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La bande son pour écrire

Affiche française du film Le Guépard (1963) de Luchino Visconti, avec Burt Lancaster, Claudia Cardinale et Alain Delon

J’en ai déjà parlé, un de mes rituels d’écriture est de mettre de la musique avant d’ouvrir Word ou Scrivener.

Mais au fait, quelle musique ?

En ce moment, c’est surtout des bandes originales de films : celle de Barry Lindon, par exemple, pleine de compositions du XVIIIe siècle, mais aussi celle créée par Nino Rota pour Le Guépard de Visconti.

Alternativement, j’aime bien avoir en arrière-plan un peu de musique d’époque. Haendel, Mondonville, Mysliveček (oui, celle du film Il Boemo), mais aussi les Sinfonie milanese composées en Italie après la Révolution française. On est ici en plein dans l’ambiance du roman que je suis en train d’écrire.

C’est un peu le trip actuel. À d’autres moments, j’ai plutôt mis Leonard Cohen en boucle, ou bien de la musique électronique. Mais j’avoue que pour écrire des aventures autour de 1800, les sons contemporains sont de bons compagnons de route.

Regrets pour le film Il Boemo : nouvel épisode de Dr Scénario

Sorti en 2022, le film tchéco-slovaco-italien Il Boemo, de Petr Vaclav, a eu un peu la carrière d’une étoile filante, vite disparu sans rencontrer le public qu’il aurait mérité, rien que pour la qualité de la reconstruction historique et l’enchantement des scènes d’opéra. N’est pas Amadeus qui veut… Mais comme pour d’autres films imparfaits et attachants, on peut en tirer quelques enseignements question écriture.

Affiche française de Il Boemo, avec l'acteur du rôle titre, Vojtech Dyk, en costume du XVIIIe, allongé auprès d'une femme dont on ne voit qu'une partie du visage
Affiche française de Il Boemo, avec l’acteur du rôle titre, Vojtech Dyk

Il faut dire que certains aspects du scénario et de la réalisation n’ont pas aidé. Surtout dans la gestion des personnages : trop souvent, on assiste à une scène où le héros interagit avec un ou plusieurs personnages qu’on n’arrive pas à situer. J’ai récemment revu le film en VOD (merci Arte) et j’ai été frappé par la première partie, à Venise, où un personnage féminin important, une jeune fille qui prend des leçons de musique, apparaît à l’écran sans qu’on sache son nom.

C’est pourtant important de présenter ses personnages, comme on l’a vu à propos de l’adaptation au cinéma de La Chartreuse de Parme. Comment savoir où va l’histoire si on ne sait pas qui sont les protagonistes ? Pire, quand un personnage n’a pas de nom, on tend à ne pas le ou la remarquer et à s’attacher à d’autres éléments du récit.

On pourrait aussi critiquer la façon dont le scénario introduit des thèmes et des personnages sans les suivre jusqu’au bout, passant chaque fois à autre chose. Cela permet d’évoquer des aspects variés de la vie du personnage principal, Josef Mysliveček : relations avec les vedettes de la scène, avec les riches commanditaires des opéras (une scène avec le jeune roi de Naples est horrible mais plausible sur le plan historique), les ennuis d’argent, les évolutions du goût musical, l’influence sur le jeune Mozart (rien que pour ce passage, le film mérite d’être vu), ou encore une histoire d’amour malheureuse avec une femme de l’aristocratie…

Plein de choses intéressantes, mais qui peinent à se cristalliser en une histoire suivie et cohérente. Ce qui est souvent l’écueil des récits biographiques quand ils suivent de près les faits : la vie a rarement la bonne grâce de ficeler ses intrigues, elle. La fiction a plus de facilité de ce côté-là.

Les bandes originales de mes romans

Qui n’a jamais écrit en musique ? Rien de plus simple pour entrer dans l’ambiance, se créer une bulle de concentration et s’isoler pendant une heure ou deux du monde ordinaire. Il y a des auteurs qui se stimulent avec du rock passé en boucle, d’autres qui s’immergent dans la majesté de symphonies classiques. Personnellement, j’ai un faible pour les musiques de film.

C’est parfait pour créer une ambiance d’aventures tout en ne distrayant pas trop. J’aime surtout les bandes originales de films historiques ou de cape et d’épée : j’ai dû écouter cent fois la musique de Vangelis pour Alexander, d’Oliver Stone (2004), en écrivant Augusta Helena. En ce moment, sur un roman policier historique, j’ai dans mes favoris Deezer la bande originale du Barry Lyndon de Kubrick (1975), et celle créée par Philippe Sarde pour La Fille de d’Artagnan de Tavernier (1994).

