Archives mensuelles : février 2023

Roald Dahl, un cas de droit moral

Méfiez-vous des imitations. (« Persona », musée du Quai Branly)

C’est la dernière affaire de cancel culture qui affole l’Internet : la réécriture des livres pour enfants de Roald Dahl. Du moins dans le monde anglo-saxon, car en France, les éditions Gallimard Jeunesse n’ont aucune intention de suivre le mouvement. Et pour cause : le droit français ne s’y prête pas !

J’en ai déjà parlé, mais ça ne fait pas de mal de revenir là-dessus : en France et dans certains autres pays, notamment l’Allemagne, la loi reconnaît aux auteurs des droits moraux sur leur œuvre, en plus des droits patrimoniaux que sont les rémunérations pour l’exploitation de l’œuvre. Ainsi, pour un livre, les droits patrimoniaux contiennent le droit de l’éditer, reproduire, traduire, adapter, etc. Mais le droit moral protège les intérêts intellectuels de l’auteure ou de l’auteur : être reconnu comme créateur (ou créatrice) de l’œuvre, et voir l’intégrité de cette œuvre protégée.

C’est ce critère d’intégrité de l’œuvre qui est en cause ici : quand l’éditeur anglais Puffin (département jeunesse de Penguin) et la société de gestion des droits patrimoniaux sur l’œuvre de Roald Dahl se mettent en tête d’adapter ses textes à ce qu’ils pensent être la « sensibilité » du jour, ils violent le droit moral de l’auteur sur son œuvre, puisque c’est une réécriture qui n’a pas l’aval de l’auteur. (Et pour cause, celui-ci étant décédé.)

Mais voilà : dans le droit anglais, ce droit moral relatif à l’intégrité de l’œuvre n’est pas pris en compte. Du moins pas devant les tribunaux.

Alors qu’en France, on a vu un procès intenté par les héritiers de Victor Hugo contre l’auteur d’une « suite » des Misérables. Ce dernier a finalement eu gain de cause, mais le tribunal a bel et bien dû examiner la question : cette nouvelle œuvre ne risque-t-elle pas de dénaturer l’œuvre d’origine ? La réponse a été négative, parce qu’ici, il n’y a pas de changement du texte d’origine, pas d’attribution à l’auteur d’un texte qui n’est pas le sien, et que (soyons honnêtes) cette suite ne risque guère de faire oublier le livre de Hugo.

Alors que l’éditeur de Roald Dahl change le texte de ses livres et les republie sous son nom, comme si on devait l’inflexion woke du texte à l’auteur lui-même. Même si le droit français n’est évidemment pas recevable devant les tribunaux anglais ou américains, cela confine à de la tromperie sur la marchandise.

En passant

Pour ceux qui ne connaissent pas encore, Timeline, 5000 ans d’Histoire est un podcast présenté par Richard Fremder, qui explore le vaste champ de l’histoire de l’humanité. En plus des sujets habituels, où les invités sont des historiens ou historiennes … Lire la suite

Dans quelles librairies trouver Augusta Helena?

Je vous le disais l’autre jour : le tome 2 d’Augusta Helena, L’Odyssée de l’Impératrice, est enfin en librairies, physiques ou en ligne. Mais lesquelles, au fait ? Où aller le chercher si on veut voir le bouquin en rayon, à l’ancienne ?

Eh bien, d’abord dans les Fnac. Rien qu’à Paris, le livre est disponible dans celles du Forum des Halles, de La Défense, Saint-Lazare, Montparnasse, Boulogne et Ternes.

Mais aussi dans la librairie La Procure du VIe arrondissement, dans les Gibert du VIe et du XVIIIe, chez Le Pain de 4 Livres à Yerres (Essonne), chez Mollat à Bordeaux…

Et tant qu’on y est, on peut en profiter pour découvrir ou redécouvrir le premier volume : Énigmes en Terre Sainte, qui n’est pas encore épuisé.

L’Odyssée de l’Impératrice : ça y est, le roman est en librairie !

Oui, cette fois, c’est fait : le second et dernier tome d’Augusta Helena est disponible ! « Dans toutes les bonnes librairies », selon l’expression consacrée.

