Archives de Tag: policier

Quels projets à présent ?

Couvertures de mes trois romans policiers historiques de la série Capitaine Dargent, parus aux éditions du 81

Faisons le point. Avec la parution de Coup de froid sur Amsterdam le mois dernier, cela me fait en tout cinq romans au compteur, dont trois pour la série Capitaine Dargent, aux Éditions du 81, des polars historiques qui se déroulent sous la Révolution et l’Empire. Des aventures qui m’ont menée jusqu’ici à Calais, Paris, Amsterdam… Et ensuite ?

Eh bien, ma foi, on continue ! J’ai déjà terminé un quatrième tome, qui se situe en Angleterre durant la paix d’Amiens en 1802, bref intermède durant les guerres napoléoniennes, et je travaille actuellement à un cinquième qui aura pour cadre le nord de l’Italie, juste au lendemain de Marengo. Un peu de voyage dans l’espace aussi bien que dans le temps ! Et je peux garantir que j’ai assez de sujets en tiroir pour poursuivre jusqu’en 1815 et au-delà.

Pas trop mal, vous me direz, pour une série commencée au printemps 2020 ?

Ce n’est pas tout. Je laisse un peu de côté mon tout premier roman, L’Héritier du Tigre, une aventure de fantasy située dans un monde imaginaire, qui a trouvé une seconde vie sur Internet après la faillite de l’éditeur d’origine, et qu’on peut désormais lire ou relire sur la plateforme Vivlio Stories.

Et puis il y a Augusta Helena, mon gros roman historique publié en deux tomes aux Éditions du 81. Celui-là explore le monde antique aux débuts de l’empire romain chrétien. On suit son héroïne, Hélène, mère de l’empereur Constantin, de Rome jusqu’à Jérusalem, lors du grand périple au cours duquel elle a découvert (ainsi du moins le dit la légende) la plus importante relique du Christ : la Vraie Croix. Une aventure humaine autant qu’une enquête policière sur des meurtres mystérieux dans l’entourage impérial.

Je l’ai écrit un peu avant de me lancer dans la série révolutionnaire, mais je n’exclus pas d’y revenir un jour, qui sait…

La bonne résolution : un nouveau roman

Tableau de L.-F. Lejeune représentant la bataille de Marengo (14 juin 1800), avec les Français au premier plan

Pour l’année 2024, ce sera facile de tenir mes bonnes résolutions : je les ai déjà entamées depuis quelques jours, avec l’écriture d’un nouveau roman. Ce sera le cinquième de ma série policière historique, « Capitaine Dargent », dont deux premiers épisodes ont paru jusqu’ici aux Éditions du 81.

On reste dans la période napoléonienne : après Du sang sur les dunes qui se déroulait du camp de Boulogne à la bataille d’Austerlitz en 1805, après Mort d’une Merveilleuse, situé sous le Directoire fin 1797, juste après la première campagne d’Italie, on est cette fois à l’été 1800, dans un petit patelin appelé Marengo… Je n’en dis pas plus, comme d’habitude il s’agit d’intrigues obscures et de meurtres mystérieux, en marge de la grande Histoire mais tout de même étroitement mêlés à celle-ci.

Et puis ce sera aussi l’occasion de revisiter ce chapitre haut en couleur de notre roman national. Le chapitre est riche à bien des plans, et truffé de questions non résolues. Exactement ce qu’il faut pour stimuler l’imagination.

Pour qui est ce roman ? Aventure, sentiment, Histoire : faut-il choisir ?

Je ne vais pas vous le cacher, je me suis remise à écrire un roman. Encore un roman noir historique, même. Il s’agira du 4e dans la série des aventures d’Antoine Dargent. Excusez du peu.

Mais au fait, à quel public est destiné ce livre ? Roman noir, roman policier, c’est un domaine fort vaste, après tout.

