Archives de Catégorie: Un peu de ma vie

Mort d’une Merveilleuse : signatures en librairie à Yerres le 10 décembre

Si vous êtes du côté de Yerres en Essonne le dimanche 10 décembre 2023, vous pourrez me rencontrer à la sympathique librairie Le Pain de Quatre Livres, entre 10h30 et 12h30, pour des signatures de mon roman Mort d’une Merveilleuse… L’adresse est 57 rue Charles de Gaulle, et la librairie est ouverte tous les dimanches matin de décembre. À vos agendas !

Post-scriptum (26/11/2023) :

C’est aussi l’occasion de découvrir le marché de Noël local, avec ses artisans, ses produits à déguster et toutes sortes d’animations à découvrir en revenant de la librairie 😉

Les bonnes résolutions ne valent que si on les réalise

Une rue de Paris au petit matin

Avez-vous pris de bonnes résolutions pour la rentrée ? Moi, oui. Du moins j’en ai adopté une très simple : aller au travail à pied. Ce n’est pas loin (25 minutes sans me presser), et c’est même plutôt agréable en cette saison, ni canicule ni tempête de neige. Et c’est une façon de prendre de l’exercice sans payer des sommes folles en abonnement de salle de sport.

Ça a l’air léger comme programme, mais sachant d’où je partais, ce n’est pas mal. Et surtout c’est une étape vers un meilleur équilibre de vie. Une activité physique régulière fait partie de ces incontournables recommandés par tous les médecins, même si en pratique beaucoup de gens renoncent parce que c’est difficile à caser dans une vie urbaine moderne. Mais si on y arrive, on en retire les bénéfices, tant au physique qu’au mental.

J’ai commencé depuis juste une semaine à insérer la marche dans ma routine quotidienne, et je peux témoigner que ça aide à commencer la journée avec plus de tonus. Rien que pour ça, ce serait une bonne chose. Et puis il y a tout le reste : on vit la ville différemment quand on la parcourt à pied jour après jour. On s’approprie mieux son environnement quotidien.

Bref je ne peux qu’apporter ma pierre à l’édifice et encourager tous ceux et celles qui le peuvent à choisir un peu de mobilité active. La planète ne sera pas seule à vous dire merci.

(Aussi publié sur mon blog Substack.)

Courage au T-shirt Propre

Incendie à l’hôtel d’entreprises de Rodez (image publiée par Le T-shirt Propre sur Instagram)

Je n’en fais pas mystère, j’aime et je soutiens le « Fabriqué en France ». C’est bon pour les emplois mais aussi plus généralement pour la vie dans les différents territoires de notre pays : maintien ou retour d’activités traditionnelles, transmission de savoir-faire, etc. C’est aussi une bonne chose pour l’empreinte environnementale de notre consommation : produire plus près des lieux de chez nous, avec une électricité largement décarbonée (merci les centrales nucléaires) et des normes sanitaires élevées.

Parmi les marques à suivre, mention spéciale à une PME de Rodez (Aveyron) : Le T-shirt Propre. On aime ou on n’aime pas le nom, mais pour ce qui est de la démarche, j’adhère à cent pour cent ! Fabriquer des t-shirts et des pulls en France, en travaillant avec des producteurs de lin et de laine de chez nous, toute la chaîne de production se faisant dans l’Hexagone, même l’étiquette !

Impossible pour le coton, vous me direz ? Oui, mais on en fait en Grèce, un pays européen, et des t-shirts et polos en coton bio européen sont donc disponibles. Et certains pulls sont en laine recyclée venue d’Italie, ce qui permet de valoriser des fibres non utilisées par la filière lainière traditionnelle. Et donc là aussi de diminuer l’empreinte écologique.

Cela a un prix évidemment, mais la qualité est là, et si on peut se le permettre, je recommande vivement de tester : il y a de grandes chances que l’essayer sera l’approuver.

C’est donc avec d’autant plus de tristesse qu’on a appris l’incendie qui a eu lieu cette semaine dans l’hôtel d’entreprises de Rodez Agglo où se situent les bureaux de cette PME. Particulièrement dur à avaler, la perte des dessins et prototypes des modèles de vêtements à venir : c’est tout un travail à refaire… Il n’y a eu aucune victime heureusement, pour aucune des entreprises présentes dans l’immeuble, même si c’est un crève-cœur.

L’équipe courageuse va continuer. Et comme la production et le traitement des commandes n’ont pas été touchés, vous savez quelle est la meilleure manière d’aider l’entreprise : en passant sur leur site et faire un achat. Je viens de réserver un pull en laine 100% recyclée, histoire de préparer l’hiver prochain.

(Aussi publié sur mon Substack.

Lecture en ligne : de Rocambole à Vivlio, affaire à suivre

L’Interprète, série originale d’Irène Delse, parue sur la plateforme Doors de Rocambole

C’était dans les tuyaux depuis un petit moment, mais cette fois, c’est officiel : l’entreprise lyonnaise Vivlio, numéro trois sur le marché de la lecture numérique en France (après Amazon et Kobo, on l’aura compris), rachète la plateforme de lecture en ligne Doors, dont vous avez déjà entendu parler ici sous le nom de Rocambole, comme la start-up à l’origine du concept.