D’autres bandes originales que j’ai utilisées à un moment ou un autre : celle de Howard Shore pour Le Silence des Agneaux de Jonathan Demme (1991), Max Richter pour L’Œuvre sans auteur de Florian Henckel von Donnerstack (2018), et la splendeur qu’est Tous les matins du monde (1991) version audio.

Pendant l’écriture de mon premier roman, L’Héritier du Tigre, j’ai même beaucoup, beaucoup écouté la musique de Jerry Goldsmith pour Rambo (1982). Ne riez pas ! Et écoutez plutôt la bande originale. L’histoire du film importe peu quand la musique est aussi inspirée.

Vaccinée, libérée ! Mes aventures pour une piqûre

SARS-CoV-2, portrait de virus. (Source : CDC.) En rouge, la désormais fameuse protéine Spike qui se lie aux cellules à infecter.

Comme beaucoup de monde, j’ai vécu les différentes étapes de la pandémie en serrant les dents, sachant que je faisais partie des personnes qui ont un risque de développer un Covid sévère. Pas exactement riant comme perspective. Au printemps 2020, j’ai bénéficié d’une autorisation d’absence à ce titre, et parce que le télétravail n’était pas adapté à mon cas. La rançon d’être fonctionnaire de guichet. Mais je suis reconnaissante pour cette autorisation accordée rapidement et sans histoire par l’administration.

Je suis donc restée chez moi en avril 2020, temps que j’ai mis à profit en écrivant une série de science-fiction pour Rocambole. Mais si, vous vous souvenez : c’était L’Interprète, déjà une histoire policière, cette fois dans un futur pas très éloigné. Au passage, gros coup de chapeau à l’entreprise, qui s’est pris dans les dents le coronavirus au moment où ils lançaient leur nouvelle formule et ont tout de suite rebondi en s’organisant pour travailler à distance, tout en lançant de nouveaux titres et en mettant les textes en accès gratuit pour la durée du confinement (les auteurs ayant été consultés bien sûr).

À l’automne 2020, toutefois, lors du second confinement, je n’ai pas cherché à bénéficier d’une nouvelle autorisation d’absence. J’aurais sans doute pu, mais ça ne me souriait absolument pas. J’ai beau apprécier la solitude, il y a un moment où cela pèse. Et puis on avait désormais des masques, du gel, et une bonne connaissance des mécanismes de transmission du virus. Aller travailler était donc un risque calculé.

N’empêche, quand les vaccins ont commencé à arriver, je n’ai eu qu’une hâte : pouvoir enfin en bénéficier. C’est ainsi que lorsque, courant février 2021, le ministre de la Santé a annoncé que les personnes de 50 ans et plus avec une affection les mettant à risque de Covid grave pourraient se faire vacciner chez leur médecin généraliste avec le vaccin AstraZeneca (qui peut être stocké dans un frigo ordinaire, ce qui simplifie son emploi), j’ai sauté sur l’occasion. J’ai eu ma première injection le 6 mars, après avoir été sur des charbons ardents pendant quelques jours : mon médecin partait à ce moment-là en vacances et j’ai eu un peu de mal à joindre son remplaçant. Mais au final, ça s’est fait et j’ai pu pousser un premier ouf de soulagement. Ce n’était pas une protection complète, bien sûr, mais c’était mieux que rien. Et je n’ai même pas eu d’effets secondaires embêtants.

Vous connaissez la suite de l’histoire : les informations sur des accidents de coagulation rares mais graves chez des patients jeunes, la décision de réserver ce vaccin aux plus de 54 ans… Ah zut, et ceux qui avaient déjà eu la première injection mais pas la seconde ?

Cela se passait courant mars. Mon rappel de vaccination, selon l’information donnée par le toubib, devait avoir lieu en mai, soit entre 9 et 12 semaines après la première injection. J’ai donc attendu, plus que jamais sur les charbons ardents. Et heureusement que j’avais de quoi m’occuper, n’étant pas plus confinée qu’en novembre.

Je n’ai pas eu à me poser longtemps des questions. En avril, nouveau communiqué du ministère de la Santé : les gens qui avaient eu une première injection AstraZeneca et ne pouvaient bénéficier d’une deuxième en raison de leur âge pourraient à la place recevoir une dose de l’un des vaccins à ARN messager, Moderna ou Pfizer/BioNTech, à la date normalement prévue.