En guise de réponse, une petite anecdote. Courant 2019, alors que j’étais en pleine rédaction de mon roman historique Tous les Accidents, je participais à un groupe d’écriture où chacun lisait et commentait les travaux des autres. L’une des participantes m’a un jour demandé : « Mais dans ce roman, tu t’intéresses plus à la reconstitution historique, ou à la vie des personnages et à leurs relations ? » La réponse que j’ai faite alors, et que je pourrais redire à présent, fut : « Aux deux ! »

J’aime bien les romans historiques pour la plongée qu’ils offrent dans un monde différent, aussi étranger que bien des univers de science-fiction. Et en même temps, c’est un univers qui ne nous est pas tout à fait étranger, puisque nous en sommes issus. Ici, on parle de la France de 1805, quand Napoléon était déjà empereur et entretenait encore le rêve d’envahir l’Angleterre. La Révolution avait accouché d’une étrange monarchie qui ne disait pas son nom, le progrès scientifique était illustré par des inventions telles que le télégraphe optique, la vaccination, la machine à vapeur et les ballons captifs. Mais on continuait de dépendre de la météo pour les récoltes, et la France utilisait sa puissance militaire pour s’enrichir aux dépends de ses voisins, que ce soient les vaincus ou des alliés (Italie, Espagne, Hollande) à qui on réclame de lourdes contributions. Un monde plein de contrastes, où bien des aventures individuelles sont possibles.

D’un autre côté, j’aime bien suivre le cheminement émotionnel des personnages, les relations qu’ils entretiennent entre eux. Mon héros détective ici n’est pas seul, mais entouré d’amis et anciens camarades, de parents et connaissances… On a toute une petite galaxie d’individus, hommes et femmes, avec chacun leur passé, leurs désirs, leurs objectifs dans la vie ou leurs craintes pour le passé. Des parents s’inquiètent pour la santé de leur enfant, une jeune femme pour celle de son fiancé ; des militaires noirs essayent d’échapper aux mesures discriminatoires de l’Empire ; des armateurs tentent l’aventure en finançant des bateaux corsaires ; une ancienne cantinière conseille les collègues plus jeunes d’après son expérience ; un officier tente de sonder le cœur d’un camarade dont il est épris…

Et bien plus, avec des personnages apparus dans le roman Du sang sur les dunes. Et qu’on pourra retrouver bientôt, j’espère, dans les autres volumes de la série.

Le roman policier à travers le temps : (5) Jeux d’énigmes avec Jane Austen

Emma observe, déduit et complote… (Illustration de C. E. Brock, 1909)

Après avoir remonté le temps et évoqué des histoires de détectives dans l’Antiquité biblique, au temps des Mille et Une Nuits, de Voltaire ou des Mandarins, on ne pourrait mieux terminer ce tour d’horizon qu’en se penchant sur ce qui est peut-être le premier roman à énigmes de la littérature occidentale moderne : Emma, de Jane Austen.

Comment ? Mais oui. Oubliez pour un moment les commentaires habituels sur l’œuvre d’Austen : technique littéraire, observations sociales, etc. C’est la structure du roman qui nous intéresse ici, le fait que le récit offre des questions et casse-têtes que les membres du public sont invités à résoudre en parallèle de l’héroïne, voire si possible avant elle. Or c’est bien la structure d’un roman policier classique, jusqu’à l’élément de jeu avec celui ou celle qui lit. Et ce n’est pas un hasard si le thème du jeu et des énigmes est mis en scène dans le texte, Emma et ses proches jouant aux charades, devinettes et autres jeux de société faisant appel à l’astuce et à l’observation.

Vous me direz qu’il n’y a pas de crime dans ce roman, pas même une lettre volée ? Non, ce qui occupe Emma, ce sont ces « petits mystères du quotidien » chers à Miss Marple : quel est l’admirateur qui a offert un piano à Miss Fairfax ? Et à qui cette jeune fille si discrète a pu engager son cœur ? Il y a aussi le mystérieux admirateur d’Harriet, et ceux d’Emma elle-même, qu’elle ne s’imagine pas avoir. Une lecture attentive du roman nous offre tous les indices pour découvrir nous-même la vérité.

