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La sagesse du Prince de Ligne

Charles-Joseph de Ligne

En piochant dans l’histoire, la littérature, les mémoires et les anecdotes du Siècle des Lumières pour les besoins de mes romans, je ne pouvais pas ne pas rencontrer ici et là un certain Charles-Joseph, prince de Ligne. Observations, maximes, bons mots… et mauvaise langue aussi, parfois !

Quelques perles tirées de ses Mémoires, que j’ai lues dans la collection Le Temps Retrouvé (Mercure de France) mais qui sont disponibles dans bien d’autres éditions, y compris gratuitement sur Gallica :


• « Je vois des gens qui se tiennent bien droit ; ils croient avoir de la droiture. Ils sont raides ; ils croient avoir du caractère. »


• « Une phrase une fois dite sans réflexion et répétée par les sots devient sentence. »


• « J’entends dire qu’il faut recommencer la guerre, à des hommes et des femmes qui ne conçoivent pas comment je suis assez barbare pour tuer une bécasse qu’ils sont pourtant enchantés de manger. »


« Aussi, adieu les plaisirs de la société. On se trouve sans se chercher. On se quitte sans regrets. On cause sans intérêt. On se met à table l’un à côté de l’autre, sans s’en soucier. C’est encore un des mauvais effets des longues paix. »


• « On croit de même regretter beaucoup ses anciens soi-disant amis qu’on a vu disparaître avec assez de sang-froid. C’est soi-même qu’on regrette. »

Francophile en matière culturelle mais loyal sujet du Saint-Empire, admirateur de Rousseau et Voltaire mais atterré par la Révolution, ce grand seigneur européen était aussi attaché à un petit pays qui deviendrait un jour la Belgique. Il a donné a la littérature de ce pays, et à toute la francophonie, quelques unes de ses plus belles pages.

Mon prochain roman : Mort d’une Merveilleuse

Peinture du 18e siècle : femme en robe blanche sans manches, style Directoire, entre des colonnes décoratives
Mort d’une Merveilleuse, par Irène Delse, à paraître aux Éditions du 81

Quand ça marche, pourquoi s’arrêter ? Je vous avais parlé l’année dernière d’un autre roman policier que j’étais alors en train d’écrire. Bonne nouvelle : il devrait paraître cette année aux Éditions du 81, les mêmes qui ont déjà publié Augusta Helena et Du sang sur les dunes !

Si vous avez aimé ce dernier roman, c’est pour vous : on retrouve le même personnage principal, Antoine Dargent, quelques années plus tôt, sous le Directoire cette fois et non sous l’Empire. L’occasion de croiser quelques personnages historiques bien connus, mais aussi quelques anonymes hauts en couleurs. Et on se frotte à une énigme sombre, très sombre.

Quelle date de parution ? C’était prévu au départ pour le mois de mai, et puis des contretemps ont obligé à déplacer cette sortie à la fin août. Comme pour l’année précédente, donc. Je vous tiendrai au courant ici même.

#Ecriture Aller plus loin avec ses personnages

Peinture : une forteresse dans la montagne
Des pays imaginaires, vus par un peintre visionnaire. (« Gundla », par Nicolas Roërich.)

Se dépasser, aller plus loin, ce n’est pas si compliqué en matière d’écriture. Comme dans la chanson, il faut « mettre un pied devant l’autre et recommencer ». Mais attention, un peu de méthode est nécessaire pour ne pas donner dans le n’importe quoi.

Je suis fermement persuadée qu’il n’y a pas de sot projet d’écriture, mais seulement de sottes (ou moins sottes) gens qui écrivent. « Je ne sais pas » n’est pas une raison valable pour ne rien faire, ou pour écrire toujours la même chose. La solution tient en deux mots :

  1. Documentation
  2. Réflexion

Quand je me suis lancée dans le roman historique, en 2017, avec Helena Augusta, c’était pour moi un territoire quasiment vierge. Oui, j’avais pas mal de lectures, tant en vulgarisation historique qu’en romans, mais il n’empêche que j’ai passé plus d’un an à lire quasi exclusivement des bouquins d’histoire, y compris des articles et manuels universitaires. Tout ne s’est pas retrouvé sur la page écrite, bien sûr, mais ça m’a permis de mieux voir l’univers dans lequel évoluaient mes personnages, mieux cerner ses ressorts, sa logique, ses zones d’ombre aussi, car il y a des choses qui restent obscures même pour les spécialistes.