Deux cent mille lecteurs et lectrices, un million d’épisodes lus : il y a clairement un public pour cette plateforme de lecture en streaming sur smartphone. C’est ce qui intéresse Vivlio, qui est actuellement vendeur de liseuses et de livres électroniques « classiques » et lié au groupe Cultura, mais cherche à se diversifier. Il s’agit d’une autre forme de lecture, par épisodes comme dans les feuilletons à l’ancienne… Ou comme les séries audiovisuelles ! Être un « Netflix de la lecture », tel était bien l’ambition de Rocambole au départ.

Certes, le couperet est tombé pour la jeune pousse Rocambole, née en 2019 et mise en liquidation judiciaire en 2022. Mais la graine Doors, la plateforme de lecture en ligne, va être replantée chez Vivlio.

Et cela a une conséquence importante pour les auteurs qui ont des textes publiés sur Doors, comme moi : Vivlio reprend tout le catalogue, afin d’alimenter la plateforme de lecture en ligne, mais aussi dans certains cas pour publication plus classique sous forme papier et/ou livrel. Cela dépendra des titres, de la réaction du public, etc. Il y a même à l’horizon un partenariat avec une maison de production intéressée par ce vivier de textes où puiser pour des adaptations audiovisuelles.

Et moi dans tout ça ? Pour l’instant, je suis le mouvement. Mon contrat avec Rocambole étant toujours valable, il est transféré à Vivlio. On va voir s’ils peuvent faire quelque chose avec mes deux titres, L’Héritier du Tigre et L’interprète… Et si, qui sait, je n’ai pas d’autres textes à leur proposer.

Affaire à suivre. Mais dans tous les cas, je vous en reparlerai ici.

Augusta Helena, le roman que ma mère n’aura pas lu

Augusta Helena, t. 1 Énigmes en Terre Sainte, par Irène Delse, éditions du 81, ISBN 978-2915543643

Au plaisir d’avoir un nouveau livre en librairie se mêle cette fois quelque chose de doux-amer : le regret de ne pouvoir faire partager cela à ma mère. Décédée depuis bientôt douze ans, elle n’a pu lire que le tout premier de mes romans, L’Héritier du Tigre. Mais je me demande ce qu’elle aurait pensé d’Helena

Il faut dire que cette histoire lui doit beaucoup, de façon directe ou plus subtile. Le sujet, d’abord : pourquoi me suis-je embarquée pour ce voyage en Terre Sainte d’une impératrice chrétienne, devenue sainte des Églises catholiques et orthodoxes, moi, athée confirmée ? C’est que le christianisme était consubstantiel à la personnalité de ma mère, son échelle de valeurs, sa boussole pour l’action. Le message évangélique n’était pas pour elle une figure de style, mais une règle de vie. Dans le même temps, elle se passionnait pour les études bibliques, discutant d’exégèse comme d’autres pourraient disséquer un film qui les a enthousiasmés.

J’ai donc baigné dans ma jeunesse dans une atmosphère où la religion catholique était partout mais sans être un dogme, où le questionnement était considéré comme une voie vers la Vérité, pas comme un danger pour celle-ci. Je me suis plus tard éloignée de la foi, pour des raisons complexes. Je pense que l’étape la plus importante a été de réaliser que le sentiment de « divin » que je pouvais ressentir en pensant à la divinité était exactement le même que celui causé par l’émotion esthétique devant un paysage, un tableau ou une musique sublime.

Cet éloignement, ma mère ne l’a pas combattu, mais elle ne l’a pas compris. « Comment peux-tu savoir ce qui est bien et ce qui est mal s’il n’y a pas de Dieu ? » J’ai entendu cela de sa bouche, et cela m’a fait… mal. Mais nous avons continué de façon sporadique à discuter de religion, d’exégèse, des évolutions possibles de l’Église catholique, des œuvres en faveur des malades, des pauvres et des réfugiés où elle s’investissait. Elle était elle-même à cette époque assez handicapée, mais cherchait toujours à aider les plus malheureux.

Mais fin 2016, quand j’ai commencé à faire des plans pour mon roman sur la mère de l’empereur Constantin, j’ai bien sûr repensé au parcours de ma propre mère. Et la personnalité d’Hélène dans le roman doit beaucoup à elle, je pense. De même que nos discussions érudites ont inspiré certaines plongées dans les méandres d’un dogme chrétien encore en construction, où des épisodes bien connus aujourd’hui de l’Évangile n’avaient pas encore été mis par écrit… Un monde déroutant, par moments, et qui j’espère dépaysera le lecteur. Aurait-il trouvé intérêt aux yeux de ma mère ? Je ne sais pas, mais qui sait ? Peut-être y a-t-il vraiment un autre monde où les bienheureux peuvent voir toute la création comme un grand livre, et lire à loisir.

