Archives mensuelles : juillet 2022

#Roman Augusta Helena : tout ce que j’ai inventé

Couverture du roman "Augusta Helena", par Irène Delse : détail d'un vitrail représentant Sainte Hélène de Constantinople, tenant une croix

Dans le précédent billet, je détaillais tout ce que je ne n’avais pas eu besoin d’inventer en écrivant Du sang sur les dunes, parce que la matière historique était déjà si riche. Mais parfois ce n’est pas si simple.

Avec Augusta Helena, par exemple, un roman qui se passe sous l’Empire romain à l’époque de Constantin, la distance temporelle qui nous en sépare est tellement énorme et les bouleversements historiques depuis tellement profonds que l’information disponible est bien souvent manquante.

Qu’on en juge : en m’embarquant dans ce roman, je ne connaissais ni le lieu de naissance de mon héroïne, ni son âge, ni où et comment elle est morte. J’avais quelques indications sur ses origines sociales, parce que c’est une chose qui avait défrayé la chronique à l’époque, mais je n’étais même pas sûre que son vrai nom était Hélène, et non un nom élégant pris pour s’élever dans le monde. Quant à la religion chrétienne, si importante dans sa vie et celle de son fils, les témoignages d’époque se contredisent sur l’époque et la manière de sa conversion.

Bref il a fallu inventer. Beaucoup inventer. Et pas que pour Hélène. Combien de personnages historiques bien attestés de ce temps ne nous sont connus que par une liste de faits et de dates secs, sans qu’on ait accès à leurs émotions, à leur vécu personnel ? Princes et princesses de la famille impériale, évêques, généraux, artistes, mystiques dont l’histoire a reconnu le nom : ils restent inaccessibles, simples silhouettes sur le mur de la caverne…

Par exemple, il y l’évêque de Rome, Sylvestre (celui qui sera immortalisé comme Saint-Sylvestre), qui a fait construire la toute première basilique sur le Vatican. On sait que c’était un homme de pouvoir, comme tous les dignitaires religieux de l’époque ou presque. Ses relations avec Constantin étaient-elles tendues ou cordiales, était-il manipulateur ou manipulé ? Et comment se passait la coexistence avec la majorité païenne de Rome ? Car si une partie de l’Empire avait déjà basculé du côté chrétien, surtout dans la partie grecque, Rome, l’ancienne ville latine, faisait de la résistance !

Il a fallu à chaque fois imaginer, mettre des couleurs et des émotions sur les énoncés laconiques de l’histoire. Qui était Hélène ? Pourquoi est-elle partie vers la Terre Sainte ? A-t-elle vraiment trouvé la Croix du Christ, comme une tradition postérieure l’affirme ? Et quel a pu être son rôle dans le drame qui avait secoué la famille impériale peu avant cela, la mort de l’épouse et du premier fils de Constantin ?

Une chose était sûre au départ, pour moi, du moins : impossible que cette mère dont Constantin était très proche, et à qui il faisait une entière confiance dans les domaines religieux et politiques (le fameux voyage en Orient était une tournée d’inspection pour le compte de l’Empereur), impossible qu’elle ait tout ignoré de l’affaire.

Restait à mettre de la chair sur ces os. Ce qui m’a obligée à faire des choix, que certains pourront trouver arbitraires. Mais j’ai fait attention à ne pas contredire ce que l’on savait de façon sûre. Par exemple, les recueils d’édits impériaux dictés par Constantin durant le voyage de Rome à Constantinople nous donne les dates auxquelles le cortège impérial s’est arrêté en route : à Milan, à Plaisance, en Illyrie, à Thessalonique… À partir de là, et des informations sur les lieux à l’époque concernée, on peut brosser un tableau où les personnages peuvent évoluer, de rencontrer, se quitter, se heurter… D’autres sources viennent rajouter des détails intéressants, comme l’archéologie, qui nous donne une idée de ce à quoi ressemblait la vie quotidienne sur une villa romaine, dans une ville de garnison, dans une ville grecque, syrienne, palestinienne…

Parfois, il faut essayer d’imaginer à quoi ressemblait un bâtiment disparu, non pas tel que sur un plan d’architecte, mais comme il se présentait aux passants dans la rue. Le palais du gouverneur de Césarée, nous dit-on, était couvert de marbre blanc. Il devait donc luire au clair de lune. Ce n’est pas une information que j’ai pu trouver dans les textes, mais j’en suis à peu près aussi sûre que si je l’avais observé.