Un exemple : on sait au fond fort peu de choses de la fameuse Hélène, mère de Constantin, à commencer par son origine sociale et géographique. Cela m’a laissé les mains libres pour remplir ces vides.

Autre cas de figure : devoir mettre en scène des personnages dont l’expérience vécue est très différente de la mienne. Là, il est obligatoire de partir de ce que les personnes concernées ont elles-mêmes à dire, que ce soit directement, via des discussions avec vous, ou par des textes qu’ils ou elles auront écrit, du tweet au blog et au roman.

Insistons sur le point personnes concernées, car ce n’est pas évident pour tout le monde, même parmi ceux qui se croient woke (pour employer un terme à la mode). Il y a un célèbre podcast d’écriture américain, spécialisé dans les genres de l’imaginaire, où une des hôtes a un jour conseillé la lecture de yaoi pour aider à camper des personnages homosexuels masculins crédibles. Nope.

En fait, c’est un domaine où les écrits personnels informels tels que blogs et tweets sont bien plus utiles que des essais et enquêtes universitaires, même si ceux-ci ont aussi leur place. Certes, les quelques LGBT « out » dans vos contacts ne représentent pas l’unique réalité de l’expérience LGBT, mais leur voix témoigne d’une expérience, sur un plan bien plus personnel que ce que vous lirez dans un traité savant. Une autre source précieuse : les biographies et autobiographies, surtout bien sûr s’il s’agit de gens du pays et de la période concernée. Mais rien de tel par exemple que lire l’émotion sous la plume de Jean Cocteau, dans ses mémoires, quand il évoque les dangers courus par Jean Marais lors d’un tournage, pour partager ce vécu.

Est-ce que j’ai mis en pratique mes propres conseils ? J’espère bien. Quand je me suis lancée dans Helena, j’ai lu pas mal de choses sur l’amour dans l’Antiquité, et en particulier assez pour me persuader qu’il serait trompeur d’utiliser les catégories actuelles pour décrire une réalité vécue qui n’avait pas les mêmes tabous ni les mêmes présupposés moraux et sociaux. Par exemple, l’idée qu’un individu de sexe masculin puisse être attiré par un autre n’était pas un tabou, mais comme l’attraction naturelle vers les êtres beaux et jeunes. En revanche, pour un homme et un citoyen, afficher son amour, montrer qu’on était épris et qu’on était prêt à se mettre au service de l’être aimé, que ce soit pour une femme ou homme, c’était déchoir. Un univers mental étrange et déroutant pour nous.

Dans les périodes plus rapprochées, heureusement, il y a à la fois plus de documentation et plus de témoignages. Dans ma série actuelle de romans policiers historiques, l’un des personnages récurrent est homosexuel et aussi « out » qu’on pouvait l’être à la fin du XVIIIe siècle, ce qui veut dire plus qu’on pourrait le penser. J’ai là aussi lu un certain nombre de travaux universitaires qui font la sociologie du Paris homosexuel, et montrent entre autres choses que c’est durant ce siècle que s’est élaborée une culture homosexuelle telle que nous pouvons en connaître aujourd’hui. Mais j’ai aussi fait mon profit de diverses biographies (celles où cet aspect de la vie d’un personnage historique n’avait pas été passé sous silence), notamment les portraits brossés par Olivier Blanc dans Les Libertines et L’Amour à Paris au temps de Louis XVI. (Épuisés, mais les bouquinistes sont nos amis.)

Enfin, c’est toujours bon d’avoir aussi une idée claire des clichés à éviter, et pour ça lire des critiques de livres, de film, etc., et en profiter pour réfléchir à sa pratique. Dans un précédent billet, je mentionnais le cliché bien trop fréquent du personnage bisexuel représenté comme un omnisexuel effréné. Un autre cliché usé jusqu’à la corde est celui où le personnage LGBT sert d’auxiliaire au personnage principal, l’aide à se révéler ou à avancer dans sa quête, mais meurt avant la fin. Un scénario particulièrement appliqué aux lesbiennes, semble-t-il, mais qui est souvent appliqué à des « femmes fatales » dont la vie sexuelle sort du cadre strict du mariage traditionnel.

C’est non seulement un cliché, mais un cliché négatif dont on peut se passer. Dans le roman que je suis en train d’écrire, j’ai été confronté à ce problème. L’un des personnage secondaires est une lesbienne, et de par les secrets qu’elle possède, elle se trouve menacée… Néanmoins, je peux garantir une chose : elle sera vivante au moment de mettre le point final.