De quoi s’agit-il ? D’un gros roman, qu’il a fallu couper en deux pour le publier dans de bonnes conditions. D’un roman d’aventures et d’énigmes autour de la figure mi-historique, mi-légendaire d’Hélène, mère de l’empereur Constantin, future Sainte Hélène. Intrigues de cour, affaires de cœur, querelles et débats entre chrétiens mais aussi avec la société païenne qui regarde de haut ces nouveaux venus aux grandes ambitions…

C’est tout un monde que j’ai essayé de faire vivre, à travers des personnages variés : Lucius, l’aristocrate romain qui se veut philosophe ; Ossius, évêque et homme d’État prudent ; Alexandre et Apollonia, deux adolescents éthiopiens à l’esprit aventureux ; Hildericus, officier franc de la garde impériale ; les jeunes nonnes Mariam et Saphira, qui ont tous les courages face à l’injustice… Ce sont d’ailleurs elles qui mettent l’intrigue en mouvement. Le voyage mènera tout ce monde de Rome à Jérusalem, sur la trace de la plus précieuse des reliques : la Croix du Christ. Mais aussi sur la trace d’un double meurtre : celui de l’épouse et du fils aîné de Constantin, que la raison d’État voudrait étouffer.

Augusta Helena : T. 1 Énigmes en Terre Sainte, et T. 2 L’Odyssée de l’Impératrice, aux Éditions du 81, 16,90€ chaque.

Nouvelle note de lecture pour l’AFIS : Mark Brake, Vivons-nous en pleine science-fiction ?

Je peux l’avouer, j’ai dévoré ce bouquin ! La note de lecture est disponible sur le site de l’AFIS : Vivons-nous en pleine science-fiction ? Un roboratif point de vue sur la façon dont la SF influence notre vision du monde.

Y avait-il des chirurgiennes au temps de Napoléon, ou comment le passé peut encore nous étonner

Je suis en train d’écrire un roman policier historique situé en Angleterre en 1802, soit au moment d’un bref épisode de paix avec la France, avant la reprise des guerres napoléoniennes. La période est, paradoxalement, peu connue chez nous : il y a beaucoup plus de matériau sur la vie quotidienne de la période victorienne qui suit. Heureusement, les Anglais et les Américains s’y intéressent un peu plus, notamment parce que c’est l’époque de Jane Austen, dont le succès n’est plus à démontrer.

Parmi les livres qui m’ont servi à entrer dans le monde des crimes, des faits-divers et de la justice au tout début du XIXe siècle, il faut citer The Maul and the Pear-Tree: The Ratcliffe Highway Murders, 1811, par T. A. Critchley et P. D. James, paru en 1971. Oui, c’est l’écrivaine de polars bien connue, qui s’essaie ici au genre true crime, en compagnie d’un historien de la police travaillant sur les sources primaires d’époque : procès-verbaux, correspondances, articles de journaux… (Il a été traduit chez nous en 1994 sous le titre Les Meurtres de la Tamise.)

C’est le récit et une tentative d’élucidation d’une affaire de meurtres brutaux dans l’East End miséreux mais en pleine transformation de Londres, à une époque où la Tamise était la grande artère de circulation pour les gens et les marchandises. En marge de l’enquête des magistrats (qui ne se sont pas couverts de gloire ici, il faut l’avouer), on découvre tout un univers humain, grouillant, contrasté : les marins qui débarquent ou disparaissent d’un jour à l’autre, qui perdent leur solde en quelques jours dans les tavernes, au jeu ou avec les filles de joie ; les boutiquiers et taverniers qui fournissent cette clientèle volatile et peu commode ; les traditionnels mais peu fiables veilleurs de nuit, qui seront bientôt discrédités et remplacés par une vraie police, en 1829…

Et puis il y a des détails curieux, mentionnés au passage, mais qui soulèvent plus de questions qu’ils n’en résolvent.

Ainsi, les auteurs reproduisent d’après un procès-verbal la déposition d’un homme qui serait bientôt le principal suspect (très probablement à tort, mais passons.) Il s’agit d’un marin désargenté, qui boîte d’une jambe et cherche un chirurgien pour y faire quelque chose. Comme il l’explique au magistrat qui l’interroge, il est allé ce jour-là chez un chirurgien, mais les tarifs étaient trop élevés pour lui. Alors il est reparti en quête d’une « femme chirurgien » (« female chirurgeon », dans le texte) en espérant que ce serait moins cher.