Or, paru en 1815, Emma précède Double assassinat dans la rue Morgue d’Edgar Allan Poe (1841) et même Mademoiselle de Scudéry d’E.T.A. Hoffmann (1819), roman court à intrigue policière, et a tout pour figurer le premier roman d’énigme moderne. Ce n’est pas un mince compliment.

P.S. On pourrait citer aussi Northanger Abbey, un roman dont l’héroïne pourrait être le prototype de ces détectives adolescents dont la littérature young adult est friande. Influencée par ses lectures, la jeune Catherine Morland tente de percer le mystère d’une vieille demeure, ancienne abbaye, qui ne peut (elle en est persuadée) qu’avoir été le lieu d’une tragédie, comme dans Les Mystères d’Udolphe et autres romans gothique. Elle cherche un tiroir secret dans un meuble, explore un couloir dérobé, etc.

Le roman policier à travers le temps : (4) Détectives et mandarins sous les Ming

Les gibbons chers à Van Gulik (détail d’une peinture due à l’empereur Xuande, 1427)

Poursuivons notre série sur les précurseurs de la littérature policière moderne : après l’ingéniosité de Daniel dans la Bible, puis les casse-têtes du vizir Djafar dans les Mille et Une Nuits, et les diverses histoires de lecture d’indices, du Talmud aux Princes de Serendip, le tableau ne serait pas complet sans un regard sur certains fameux détectives de la Chine ancienne, et sur la tradition littéraire qui s’en est inspirée.

On connaît en Occident le Juge Ti à travers les aventures que lui a attribuées Robert Van Gulik, sinologue et diplomate néerlandais qui trouvait le moyen d’écrire (en anglais, pour toucher un plus large public) des romans policiers en guise de loisirs. Il a commencé par traduire en anglais un roman chinois anonyme paru sous la dynastie Qing (1644-1912), le Dee Goong An, ou selon la translittération actuelle Di Gong An.

(On notera les noms multiples sous lesquels est connu le héros : Dee dans la translittération anglaise en vigueur dans les années 40, lorsque Van Gulik écrivait, Ti lorsqu’il a été traduit en français, puis aujourd’hui Di, selon le système officiel pinyin.)

Le personnage fait donc partie d’une tradition chinoise déjà ancienne, puisque les premiers romans du type Gong An (littéralement : « affaires criminelles ») remontent à l’époque de la dynastie Ming (1368-1644), et que de telles histoires fournissaient déjà des pièces de théâtre, théâtre de marionnettes et opéra sous les Song (960-1279). Les héros en sont des magistrats impériaux, souvent portant le nom d’authentiques personnages historiques, comme le juge Ti (Di Renjie, nom d’un homme d’État de la dynastie Tang, né en 630) ou le juge Bao (Bao Zheng, qui a vécu sous les Song du Nord, au XIe siècle).

L’une de ces pièces de théâtre traditionnelles, d’époque Yuan (1250-1368), qui a pour titre Le Cercle de craie, met en scène une situation similaire à l’histoire du jugement de Salomon : comment déterminer entre deux femmes qui est la véritable mère d’un enfant. Le juge Bao use d’ailleurs d’une ruse identique à celle du souverain biblique : il place l’enfant dans un cercle tracé sur le sol à la craie et ordonne aux deux femmes de le tirer chacun par un bras. La véritable mère, bien sûr, lâche l’enfant, de peur de lui faire mal, et son innocence est reconnue.

En plus du théâtre et des romans, le cinéma chinois puise volontiers dans ce fonds d’histoires mystérieuses, aussi bien en Chine continentale qu’à Taïwan. La série de films de Tsui Hark Detective Dee montre ainsi à un public international une version haute en couleurs du héros découvert grâce à Van Gulik : intrigues politiques, cascades et combats d’arts martiaux à couper le souffle, éléments surnaturels omniprésents…

On aime ou pas, mais c’est d’une grande virtuosité. Et bien dans la tradition chinoise.