Et j’ai imaginé Hélène. Non pas la personnalité historique, la sainte des églises catholique et orthodoxe, mais une Hélène, une femme complexe et pleine de contradictions, mais qui pourrait être chez elle dans la pourpre du palais impérial comme dans la poussière au pied du Saint Sépulcre.

Romans historiques : tout ce que je n’ai pas inventé

Couverture de mon roman "Du sang sur les dunes" : détail d'un tableau du 18e siècle montrant des bateaux de pêche près d'une jetée, par gros temps.

Quand je me suis lancée dans l’écriture du roman policier historique Du sang sur les dunes, j’avais en tête l’idée de faire quelque chose sur l’épisode du « camp de Boulogne », le projet chimérique d’invasion de l’Angleterre par Napoléon Bonaparte. Une histoire que l’on connaît peu aujourd’hui dans le grand public, parce qu’elle a échoué, mais qui a mobilisé pendant trois ans des énergies considérables. Mais cela en fait un cadre fascinant pour une intrigue politico-policière !

Ce n’est pas le seul cadeau que la plongée dans la documentation m’a offert. Ce début de 19e siècle était une époque bouillonnante sur le plan des sciences et des techniques, de l’art, de la politique, des mœurs. Je n’ai pas eu à inventer pour mettre en scène par exemple Sophie Blanchard, pionnière de l’aérostation, ou le mariage de la scandaleuse Thérésa Cabarrus avec le prince de Caraman-Chimay.

Je n’ai pas inventé non plus la campagne de vaccination contre la variole, pour laquelle l’Empire mobilisait les sages-femmes autant que les médecins et officiers de santé.

Je n’ai pas inventé les expériences sur le tout premier sous-marin, le Nautilus de Fulton, ni les balbutiements de la navigation à vapeur.

Je n’ai pas inventé les aventuriers européens au service des princes et sultans indiens, l’alliance sans lendemain de la France avec certains de ceux-ci contre les Anglais, ni l’expédition du général Decaen dans l’océan Indien, sans laquelle nous n’aurions peut-être pas aujourd’hui un domaine maritime aussi considérable.

Je n’ai pas inventé non plus la politique brutale de Bonaparte envers les Noirs, même libres et vivant en métropole. On sait qu’il a rétabli l’esclavage aux colonies, mais il y eut aussi l’interdiction aux Noirs et métis de vivre dans la capitale, et la mise à l’écart, dans l’armée, des officiers noirs, dont certains s’étaient pourtant couverts de gloire pendant les guerres de la Révolution, comme le général Dumas… Tout un pan d’Histoire humaine qui ne demande qu’à nourrir des histoires. Et donner à penser.

Écriture : savoir s’arrêter de corriger (rediff.)

Couverture du roman "Mort d'une Merveilleuse", par Irène Delse
Mon prochain roman. À vos marques…

(NB : Billet déjà publié en août 2020, quand j’étais en pleines révisions pour mon premier polar historique, Du sang sur les dunes. Entre temps, j’en ai écrit un deuxième, Mort d’une Merveilleuse, qui devrait paraître fin août de cette année, et je suis en pleines révisions à nouveau… Encore un autre roman, le troisième de la série. Souhaitez-moi bon courage.)

Un roman n’est jamais terminé quand on met le point final. Vient ensuite une période plus ou moins longue, et plus ou moins pénible, appelée révisions. C’est là que les pros serrent les dents, et que les novices lâchent prise.

Je n’ai pas grand-chose d’original à ajouter là-dessus. Bien sûr que les révisions sont utiles : personne ne sort une copie parfaite du premier coup. Même les partitions de Mozart, contrairement à la légende, comportaient des ratures. Et on sait que des auteurs comme Balzac et Hugo corrigeaient leur texte jusque sur les épreuves de l’imprimeur. (Alors que normalement, l’éditeur gère ça et envoie au « marbre » un texte fini.)

Je suis en ce moment en pleine séquence de révisions pour mon roman policier historique, et c’est alternativement frustrant et amusant. Amusant quand je réalise que la tournure que j’avais notée comme nécessaire à un certain endroit était en fait déjà dans le manuscrit : bah, oui, c’était mieux écrit que je le croyais !

Frustrant, hélas, quand je dois rajouter un détail important pour l’intrigue, et que je bute sur un passage qui ne laisse pas prise à un ajout discret, faisant au contraire ressortir la greffe comme le nez au milieu de la figure.

Mais tout cela n’est pas le plus important : ce sont des questions techniques, incontournables, certes, mais pas fondamentales. Non, ce qui compte lors des révisions, c’est de ne pas perdre de vue la forêt à force de compter les arbres. Bref, garder à l’esprit le but, le roman, même si on est amené à se focaliser par moment sur un paragraphe ou même un mot.