La grande arnaque du « grand remplacement » (et de quelques petites illusions en sens inverse) – rediff

Façade de style égyptien du cinéma Le Louxor, à Barbès (Paris XVIIIe)
Vous avez dit métissage ? C’est une longue tradition.

(Je reposte ici un texte de 2019, à peine modifié, parce qu’il est hélas à nouveau d’actualité. On ne peut combattre le racisme si on n’est pas soi-même au clair sur ses valeurs.)

Il se passe quelque chose de bizarre en Europe : des gens qui se disent patriotes ne voient rien de contradictoire à voter pour des partis compromis jusqu’à l’os avec des puissances étrangères qui ne cherchent qu’une chose, affaiblir l’Europe et affaiblir leur pays. La Russie de Poutine n’est ni un modèle de démocratie ni un allié fiable. Mais aux yeux d’une certaine partie de l’électorat, ils ont une grande séduction : leur soutien musclé à ce qu’ils appellent les « valeurs chrétiennes » peut donner l’illusion qu’ils sont le dernier rempart contre une peur qu’ils ont largement contribué à alimenter, celle du « grand remplacement ».

Le fait que ces extrêmes-droites se soient à peine distancées du manifeste néo-nazi posté par le terroriste anti-musulman de Christchurch montre bien à quels point ils sont sûrs de tenir là un thème qui marche. Et on ignore à notre péril cette pastorale de la frousse, de la haine, de l’aversion et du ressentiment. Le pire est que nous, Françaises et Français, devrions mettre les bouchées doubles pour la combattre, vu l’origine du concept dans notre propre extrême-droite…

De quoi s’agit-il ? Au cas où vous auriez éteint internet depuis quelques années, il s’agit d’une rumeur selon laquelle les « élites » économiques et culturelles des pays occidentaux (selon les versions, les Juifs sont plus ou moins clairement pointés du doigt) se seraient liguées pour faire venir des « hordes » de migrants musulmans pour « remplacer » les classes populaires traditionnelles. Quel serait l’avantage d’un tel remplacement ? Pourquoi ces nouvelles classes populaires seraient-elles plus dociles ? Ces complotistes ne vont pas jusqu’à l’expliciter ! Comme tous les fantasmes, celui-ci gagne à rester dans le demi-jour, sans jamais être mis sous le projecteur corrosif de l’esprit critique.

Grand fantasme, on peut le dire : comme le montrent les études démographiques sérieuses, les déplacements de population sont un petit peu plus complexes qu’un simple problème de vases communicants d’école primaire !

Par exemple, les candidats à l’émigration les plus pauvres ne se dirigent pas vers l’Europe, mais vers des régions où pays voisins. Il y a une importante immigration intra-africaine, du Sahel vers le golfe de Guinée par exemple, en Afrique de l’ouest. Dans un pays relativement prospère comme la Côte d’Ivoire, on a même vu se développer dès les années 90-2000 un discours sur l’« ivoirité » qui était une façon d’exclure les immigrés en provenance du Burkina Faso et du Mali. D’autres se rendent au Maroc, non comme étape sur la route de l’Europe, mais pour y rester.

Autre élément de la grosse arnaque au « remplacement » : les nouveaux arrivants sont systématiquement supposés africains ou moyen-orientaux et musulmans, ce qui permet à nos marchands de peurs de jouer sur les stéréotypes classiques sur les Croisades ou l’affrontement séculaire entre Europe et Empire ottoman… En oubliant au passage que les pays d’Afrique sub-saharienne sont loin d’être tous musulmans, et que les migrants en Europe viennent aussi d’Europe de l’Est, d’Amérique du Sud, d’Asie du Sud-Est…

En oubliant aussi allègrement que l’islam n’est pas la même chose que l’islam politique. Et que celui-ci n’est pas l’évolution fatale des sociétés musulmanes. On a même vu récemment au Maroc un parti islamiste chassé du pouvoir par les urnes. En fait, c’est une curieuse forme d’admiration de la part de nos identitaires que de vouloir voir les pires islamistes comme les « vrais » musulmans, tous autres étant censés se cacher. RN, CCIF, même combat !

Peut-être qu’une certaine mauvaise conscience occidentale, malgré toutes les vitupérations à droite sur la « repentance » (ô, ironie), a pu jouer dans cette acceptation sans trop de logique du « grand remplacement ». Après tout, il existe un continent entier où la population d’origine a été remplacée presque totalement par des nouveaux venus… originaires d’Europe. Le sort des Amérindiens a d’ailleurs été le prétexte de l’une des plus ridicules campagnes du FN : une photo de Le Pen père arborant une coiffure à plumes de chef sioux… (Non, je n’invente rien. Regardez l’affiche n°21 sur cette page.)

Ce serait drôle si ce n’était pas un prétexte pour éviter de confronter le racisme, l’antisémitisme et la haine des musulmans, et pour soutenir des régimes brutaux et corrompus comme ceux de Poutine, Orban en Hongrie, Duterte aux Philippines, Bolsonaro au Brésil, pour soutenir un retour de Trump… Et pour fermer les yeux sur les atteintes aux droits des femmes et des LGBT dans ces pays – là encore, cruelle ironie, par des partis qui vitupèrent le sexisme et l’homophobie dans l’islam, mais pas dans leurs propres « valeurs chrétiennes ».

