeante romaine de l’époque, de grands latifundiaires qui font fructifier leur capital en prêtant à des entreprises diverses : manufactures (on a notamment une bonne documentation sur les ateliers de poteries), commerce au long cours…

Je semble donc attirée vers ce genre de personnage et de situation. Il faut dire que c’est fascinant comme aventure humaine. Mais cela me plonge dans une certaine perplexité : c’est vraiment loin, très loin de mon milieu d’origine et de mes expériences personnelles. Quasiment toute ma famille proche est dans la fonction publique, par exemple. Et c’est mon cas aussi.

En revanche, question lectures… C’est vrai que j’ai beaucoup fréquenté Donald Westlake/Richard Stark : ses histoires de gangsters sont aussi « une continuation du capitalisme par d’autres moyens », pour paraphraser Clausewitz. Il s’agit toujours de l’argent et de ceux qui cherchent à le contrôler. Mais si on veut la source principale, à mon sens, de cette inspiration, il faut regarder du côté de l’écrivaine de fantasy Chelsea Quinn Yarbro et de sa série Saint-Germain. Vers les années 2009/2010, j’ai découvert et… dévoré. Sans être exceptionnellement bien écrite ou documentée (sur certains points, il y a même des lacunes impardonnables), c’est un exemple passionnant de série qui fait évoluer un héros récurrent sur une longue période, et aussi un exemple de capitalisme au service d’une intrigue romanesque.

On me dira que prendre un héros riche est une ficelle fréquemment utilisée par les romanciers, pour des raisons bêtement pratiques : pour qu’il ou elle soit dégagé de la nécessité de gagner son pain et puisse se consacrer à son hobby de détective, dirons nous. (Pensons à Hercule Poirot et tous les détectives armateurs.) Mais ici, c’est autre chose : le capital est une source de reconnaissance sociale autant qu’un moyen d’action dans le monde, c’est un élément essentiel de l’identité du personnage en même temps qu’une source de dangers, à cause des convoitises qu’il génère.

Bref des situations offrant un riche matériau pour nourrir une intrigue ! Et c’est exactement ce qui se passe avec Augusta Helena et Du sang sur les dunes. Entrelacée dans l’intrigue principale, il y a aussi toutes ces questions de capital, d’enrichissement, d’opportunités à saisir… Et de risques à prendre. On est dans le suspense, après tout.

Mort d’une Merveilleuse : mon prochain roman à paraître en novembre (mis à jour)

Couverture du roman Mort d'une Merveilleuse : peinture représentant une femme brune dans une robe blanche légère et un châle brodé, sur fond de colonnes de marbre.
Mort d’une Merveilleuse, par Irène Delse, Éditions du 81

Désolée pour ce retard : mon prochain roman, Mort d’une Merveilleuse, paraitra finalement le 18 novembre (NB : date modifiée par l’éditeur). Il est en précommande à la Fnac, chez Decitre, Amazon, Cultura, Furet du Nord, Gibert, dans des libraires indépendantes comme Ici Grands Boulevards… Et chez LesLibraires.fr plus généralement !

C’est toujours un roman noir historique, cette fois sous le Directoire. Pour citer la 4e de couverture :

« À l’hiver 1797, le capitaine Antoine Dargent rentre à Paris après la campagne d’Italie, mais, à peine arrivé, il trébuche littéralement sur le cadavre d’une mystérieuse jeune femme. Son enquête le mène dans un noeud d’intrigues qui pourraient compromettre le prétendant au trône de France Louis XVIII, alors en exil. Toutefois, avant de faire éclater la vérité, il doit rester en vie car l’assassin rôde toujours. »

Quant au tome 2 (et dernier, ouf) d’Augusta Helena , ce sera aussi pour le mois de novembre. Encore un petit moment à patienter.

Mon prochain roman : Mort d’une Merveilleuse

Peinture du 18e siècle : femme en robe blanche sans manches, style Directoire, entre des colonnes décoratives
Mort d’une Merveilleuse, par Irène Delse, à paraître aux Éditions du 81

Quand ça marche, pourquoi s’arrêter ? Je vous avais parlé l’année dernière d’un autre roman policier que j’étais alors en train d’écrire. Bonne nouvelle : il devrait paraître cette année aux Éditions du 81, les mêmes qui ont déjà publié Augusta Helena et Du sang sur les dunes !

Si vous avez aimé ce dernier roman, c’est pour vous : on retrouve le même personnage principal, Antoine Dargent, quelques années plus tôt, sous le Directoire cette fois et non sous l’Empire. L’occasion de croiser quelques personnages historiques bien connus, mais aussi quelques anonymes hauts en couleurs. Et on se frotte à une énigme sombre, très sombre.

Quelle date de parution ? C’était prévu au départ pour le mois de mai, et puis des contretemps ont obligé à déplacer cette sortie à la fin août. Comme pour l’année précédente, donc. Je vous tiendrai au courant ici même.