Pour prendre du recul, rien de tel que de mettre de côté le texte après la première vague de révisions, celle qui a permis de corriger l’orthographe, la grammaire, combler les oublis les plus criants et supprimer les redites les plus évidentes. Et puis s’écarter, se changer les idées en faisant tout autre chose, avant de passer à la révision du style. Car là, il faudra absolument avoir les idées claires, ou on retombera dans l’ornière de l’auteure amateure qui se perd dans les méandres de sa prose et ne sait plus si c’est bon, mauvais ou juste ni fait ni à faire. Un état que je ne souhaite pas à mon pire ennemi.

La seule solution pour ne pas en arriver là : lever le nez du texte. L’enfermer dans un tiroir si on veut ; et pourquoi pas, mettre le cerveau au travail sur autre chose. Et qui sait, ça peut donner de nouvelles idées pour écrire.

Au rayon lectures d’été, demandez mes romans noirs historiques

Couverture du roman Du sang sur les dunes : petits bateaux à voile anciens sur une mer grise et houleuse, près d'une jetée.

Juillet est là, et pour deux mois environ, la France met la pédale douce, même ceux qui ne partent pas en vacances cherchent un peu d’évasion. Les lectures dépaysantes sont là pour ça ! Je me permets donc de signaler mes romans noirs historiques, à commencer par Du sang sur les dunes, paru l’an dernier aux Éditions du 81. D’après la 4e de couverture :

« À l’été 1805, le capitaine Antoine Dargent enquête sur la mort mystérieuse d’un ingénieur à Calais, en marge de l’immense armée réunie par Napoléon pour attaquer l’Angleterre. Quand il réalise que les plans de l’ingénieur concernaient un nouveau type d’arme capable de briser la supériorité maritime des Britanniques, il doit rapidement reconstituer les papiers manquants avant d’être lui-même victime d’agents anglais prêts à tout pour tuer dans l’œuf une telle invention… »

Couverture du roman Augusta Helena : une femme portant une couronne et des bijoux de style byzantin, qui tient une grande croix de bois.

Et puis il y a Augusta Helena, mon incursion dans le monde étrange de l’Antiquité tardive, dont le tome 1 est paru en janvier de cette année :

« An 326. L’empereur Constantin vient d’unifier l’Empire après des décennies de guerre civile. Converti, il favorise peu à peu l’Église tout en ménageant l’aristocratie romaine, attachée aux anciens cultes païens. L’aristocrate Lucius Aurelius enquête discrètement sur la disparition récente du populaire prince Crispus, fils aîné de Constantin. Pendant ce temps, la vieille mère de l’empereur, l’impératrice Hélène, reçoit les plaintes de deux religieuses à propos de disparitions inexpliquées dans un couvent possédé par le Malin. Mais c’est la découverte des reliques de la Croix du Christ à Jérusalem qui préoccupe encore plus l’Empire. C’est ainsi qu’Hélène, Lucius et l’évêque Ossius partent ensemble, sous les ordres de Constantin, en direction de l’Orient pour élucider ces mystères. Le cortège impérial devra lutter contre des espions perses, des bandits, des faussaires, des accusations d’hérésie, et même une épidémie de peste dans un roman magnifique où le suspense est à son comble. »

(Nota Bene : la suite est à paraître en septembre. Ce découpage en deux tomes, un peu inhabituel, a été imposé par la taille du manuscrit et le coût prohibitif du papier, en lien avec tous les chocs mondiaux depuis 2020.)

Couverture de Mort d'une Merveilleuse : une femme brune en longue robe blanche flottante et châle brodé, entre des colonnes de marbre.

Enfin, si vous attendez jusqu’au mois d’août, vous pourrez découvrir mon prochain roman : Mort d’une Merveilleuse ! Comme le suggère le titre, on est cette fois sous le Directoire. Bonaparte vient de rentrer d’Italie en pleine gloire, la Révolution tente de se pérenniser en s’embourgeoisant, les royalistes complotent de plus belle, des femmes audacieuses libèrent leurs corps et leur mode de vie en imitant ce qu’on imagine être le costume antique… L’une de de ces Merveilleuses, comme on disait ironiquement, est assassinée dans l’immeuble où Antoine Dargent séjourne pour un congé à Paris bien gagné, et c’en est fini pour lui du calme et de la tranquillité : il va falloir tirer ça au clair !

Pour savoir la suite, rendez-vous le 19 août dans votre librairie, physique ou en ligne, favorite.