Pour combattre efficacement les idées fausses, il faut donc d’abord les connaître. Il faut aussi avoir une idée juste de ce qui se passe réellement. Et là, des personnes bien intentionnées mais avec des notions fausses peuvent faire beaucoup de mal. Regardez Stephen Smith, ce journaliste américain qui parle lui aussi de « ruée sur l’Europe » tout en essayant de convaincre les Européens que c’est le sens de l’histoire et qu’il faut ouvrir les portes… Non seulement ça a l’effet contraire, mais c’est très éloigné de la vérité. Voir plus haut, et dans l’entretien avec Hervé Le Bras déjà cité, ce que je disais sur les migrations intra-africaines. C’est aussi une occasion de rappeler que la démographie évolue, elle aussi, et que nous ne sommes pas coincés indéfiniment avec les taux de fécondité de 1985 ! En fait, une bonne partie de l’Afrique et du Moyen-Orient a déjà fait sa transition démographique ou est en train de la faire, pour les mêmes raisons que l’Europe l’avait faite dans la courant du XXe siècle : baisse de la mortalité infantile (merci les vaccins), accès à la contraception, et plus d’opportunités économiques pour les femmes, surtout dans les villes.

Certes, ces pays ont aujourd’hui une population jeune, et il y a beaucoup de candidats à l’émigration, mais ce n’est pas un réservoir inépuisable, contrairement à ce que certains (même bien intentionnés) semblent penser. Et c’est une population plus éduquée, donc plus adaptable, que les gens que l’on a fait venir dans les 30 Glorieuses pour reconstruire la France.

Et pourtant il y a une chose qui me chiffonne dans les propos d’Hervé Le Bras, qui est à sa manière aussi cavalier que Stephen Smith avec les pays d’accueil. Par exemple :

« Les enfants dont les deux parents sont immigrés ne représentent que 10% des naissances. Ceux qui n’ont aucun parent, ni grand-parent immigré, 60%. Dans 30% des naissances, au moins un des parents ou grands-parents est immigré et au moins un des parents ou des grands-parents ne l’est pas. Ce qui représente 30% d’enfants métis. »

(Chiffres de l’INSEE.)

Ce qui montre deux choses :

  1. La population européenne n’est pas remplacée ;
  2. Elle ne reste pas non plus la même qu’en 1950.

Il est plus précis au paragraphe suivant, mais toujours optimiste :

 « Petit calcul à l’horizon 2050 : on arrive à 50% d’enfants métis. Ce métissage est la réalité de ce siècle. Et à ce compte-là, Éric Zemmour est un agent du grand remplacement. D’autre part, on omet les millions d’Occidentaux qui partent s’installer ailleurs et qui contribuent eux aussi au métissage mondial en cours. »

La grande peur de beaucoup de racistes, qu’on soit clair, c’est bien le métissage. Le rebaptiser « grand remplacement » et prétendre que l’Europe est menacée dans son existence physique, c’est un tour de passe passe pour toucher des gens que le discours classique du genre « et si ta fille sortait avec un étranger » ne motivait plus guère. Mariages mixtes ? Dans la France des années 2020, c’est un sujet de comédies à succès, pas un tabou.

Mais cela ne veut pas dire que de passer de quelques pour cents à la moitié de naissances « métissées » en quelques décennies est anodin. C’est là que je trouve Le Bras un peu léger.

J’en parle d’autant plus à mon aise que je suis moi-même originaire d’un mélange franco-italo-philippin, et que si on compte les parents par alliance, il faut compter aussi l’Espagne, le Canada et la Tunisie. Pour compliquer les choses, cette histoire s’est faite en bonne partie dans les colonies d’alors, puis dans le cadre de la coopération dans une ex-colonie. Bref, je viens d’une famille où on a pris l’habitude, depuis plusieurs générations, de lier notre identité à la culture et à la langue française plus qu’à un terroir, un quartier ou une paroisse. Et je mesure l’importance de ce savoir-faire, cet « art d’être français », comme dit notre président, cultivé dans un contexte où ce n’est pas la seule façon possible d’être.

Par exemple, je suis d’une génération qui avait cessé d’apprendre la Marseillaise à l’école, mais je la sais depuis toujours parce que cela faisait partie des airs qu’on chantait en famille lors des longs trajets en voiture, ou en lavant la vaisselle après le repas du dimanche. On avait aussi comme ça le Chant du départ et l’hymne italien, Fratelli d’Italia, et des chansons populaires comme À la claire fontaine. Et il y a tout l’investissement dans la langue française, et le fait d’avoir vu parmi les amis de mes parents des gens de tous horizons qui se rejoignaient autour de cette culture. Il y avait des gens qui étaient très critiques de la politique française en Afrique, par exemple, mais pour qui la langue française était considérée comme un bien commun. (C’est là qu’on voit la différence avec certains « indigénistes » aujourd’hui. Il y aurait bien des choses à dire, mais c’est assez de mentionner que ce n’est pas tant avec la France que Mme Bouteldja et les autres sont en train de régler des comptes, c’est avec la génération de leurs parents.)