Un panachage, donc, qui d’après les données recueillies au Royaume-Uni (qui a commencé avant et a donc un peu essuyé les plâtres) est efficace. Pas de problème pour moi, d’autant que j’avoue être en admiration devant la technologie des vaccins à ARNm, et à l’élégance d’une telle invention. N’injecter que l’ARN permet notamment d’avoir un vaccin extrêmement pur, ce qui réduit les risques d’effets secondaires.

Qu’à cela ne tienne : j’ai donc cherché sur sante.fr un créneau de vaccination dans la période qu’on m’avait indiqué, entre le 8 et le 29 mai…

C’est là que je découvre à quel point les places sont chères. Dans l’absolu, ce n’est pas une mauvaise chose : ça montre que les gens veulent être protégés ! Mais je finis par trouver un créneau le samedi 15 mai, et dans un centre de mon quartier. Du moins je pense avoir trouvé. En recevant mon courriel de confirmation, cependant, je vois la mention : « la seconde injection doit se faire dans le même centre que la première ». Zut alors, ils ne sont pas au courant pour AstraZeneca ? Ou bien ils n’ont juste pas mis à jour leur message ?

Tant pis, pour en avoir le cœur net, je leur téléphone. Ce n’était pas une mauvaise chose, car j’apprends (on est alors fin avril) qu’il n’y a pas de problème pour ça, mais que la deuxième injection doit obligatoirement être faite 12 semaines après la première, avec une tolérance d’un jour en plus ou en moins, mais c’est tout.

Retour à la case départ. Le rendez-vous du 15 mai est annulé, et je dois chercher un créneau pour fin mai, impérativement. Ah non, désolée, ce centre ne donne de rendez-vous que quinze jours à l’avance, rappelez plus tard.

Soit. Je suis retournée à Internet, et j’ai trouvé le site https://vitemadose.covidtracker.fr/ qui était alors assez récent mais déjà d’une efficacité magistrale. Et c’est grâce à lui que j’ai trouvé un autre centre à Paris qui avait un créneau libre pour le bon jour, le bon vaccin et le bon public (certains centres étant réservés au personnel soignant ou aux plus de 60 ans). Et là j’ai croisé les doigts pour pas attraper le virus avant.

Quinze jours plus tard, je reçois un appel du centre de mon quartier : ils me proposent un rendez-vous pour le vaccin. C’est très gentil, je leur ai répondu, mais j’ai déjà trouvé, merci.

Et en effet, le 29 mai sans faute, je suis passée à travers la mécanique bien huilée du centre de vaccination. Vérification du nom et de la carte Vitale, attente, questionnaire sur mes antécédents médicaux, attente, piqûre (au bras gauche pour les droitiers), attente, et enfin délivrance du joli QR-code qui me permet de rentrer chez moi tranquille.

Le lendemain, j’ai le haut du bras sensible, mais trois fois rien. C’est la preuve que l’ARNm fait son travail, et mes cellules le leur : elles fabriquent des protéines d’enveloppe de virus. Et mon système immunitaire aura ainsi les outils nécessaires pour reconnaître très vite le vilain SARS-Cov-2 s’il se montre dans les parages, et pour l’estourbir avant qu’il ait pu faire des dégâts.

Alors, ce n’est pas la folie, bien sûr, je continue à porter le masque dans les transports en commun et au travail jusqu’à ordre contraire, mais je me sens déjà plus tranquille quand je suis à côté de gens qui le portent mal ou l’enlèvent à tout bout de champ.

Je vous laisse avec une chanson qui rappellera des souvenirs aux geeks dans mon genre. Ah, les temps déjà lointains de fin 2020…

(Aussi publié sur Substack.)

« Tous demandent à Lalon sa religion et sa caste. Lui demande : à quoi ressemblent ces choses ? »

C’est important de rappeler que la libre pensée n’est pas l’apanage des pays occidentaux, ni de l’époque contemporaine. Et si le langage reste souvent une barrière, la musique peut servir de passeport, témoin cette chanson, trouvée grâce au blog de l’écrivaine et militante féministe athée Taslima Nasreen :

Paroles (traduites à partir des sous-titres et de la page Wikipédia en anglais sur l’auteur, Lalon) :

« (Refrain) Tous demande à Lalon à quel jât [litt. « naissance », comprenant caste et religion] il appartient en ce monde,
« Lui demande à quoi ressemble un jât ? Il n’en a jamais vu de ses yeux !