Ni le compte-rendu d’époque, ni les auteurs du livre ne commentent sur cette mention de femmes pratiquant la chirurgie, ni sur le fait qu’un homme du début du XIXe siècle ne voit rien de bizarre à demander les services de l’une d’elles. Était-ce une réalité quotidienne banale ? Ces « female chirurgeons » étaient-elles des rebouteuses traditionnelles ? Des sages-femmes qui étendaient leur répertoire à d’autres interventions, y compris pour les hommes ? Ou bien des épouses et assistantes de chirurgiens en titre, qui en venaient à voir elles-mêmes des clients ? Une chose est sûre : il n’y avait pas d’études médicales pour elles. (Seules les sages-femmes ont commencé à avoir des écoles professionnelles, du moins en France, vers la fin du XVIIIe siècle.) Mais il y avait manifestement une clientèle pour qui le prix demandé par un chirurgien ordinaire était trop élevé, et qui ne voyait pas d’inconvénients à se confier à une femme à la place. N’ayant pas de diplômes, ni de société professionnelle pour l’appuyer, la « chirurgienne » ne pouvait demander autant que les hommes de l’art.

Un peu mystérieux ! Mais cela apporte de l’eau à mon moulin, ou plutôt à mon roman. Est-ce qu’il y aura une « femme chirurgien » dans l’histoire ? Je ne vais pas rater ça ! Reste à imaginer le contexte précis, la trajectoire humaine qui a conduit à cette situation… Mais justement : c’est ça le travail de la romancière. Imaginer, mettre en scène, mettre de la chair sur les mots.

N. B. Pour ceux que cette période intéresse, je ne peux que recommander aussi What Jane Austen Ate And Charles Dickens Knew, de Daniel Pool, sur l’arrière-plan social et économique des grands romans anglais du XIXe siècle.

Augusta Helena, deux volumes, un seul roman, bientôt complet

Augusta Helena t. 2 : L’Odyssée de l’Impératrice, par Irène Delse, à paraître le 17/02/2003 aux Éditions du 81

On ne publie plus beaucoup de romans en plusieurs livraisons, aujourd’hui, alors que c’était commun du temps de Dickens ou d’Alexandre Dumas. Le prix des livres par rapport au revenu moyen des gens était alors élevé, et cela faisait sens économiquement de faire paraître Les Trois Mousquetaires ou David Copperfield en feuilleton, pour les republier ensuite en volume une fois le public appâté. Hugo, Balzac, Sand, Nerval : quasiment tous les grands noms de la littérature de l’époque ont paru d’abord en feuilleton. En 1955, encore, Tolkien a dû accepter de publier Le Seigneur des Anneaux en trois tomes à cause du coût du papier qui restait élevé dix ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Au XXIe siècle, on n’en n’est plus là, d’autant que la technologie a évolué : par exemple, la colle qui sert à coller le dos est bien plus sophistiquée, permettant de maintenir une quantité énorme de pages tout en restant souple. Ce n’est pas pour rien que l’édition du 50e anniversaire du Seigneur des Anneaux était en un volume.

Sauf que… L’année 2020 est passée par là.

Augusta Helena, t. 1 : Énigmes en Terre Sainte, par Irène Delse, paru le 21/01/2021 aux Éditions du 81

Après le premier choc de la pandémie de covid, le coût du papier a grimpé, celui de l’énergie aussi, l’un influençant l’autre (la fabrication de papier nécessite beaucoup de d’énergie), et les difficultés à trouver de la main-d’œuvre n’ont rien arrangé. Mon éditeur, les Éditions du 81, ont été obligées de couper en deux le gros manuscrit que je leur avais confié, afin de laisser chaque tome à un prix raisonnable.

Le résultat a été Augusta Helena, tome 1 : Énigmes en Terre Sainte, paru en janvier 2021, sous une couverture très élégante, à mon avis. (L’illustration provient d’un carton pour un vitrail, d’époque post-Viollet-Leduc, apparemment.) Et dans un peu plus d’une semaine, le 17 février, le tome 2, L’Odyssée de l’Impératrice, paraîtra, au même prix que le premier : 16,90 €. Et toujours avec un graphisme splendide, jugez-en par la couverture en haut de l’article ! Cette fois, c’est Véronèse, La Vision de Sainte Hélène, qu’on peut voir normalement à la Pinacothèque du Vatican.