Contrairement à Hervé Le Bras, je ne jette donc pas la notion d’identité avec le bain saumâtre des identitaires. Tout le monde a une identité, mais seuls les identitaires haïssent l’identité des autres. Il ne faut pas avoir peur de combattre les absurdités de « grand remplacement », et pour ça il faut savoir pourquoi c’est absurde. Mais il faut aussi être clair sur les transformations en cours, même et surtout si on a confiance dans la capacité de l’Europe et de la France à s’adapter. Un grand métissage se produit, mais pas seulement en Europe : toute la planète est concernée, parce que nous sommes beaucoup plus interconnectés. Et la meilleure façon de s’y préparer, c’est d’être au clair sur nos valeurs. Pour citer un ancien premier ministre, lui-même français naturalisé : « Sommes-nous une race, ou sommes-nous une idée ? »

La France d’aujourd’hui n’est pas celle de 1950 et celle de 2050 sera aussi différente, mais ce ne sera pas celle que nous prédisent les faussaires de l’identité. L’islam sera une religion minoritaire importante, ce qui ne veut pas dire que l’islamisme sera majoritaire parmi les musulmans. Voir ce qu’on disait des évolutions démographiques, sociales et politiques au Sud.

On serait évidemment bien en peine de trouver une « race européenne », à part une description superficielle de tendances telles que la couleur de peau. Cela ne fait pas une civilisation. Pour le reste, les pays européens ont une longue et sanglante histoire, mais ils ont aussi réussi à bâtir ensemble un idéal, une entité qui n’est assise ni sur une nation, ni sur une dynastie régnante, ni sur une religion, ni sur la spoliation des terres d’un autre peuple. C’est rare. Et quand cela marche, ça suscite des ennemis.

C’est cela aussi, ne pas être naïf : être conscient que ceux qui se gargarisent le plus d’identité sont ceux qui rétrécissent nos identités jusqu’à en faire un slogan, un mot d’ordre pour inciter à haïr. Voire (et on a encore arrêté ce week-end un néo-nazi avec des projets d’attentat) à tuer.

Quelques mots à mon sujet

Photo : couverture du roman Du sang sur les dunes, sur la table d'une librairie
Mon roman Du sang sur les dunes, aux éditions du 81

Donc le roman est paru, on peut découvrir la présentation sur le site de l’éditeur (très élégant, d’ailleurs) et le trouver dans les librairies en ligne ou physiques. Plus qu’à voir si le public est au rendez-vous. En attendant, je peux répondre par avance à certaines questions à mon sujet. Les gens qui lisent ce blog depuis longtemps n’apprendront probablement rien, mais peut-être que cela les amusera.

Je n’ai pas mené une vie riche en événements. C’est plutôt une question de nuances. Née à Paris un peu par hasard, j’ai en fait passé mes premières années à Abidjan, en Côte d’Ivoire, où mes parents étaient coopérants. Mes premiers souvenirs sont des bruits et des images d’un pays où le climat alterne non pas entre été et hiver, mais saison sèche et saison des pluies, où des nuées de chauve-souris nichent dans les arbres sur les places et les jardins (et avec l’expérience du Covid-19, ça donne un frisson rétrospectif…) et où on lâchait des paons le dimanche dans la cour de l’école pour chasser les serpents. J’ai eu l’occasion de me faire la réflexion, même à l’âge de 6 ou 7 ans, que des gens différents pouvaient vivre côte à côte mais chacun à sa façon : les Français avaient leurs habitudes, les Ivoiriens les leurs, ainsi que les diverses minorités, Libanais, Voltaïques (on dit aujourd’hui Burkinabés), etc. Ce qui ne veut pas dire que le résultat était harmonieux, la suite des événements l’a montré. Mais du point de vue limité de mes souvenirs, dans les années 70, c’était une expérience formatrice importante.

Écrire a toujours été mon rêve, mon but, ma passion dévorante. Dès que j’ai su écrire, j’ai décrété que j’allais « faire des livres ». À six ans, j’agraphais des feuilles de papier A4 et je les remplissais de dessins et de textes, tant bien que mal, sans aucune notion évidemment de mise en page ou de maquette. À l’époque, mon idée d’un livre était forcément un illustré ou une bande dessinée. Mais écrire, à ce stade, restait un peu ardu, et je passais plus de temps à raconter des histoires oralement, les déversant dans l’oreille des parents ou instits assez patients pour m’écouter. Certains dans ma famille ne l’étaient pas du tout, d’où le surnom « robinet à sornettes », que j’ai beaucoup entendu depuis…

Attention, je ne cherche pas à me plaindre ! L’un dans l’autre, l’expérience d’un public peu impressionné a été utile pour m’éviter des illusions et me pousser à améliorer mes créations. Les rédiger de façon claire, d’abord, et les présenter de façon lisible. Vérifier la cohérence, la vraisemblance, l’originalité, m’assurer que ce que j’avais en tête était bien traduit sur la page, etc. Car entre temps, je m’étais mise à écrire sérieusement. Vers neuf ans, des poèmes. Vers treize ans, une première tentative de roman, qui tournera court. Et puis vers cette même époque, une revue dont j’étais la seule rédactrice, illustratrice et rédac chef, et où je publiais pêle-mêle des contes, des jeux, des articles où j’exprimais mon opinion sur divers sujets. Le titre… Défense de lire ! Eh oui, j’avais 14 ans, et ça me semblait puissamment original.

