Augusta Helena : peplum or not peplum ?

Couverture du roman Augusta Helena : dessin d'une femme en habits byzantins, avec couronne et auréole, représentant Sainte Hélène tenant une croix

Le mois dernier, j’ai enregistré un entretien avec l’animateur d’un podcast historique ; une très bonne expérience, soit dit en passant. Et dès que l’épisode sera en ligne, je vous ferai signe ici, bien entendu. Mais je peux déjà révéler que nous avons parlé d’Augusta Helena, mon roman policier historique situé au IVe siècle, sous Constantin.

Comme on discutait des personnages, et de la nécessité de gérer une vaste distribution, j’ai expliqué que mon but, en me mettant à écrire, était d’avoir des héros qui soient crédibles même indépendamment du cadre historique. Je ne voulais pas m’inscrire dans une logique de péplum, avec tous les clichés, raccourcis et rôles-types que cela implique. (J’avais quelques modèles bien précis en tête : Le Nom de la Rose, d’Umberto Eco, mais aussi Les Fosses carolines, le jubilatoire roman historique de Cavanna, et surtout la série de romans policiers antiques SPQR, de John Maddox Roberts, peu connus chez nous hélas.)

Des personnages qui soient crédibles, cela implique une certaine complexité. Gare aux silhouettes de carton pré-découpées, prêtes à jouer les figurants dans n’importe quelle « fresque historique » ! J’en ai parlé plus longuement ailleurs : la meilleure façon d’éviter les clichés, c’est de traiter chaque personnage comme un individu, un spécimen d’humanité avec son caractère, son passé, ses défauts et ses points forts…

C’est vrai aussi pour l’Antiquité, même si j’ai l’impression que les auteurs sont parfois hypnotisés par le chatoyant de surface de la toile historique, par l’exotisme agressif qui marque presque tous les aspects d’une société aussi différente de la nôtre, par certains aspects, qu’un récit de science-fiction. C’est particulièrement vrai pour l’époque de Constantin, un empereur qui reste dans l’histoire comme protecteur de l’église et consolidateur de l’empire, mais qui a aussi probablement fait assassiner un de ses fils pour des raisons de succession. Il se trouve que nous avons assez de textes de sa main pour entrevoir quelque chose de sa personnalité, ses goûts et dégoûts, sa façon d’argumenter en matière de politique comme de théologie. Bref, nous avons de quoi en faire un individu.

C’est moins évident pour sa mère Hélène, l’héroïne du roman. D’elle, on ne sait même pas la date de sa mort, ni son origine, ni sans doute son vrai nom. Mais on a des aperçus indirect, à travers les faits et gestes que l’histoire a enregistré : des actes officiels comme ce voyage en Orient vers 326, mais aussi sa relation avec Constantin, qui lui faisait manifestement pleinement confiance pour le représenter dans ces provinces lointaines. Et puis bien sûr, dans les nombreux blancs de l’histoire, on peut toujours broder. J’ai ainsi pas mal fait appel aux souvenirs de ma propre mère pour dépeindre Hélène : j’ai donné à l’impératrice quelque chose de son aspect physique, et surtout de sa foi profonde, mais qui n’excluait pas le bon sens.

Et cependant… Avouons-le : dans le cadre de ce roman, j’ai à plusieurs reprises et très consciemment « fait du péplum ». Je pense à l’épisode du combat de gladiateurs, par exemple, ou aux évocations de la gastronomie romaine, ou encore au personnage de Roxanna, la farouche « amazone » scythe.

C’est que les clichés ne sont pas juste des raccourcis mentaux, des images superficielles : ils ne deviennent tels que parce qu’ils sont tellement populaires, parce que c’est avec eux qu’est meublé notre imaginaire. En écrivant un roman historique antique, j’allais forcément me colleter avec la vaste littérature qui a précédé, sans compter les apports du cinéma, de la bédé… J’ai donc choisi d’aller aussi souvent que possible dans le sens du picaresque, du cliché repris et revisité. Sans faire de pastiche. Mais puisque le vécu authentique nous échappe (et il nous échappe forcément, le passé, selon l’expression bien connue, « est un pays étranger »), autant prendre les strates accumulées d’arts et de littérature, en faire la matière première du roman.

Pour le dire autrement, j’écris au XXIe siècle, et l’intertextualité fait pleinement partie de mes outils. Impossible d’y échapper… aussi je n’essaie pas ! Au contraire, on verra dans Augusta Helena comment j’ai utilisé les textes antérieurs, depuis la Bible jusqu’à Astérix, pour tisser une nouvelle tapisserie sur ces cartons antiques.

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