Reste à voir si ma protagoniste restera en odeur de sainteté une fois arrivée à la fin du roman… Je me demande ce qu’en penseront les lectrices et lecteurs ?

Hamlet, le Juge Ti, Emma ou le prophète Daniel, tous détectives ?

Tableau : "L'Innocence de Suzanne reconnue", par Valentin de Boulogne (Musée du Louvre).

Si vous avez raté ma série sur les précurseurs du roman policier à travers les âges et la littérature mondiale, je remets ici les liens vers les principaux articles :

1. Daniel, détective biblique : comment notre héros sauve la vie de la belle et innocente Suzanne en posant les bonnes questions ;

2. Les énigmes des Mille et Une Nuits : le vizir Djafar doit découvrir le meurtrier d’une mystérieuse inconnue ;

3. L’art de lire les indices, du Talmud à Serendip : où les traces d’un chameau, d’un cheval et d’une petite chienne permettent au héros de faire preuve de ses pouvoirs d’observation et de déduction, un motif littéraire repris du Talmud de Babylone dans le conte perse des Trois Princes de Serendip, puis par Voltaire dans Zadig et Umberto Eco dans Le Nom de la Rose ;

4. Détectives et mandarins sous les Ming : les diverses incarnations du Juge Ti et d’autres héros justiciers de la Chine impériale ;

5. Jeux d’énigmes avec Jane Austen : avant Poe, Emma est l’un des premiers, peut-être le premier, roman occidental moderne à intégrer une énigme que le public peut résoudre grâce aux indices disséminés au fil de l’intrigue ;

6. Ulysse détective, Pénélope aussi : le héros de l’Odyssée et sa fidèle épouse résolvent chacun à sa façon des énigmes, ce qui en fait la premier couple de détectives de la littérature ;

7. Hamlet mène l’enquête : dans la pièce, le prince de Danemark réussit à découvrir le meurtrier de son père, mais pas à le prouver au-delà de tout doute, comme dans un bon roman noir ;

8. Série Noire pour Œdipe : comment la pièce Œdipe roi de Sophocle s’est retrouvée publiée dans une collection de romans policiers, ce qui est parfaitement adapté quand on y songe.

Augusta Helena : le deuxième et dernier tome s’achemine. Arrivée en librairie le 17 février !

Couverture du roman : détail d'un tableau de Véronèse représentant une femme (Sainte Hélène) en train de somnoler et rêver, assise dans un grand fauteuil, avec un manteau de pourpre et une couronne d'or et de pierreries

Splendide, non ? C’est la couverture du second tome de mon roman Augusta Helena, intitulé L’Odyssée de l’Impératrice, à paraître aux Éditions du 81 le 17 février 2023, soit dans moins de deux semaines.

Quatrième de couverture :

« Après de nombreuses péripéties, le cortège impérial continue sa route en direction de Jérusalem. Mais la quête sainte est loin d’être terminée ! (…) L’amour et la trahison s’invitent à bord du cortège impérial qui n’a pas fini de déjouer les embuscades et les complots ! »

Oui, cette fois, c’est la bonne : l’imprimeur vient de livrer les bouquins, qui sont actuellement dans l’entrepôt du distributeur pour être acheminés dans les librairies. Je devrais pouvoir récupérer mes exemplaires d’auteure la semaine qui vient. Ça roule, on dirait. Alors croisons les doigts…

Mais en attendant, il n’est pas interdit de pré-commander le livre chez votre libraire préféré ou dans un service de vente en ligne bien connu, je ne vous fais pas un dessin ! C’est un bouquin un peu hors normes, par le genre et par les dimensions, et il est d’autant plus important de soutenir un petit éditeur comme le 81, qui a pris là un pari assez risqué.

Et puis, c’est un roman foisonnant, plein de personnages cocasses et de rebondissements étranges, qui promet des heures et des heures de lecture pour s’évader de la grisaille du quotidien… À offrir ou à s’offrir, comme on dit !

Post-scriptum qui n’a rien à voir : Si vous faites partie des fidèles de ce blog, vous avez dû remarquer le changement de titre, tout en haut. J’aimais bien le précédent, « L’Extérieur de l’asile », mais le private joke échappait à la plupart des gens. Tant pis.