Un peu plus tard, alors que j’étais étudiante, et que je commençais à avoir une idée assez claire du monde de l’édition, j’ai commencé à placer des textes courts dans des revues et fanzines, et à m’impliquer dans le petit monde de la science-fiction et du fantastique francophones. Participer à des revues, à des salons, des discussions en ligne… Certaines de mes nouvelles sont parues dans le fanzine québécois Horrifique, par exemple. C’était aussi un bon apprentissage, car ce genre de texte doit être efficace, et on apprend vite à couper les longueurs et à cultiver un style clair, imagé, direct.

Ma première publication professionnelle, au début des années 2000, était une nouvelle de fantasy, « Le joueur d’échecs », dans la revue Faëries. Puis ce fut mon premier roman, L’Héritier du Tigre, également de la fantasy, paru en 2006 aux éditions Le Navire en pleine ville. Joie de courte durée : l’éditeur a déposé son bilan en 2009, victime de la crise, et la suite que j’avais tenté d’écrire n’a jamais vu le jour. Rétrospectivement, ce n’est pas une grande perte, j’avais un peu perdu le fil à ce moment-là. Je ne sais pas si je reviendrai un jour à cet univers.

L’Héritier du Tigre a cependant connu une seconde vie en 2020 sous forme de série pour Rocambole, l’appli de lecture. Entre temps, j’ai passé pas mal de temps à réfléchir, à participer à des débats en ligne, en particulier au sujet de l’évolution de la lecture. Je peux me vanter d’avoir contribué, à ma modeste mesure, à avoir fait adopter le mot liseuse dans la langue française (qu’on doit à Virginie Clayssen) pour traduire ebook reader, et j’ai fait partie des premiers clients en France de Cybook, de Lulu.com, etc. J’ai bricolé, j’ai bidouillé. Et puis je me suis remise à écrire.

Depuis 2017, j’ai commencé à écrire des romans historiques, attirée par la richesse des histoires qu’on pouvait raconter ainsi. La confrontation entre deux mondes, la Rome chrétienne et la Rome païenne au IVe siècle, lorsque le monde occidental a basculé vers la nouvelle religion avec la conversion de Constantin. Les aventures d’un groupe de Volontaires nationaux pendant les guerres de la Révolution, des bords du Rhin à l’Italie. D’autres aventures sous l’Empire, dans la grande confrontation avec l’Angleterre, directement ou par l’intermédiaire de conflits locaux… Et pourquoi pas une intrigue policière, avec une aiguille explosive à chercher dans la botte de foin du Camp de Boulogne, en 1805, quand Napoléon espérait encore envahir la perfide Albion ? Ce sera Du sang sur les dunes.

Et ainsi, la boucle est bouclée. À vous de jouer, maintenant, et de plonger dans l’intrigue, si le cœur vous en dit !

Vaccinée, libérée ! Mes aventures pour une piqûre

SARS-CoV-2, portrait de virus. (Source : CDC.) En rouge, la désormais fameuse protéine Spike qui se lie aux cellules à infecter.

Comme beaucoup de monde, j’ai vécu les différentes étapes de la pandémie en serrant les dents, sachant que je faisais partie des personnes qui ont un risque de développer un Covid sévère. Pas exactement riant comme perspective. Au printemps 2020, j’ai bénéficié d’une autorisation d’absence à ce titre, et parce que le télétravail n’était pas adapté à mon cas. La rançon d’être fonctionnaire de guichet. Mais je suis reconnaissante pour cette autorisation accordée rapidement et sans histoire par l’administration.

Je suis donc restée chez moi en avril 2020, temps que j’ai mis à profit en écrivant une série de science-fiction pour Rocambole. Mais si, vous vous souvenez : c’était L’Interprète, déjà une histoire policière, cette fois dans un futur pas très éloigné. Au passage, gros coup de chapeau à l’entreprise, qui s’est pris dans les dents le coronavirus au moment où ils lançaient leur nouvelle formule et ont tout de suite rebondi en s’organisant pour travailler à distance, tout en lançant de nouveaux titres et en mettant les textes en accès gratuit pour la durée du confinement (les auteurs ayant été consultés bien sûr).

À l’automne 2020, toutefois, lors du second confinement, je n’ai pas cherché à bénéficier d’une nouvelle autorisation d’absence. J’aurais sans doute pu, mais ça ne me souriait absolument pas. J’ai beau apprécier la solitude, il y a un moment où cela pèse. Et puis on avait désormais des masques, du gel, et une bonne connaissance des mécanismes de transmission du virus. Aller travailler était donc un risque calculé.