« La circoncision marque l’homme musulman,
« Mais quelle est la marque de la femme musulmane?
« Un homme de la caste des brahmanes se reconnaît à son fil sacré,
« Mais qu’est-ce qui distingue la femme brahmane ?

‘Tous demande à Lalon à quel jât il appartient en ce monde,
« Lui demande à quoi ressemble un jât ? Il n’en a jamais vu de ses yeux !

« Les uns portent des mâlâs [chapelets hindous],
« D’autres des tasbihs [chapelets musulmans],
« Les gens disent appartenir à différents jâti,
« Mais portais-tu le signe de ton jât quand tu es venu au monde ?
« Le porteras-tu quand tu quitteras ce monde ? »

N.B. La chanson est en bengali, et le chanteur s’accompagne d’un ektara, instrument traditionnel des Bâuls, les bardes itinérants du Bengale. Parmi eux, le plus fameux est Lalon (dit Lalon Shah ou Lalon Fakir), poète, mystique, et réformateur social né à la fin du 18e siècle, dont les chansons critiquaient de façon radicale le sectarisme des castes, ethnies et religions qui divisaient le pays.

Bien que pauvre et illettré, Lalon n’en est pas moins devenu en Inde et au Bengladesh un symbole de la tolérance religieuse. De son œuvre se réclament de nombreux penseurs, en Inde et au-delà, depuis le Prix Nobel Rabindranath Tagore (qui favorisa la reconnaissance des Bâuls pour leur contribution à la musique, à la poésie et à la pensée indienne) jusqu’à Allen Ginsberg. Le répertoire des Bâuls est aujourd’hui inscrit au patrimoine immatériel de l’humanité de l’UNESCO.

The Dave Brubeck Quartet, « Take Five » (1966)

C’est idiot, la mort. Il y a tant d’artistes pour qui on n’aura jamais tant entendu parler qu’à cette occasion. Mais c’est déjà ça.

Tiens, au fait, ce qu’on sait peut-être moins chez nous, c’est que si Brubeck avait popularisé le jazz auprès du public blanc, dans les années 50, il refusait de jouer dans les lieux de spectacle pratiquaient la discrimination, ou les émissions de télé qui auraient mis le contrebassiste noir du quartette, Eugene Wright, hors champ.

Soir d’élection, quelle ballade!

S’inquiéter pour les Grecs ou se réjouir pour le PS? Saluer la dignité de Ségolène Royal ou ricaner du drôle de gag arrivé au clan Le Pen? Parti Pirate qui fait le bilan ou Front de Gauche qui encaisse? On peut aussi faire un intermède musical avec Bob Dylan:

(Via @BoraZ.)

En guise de post-scriptum

Parce que cette chanson et sa vidéo ont pour moi plein de résonances, pour diverses raisons… Et que certains soirs de fête nationale, on se sent un peu beaucoup citoyenne du monde, en fait.

Pour le plaisir…

Et parce que c’est l’humeur du jour.

(Chanson signée qui vous savez, bien sûr. Vidéo: un certain Bardotiano sur YouTube, apparemment.)

Ces autres «11 septembre» qui ont marqué l’histoire

Oui, bien sûr, c’est aujourd’hui qu’on commémore (?) l’attentat meurtrier sur New York. Ou du moins, on honore la mémoire des victimes, et on se lamente sur les répercussions que cela eut dans le monde. C’est aussi le jour où l’on peut s’employer à décrasser la cervelle aux conspirationnistes. Non mais.

Mais il y a d’autres «11 septembre».

Celui de 1973, au Chili, vous vous souvenez? (Moi pas, remarquez. J’avais quatre ans, et j’entrais en maternelle. Mais passons.) La mort d’Allende, la fin d’une expérience démocratique et sociale et le début d’une sinistre dictature — qui eut l’intéressante distinction d’être courtisée aussi bien par Margaret Thatcher que par Mère Térésa: ah, les «étranges compagnons de lit» qu’engendre la politique…

Et puis, comme le rappelle plaisamment Guy Birenbaum, il y a le 11 septembre 1962, quand les Beatles, qui n’étaient pas encore les Fab Four, ont finalisé leur premier single!

Ah, là, au moins, on a un événement immortel, m’sieurs-dames.