N’empêche, quand les vaccins ont commencé à arriver, je n’ai eu qu’une hâte : pouvoir enfin en bénéficier. C’est ainsi que lorsque, courant février 2021, le ministre de la Santé a annoncé que les personnes de 50 ans et plus avec une affection les mettant à risque de Covid grave pourraient se faire vacciner chez leur médecin généraliste avec le vaccin AstraZeneca (qui peut être stocké dans un frigo ordinaire, ce qui simplifie son emploi), j’ai sauté sur l’occasion. J’ai eu ma première injection le 6 mars, après avoir été sur des charbons ardents pendant quelques jours : mon médecin partait à ce moment-là en vacances et j’ai eu un peu de mal à joindre son remplaçant. Mais au final, ça s’est fait et j’ai pu pousser un premier ouf de soulagement. Ce n’était pas une protection complète, bien sûr, mais c’était mieux que rien. Et je n’ai même pas eu d’effets secondaires embêtants.

Vous connaissez la suite de l’histoire : les informations sur des accidents de coagulation rares mais graves chez des patients jeunes, la décision de réserver ce vaccin aux plus de 54 ans… Ah zut, et ceux qui avaient déjà eu la première injection mais pas la seconde ?

Cela se passait courant mars. Mon rappel de vaccination, selon l’information donnée par le toubib, devait avoir lieu en mai, soit entre 9 et 12 semaines après la première injection. J’ai donc attendu, plus que jamais sur les charbons ardents. Et heureusement que j’avais de quoi m’occuper, n’étant pas plus confinée qu’en novembre.

Je n’ai pas eu à me poser longtemps des questions. En avril, nouveau communiqué du ministère de la Santé : les gens qui avaient eu une première injection AstraZeneca et ne pouvaient bénéficier d’une deuxième en raison de leur âge pourraient à la place recevoir une dose de l’un des vaccins à ARN messager, Moderna ou Pfizer/BioNTech, à la date normalement prévue.

Un panachage, donc, qui d’après les données recueillies au Royaume-Uni (qui a commencé avant et a donc un peu essuyé les plâtres) est efficace. Pas de problème pour moi, d’autant que j’avoue être en admiration devant la technologie des vaccins à ARNm, et à l’élégance d’une telle invention. N’injecter que l’ARN permet notamment d’avoir un vaccin extrêmement pur, ce qui réduit les risques d’effets secondaires.

Qu’à cela ne tienne : j’ai donc cherché sur sante.fr un créneau de vaccination dans la période qu’on m’avait indiqué, entre le 8 et le 29 mai…

C’est là que je découvre à quel point les places sont chères. Dans l’absolu, ce n’est pas une mauvaise chose : ça montre que les gens veulent être protégés ! Mais je finis par trouver un créneau le samedi 15 mai, et dans un centre de mon quartier. Du moins je pense avoir trouvé. En recevant mon courriel de confirmation, cependant, je vois la mention : « la seconde injection doit se faire dans le même centre que la première ». Zut alors, ils ne sont pas au courant pour AstraZeneca ? Ou bien ils n’ont juste pas mis à jour leur message ?

Tant pis, pour en avoir le cœur net, je leur téléphone. Ce n’était pas une mauvaise chose, car j’apprends (on est alors fin avril) qu’il n’y a pas de problème pour ça, mais que la deuxième injection doit obligatoirement être faite 12 semaines après la première, avec une tolérance d’un jour en plus ou en moins, mais c’est tout.

Retour à la case départ. Le rendez-vous du 15 mai est annulé, et je dois chercher un créneau pour fin mai, impérativement. Ah non, désolée, ce centre ne donne de rendez-vous que quinze jours à l’avance, rappelez plus tard.

Soit. Je suis retournée à Internet, et j’ai trouvé le site https://vitemadose.covidtracker.fr/ qui était alors assez récent mais déjà d’une efficacité magistrale. Et c’est grâce à lui que j’ai trouvé un autre centre à Paris qui avait un créneau libre pour le bon jour, le bon vaccin et le bon public (certains centres étant réservés au personnel soignant ou aux plus de 60 ans). Et là j’ai croisé les doigts pour pas attraper le virus avant.

Quinze jours plus tard, je reçois un appel du centre de mon quartier : ils me proposent un rendez-vous pour le vaccin. C’est très gentil, je leur ai répondu, mais j’ai déjà trouvé, merci.

Et en effet, le 29 mai sans faute, je suis passée à travers la mécanique bien huilée du centre de vaccination. Vérification du nom et de la carte Vitale, attente, questionnaire sur mes antécédents médicaux, attente, piqûre (au bras gauche pour les droitiers), attente, et enfin délivrance du joli QR-code qui me permet de rentrer chez moi tranquille.

Le lendemain, j’ai le haut du bras sensible, mais trois fois rien. C’est la preuve que l’ARNm fait son travail, et mes cellules le leur : elles fabriquent des protéines d’enveloppe de virus. Et mon système immunitaire aura ainsi les outils nécessaires pour reconnaître très vite le vilain SARS-Cov-2 s’il se montre dans les parages, et pour l’estourbir avant qu’il ait pu faire des dégâts.

Alors, ce n’est pas la folie, bien sûr, je continue à porter le masque dans les transports en commun et au travail jusqu’à ordre contraire, mais je me sens déjà plus tranquille quand je suis à côté de gens qui le portent mal ou l’enlèvent à tout bout de champ.

Je vous laisse avec une chanson qui rappellera des souvenirs aux geeks dans mon genre. Ah, les temps déjà lointains de fin 2020…

(Aussi publié sur Substack.)

La guerre, l’opium et la mémoire

Fleur de pavot à opium, rose pâle avec un centre noir

Ironie des choses, le pavot à opium est un proche cousin du coquelicot, emblème des anciens combattants chez nos alliés du Commonwealth (image : Lestat, pour Wikimedia)

Ce n’est pas une fable gentillette, je vous préviens. Plutôt une escarmouche dans la guerre des mémoires qui agite périodiquement notre pays. Je n’en éprouve aucune fierté, ni dégoût : ce sont juste des faits qui se sont produits, et qui ont fait ce que je suis.

Mais commençons par le commencement. Il n’y a jamais eu beaucoup de souvenirs de la guerre de 14-18 dans ma famille. Mes deux grands-pères étaient trop jeunes. Un de mes arrières-grands-pères a été réformé pour mauvaise vue (c’était une tête de bois qui n’a jamais voulu voir un médecin, même quand il est devenu aveugle, il parvenait à faire son métier de menuisier malgré cela). Deux autres n’étaient pas français à l’époque. Et puis il y en a un qui était en Indochine avec sa famille, mais qui a été mobilisé dans les tranchées.

Lui aussi, c’était un peu un numéro. Fonctionnaire, il avait toujours cherché à avoir des postes en brousse, loin des villes, dans des zones fraîchement « pacifiées » où la France n’était guère représentée que par un poste militaire. (Sa femme avait au moins obtenu que ce soit près d’un hôpital militaire, au cas où.)

Un drôle de numéro, donc, déjà alcoolique, et qui ne s’est pas amélioré au retour de la guerre. Car il est revenu de la grande boucherie, oui, mais pas pour longtemps. Un ou deux ans après l’Armistice, il mourait d’une maladie du foie.

L’administration militaire considéra cependant qu’il faisait partie des victimes de la guerre, sans doute parce que cela permettait de faire bénéficier sa veuve d’un de ces fameux bureaux de tabac qu’on donnait aux veuves de combattants pour leur assurer un petit revenu. Mon arrière-grand-mère a donc reçu le bénéfice d’un bureau de tabac – sauf que c’était en Indochine, et que cela voulait dire aussi un débit d’opium.

Eh oui, la France, dans son entreprise coloniale, n’a pas dédaigné le commerce des stupéfiants parmi l’exploitation des ressources locales. L’État avait déjà le monopole du tabac, il aurait aussi celui du hashish en Afrique du Nord et de l’opium en Extrême-Orient.

J’ai donc eu une arrière-grand-mère trafiquante d’opium, si on peut dire. Elle n’exploitait pas elle-même la boutique, mais la louait à un commerçant chinois, et touchait chaque mois sa part de la recette. (Ce n’était pas considéré comme un négoce très honorable, on s’en doute.) Et c’est ainsi que les séquelles de la Grande Guerre sont intimement imbriquées dans la mémoire familiale avec le business de l’exploitation coloniale, et les petits arrangements auxquels cela pouvait donner lieu.

J’aurai au moins appris assez tôt que le monde était compliqué, et les gens qui le composaient encore plus.

Premier roman : dix ans déjà !

[N.B. Entre temps, le texte est reparu sous forme de série sur Rocambole !]

J’ai peine à le croire, mais c’est ainsi : j’ai laissé passer le dixième anniversaire de la publication de mon roman L’Héritier du Tigre. Dix ans ! Une décennie depuis ce mois de mai 2006 où les éditions Le Navire en pleine ville livraient au public ce qui se voulait être le premier tome d’une série. Depuis, l’éditeur a déposé son bilan, mon roman est parti au pilon, et la série… Ma foi, la série en est toujours au tome 1.

Couverture du roman L'Héritier du Tigre

C’était un beau bouquin, il n’y a pas dire…

Tout ça pour ça ? Non, justement. D’avoir écrit ce premier roman a fait de moi une autre personne – je pense que tout écrivain serait d’accord là-dessus : écrire transforme. On y apprend qui on est, vers quoi on penche. On grandit peu à peu.

Depuis, j’ai tenté divers projets d’écriture, avec assez peu de bonheur, il faut bien dire. Je crois que c’est une autre leçon que l’on apprend de l’écriture : savoir survivre à son premier essai réussi, se sortir de ce moule. J’en suis toujours là, et depuis le début de ce mois je me suis embarquée dans une nouvelle tentative. On verra. Mais rien de cela ne se ferait sans la première manche réussie.

Roman, mon petit roman, je te salue.