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Des avantages de publier avec un éditeur

Du côté des Éditions du 81

Toute personne qui passe ne serait-ce que quelques minutes dans les recoins des réseaux sociaux où discutent des écrivains sait que les plus actifs, les plus passionnés, sont souvent les auteurs auto-édités. Ce qui est logique, quelque part : pour réussir dans l’auto-édition, il faut déjà être bon dans l’auto-promotion.

Mais peut-être que de ce fait, la vision de l’édition depuis les réseaux sociaux est un peu biaisée. Du moins je vois peu de personnes éditées à compte d’éditeur parler de leur parcours, à part évidemment quand ça marche mal. C’est humain.

Et pourtant, c’est un système qui a ses avantages. Je peux parler d’expérience, ayant eu plusieurs éditeurs depuis le début des années 2000.

Tout d’abord, l’aspect matériel : quand il y a un éditeur dans le tableau, ce n’est pas à moi d’avancer le capital pour la fabrication et la commercialisation du livre. Eh oui ! Les coûts ont certes baissé avec l’avènement de la micro-informatique et de l’internet, mais il faut au moins payer la correction du texte, la mise en page et le graphisme de couverture, et bien sûr l’impression. Même si on travaille avec un prestataire d’impression à la demande, il faut leur fournir un fichier prêt à imprimer, de qualité professionnelle. Un investissement en temps, sinon en argent.

Je connais le problème, car j’ai testé moi-même l’auto-édition vers 2007-2008, avec un modeste recueil de nouvelles, et je peux confirmer : c’est beaucoup de travail. Pourquoi je l’ai fait ? Par curiosité, parce qu’on parlait beaucoup de ce système de print on demand, et que j’avais envie de voir ça par moi-même. Le prestataire que j’avais utilisé, Lulu, est honnête, et à l’époque il y avait plus de francophones dessus, mais ça ne m’a pas donné envie d’abandonner l’idée de publier à compte d’éditeur.

Pour être honnête, on peut techniquement s’auto-publier grâce à ce genre de prestataires, mais c’est un investissement non négligeable en termes de temps ou d’argent, ou les deux. Pour faire la maquette du livre, par exemple, il faut apprendre à utiliser des logiciels capables de produire le genre de fichier qui est envoyé à l’impression. Idem pour la couverture : si on n’est pas graphiste, soit on paye un professionnel, soit on doit se contenter d’un visuel pris dans une banque d’images, ce qui n’est pas idéal, on l’imagine.

Même le travail sur le texte n’est pas une affaire d’amateurs. J’ai maintenant l’expérience des corrections avec quatre éditeurs différents : le Navire en pleine ville (disparu depuis, hélas) pour la première publication de L’Héritier du Tigre, puis Rocambole (devenu Doors et acquis par Vivlio), Gephyre (pour l’anthologie Marmite & Micro-ondes), et bien sûr les Éditions du 81, qui ont publié mes romans Du sang sur les dunes et Augusta Helena.

À chaque fois, cela avait été l’occasion de jeter un regard neuf sur le texte du roman ou de la nouvelle en cause. Même un texte qui avait été relu par plusieurs lecteurs bêta peut être amélioré par l’étape de la correction : c’est l’occasion de traquer les erreurs de grammaire restantes, mais aussi de clarifier certains points de l’intrigue, des références historiques, etc. Tous éléments que l’auteure pensait évidents, mais qui ne l’étaient pas tant que ça. Du moins, un professionnel, l’éditrice ou son correcteur, estime qu’il faut clarifier le point pour le bénéfice du public du livre.

Si j’étais dans une démarche d’auto-édition sérieuse, je pourrais certes payer un professionnel pour corriger le texte, mais je serais entièrement libre de suivre ou non ses suggestions. Tandis que si je travaille avec un éditeur ou une éditrice qui a le pouvoir de décision final sur le texte, je suis obligée de discuter et de convaincre la personne en charge des corrections que mon choix est meilleur que le sien en la matière. Ça vous oblige à être très pointue en matière de langue (ça tombe, c’est un de mes points forts), mais aussi à très bien connaître le milieu ou l’époque du roman. Exemple : vaut-il mieux dire « montre de gousset » ou « montre à gousset » ? L’expression imagée « avoir charge de famille » est-elle compréhensible pour des lecteurs actuels ? Faut-il ajouter une expression en note ou dans le texte pour clarifier ce qu’est la Guerre de la Première Coalition ? Telle allusion de l’un des personnages à un événement passé n’est-elle pas un peu obscure dans le contexte ? Et ainsi de suite.

Tout cela permet d’améliorer la lisibilité du texte, mais aussi sa cohérence interne. Et c’est un travail, une expérience, qui servira pour les textes qu’on pourra écrire à l’avenir.

Mais revenons au processus d’édition et de commercialisation d’un livre : une fois le texte peaufiné et mis en page, il faut encore l’imprimer et l’acheminer jusqu’aux acheteurs potentiels. C’est un travail dont la maison d’édition se charge, ou plutôt charge d’autres professionnels : imprimeur, diffuseur, distributeur, attachés de presse…

Si j’étais dans un cadre d’auto-édition, je devais me débrouiller. Essentiellement, cela reviendrait à passer par un prestataire comme Lulu ou (le plus souvent) Amazon. C’est ce prestataire qui assure la fabrication du livre, que ce soit sur papier ou en livre électronique, ou les deux, et qui le met en vente sur son livre. Mais sauf exception, le titre ne sera pas mis en place en librairies. C’est une infrastructure différente, un système adapté à la distribution de livres physiques commandés par des éditeurs, imprimés puis envoyés dans les points de vente sur tout le territoire. Un système qu’on peut critiquer sous différents angles, mais qui existe, et qui fonctionne. Et auquel les auteurs auto-édités n’ont pas accès.

Il peut y avoir des exceptions ponctuelles : si je connais bien un libraire et qu’il me fait confiance, il peut accepter de prendre mon roman auto-édité en dépôt. Mais ce sera une exception. Quand on passe par un prestataire d’auto-édition, le livre est imprimé uniquement quand quelqu’un l’achète, il n’y a pas d’exemplaires imprimés en masse et envoyé aux librairies de France et de Navarre

Ce qui ne veut pas dire que l’auteur ne peut pas tirer son épingle du jeu. Être disponible sur Amazon, c’est être disponible sur la deuxième librairie du pays (la Fnac reste numéro un), après tout. Si l’auteur est capable de faire de la promotion efficace en ligne et hors ligne, il est possible de vendre autant et même parfois mieux qu’avec un éditeur. Les histoires de réussites sont là pour inspirer d’autres auteurs à tenter l’aventure. Mais il faut bien réaliser ce que cela implique.

Faire de la promotion, c’est en soi en métier. Certaines personnes ont plus de facilité pour cela, ou ont une expérience antérieure qui les y aide. Mais ce n’est pas mon cas, et j’en suis bien consciente. Même le plus petit des éditeurs a plus de ressources pour cela que moi, à commencer par un carnet d’adresses bien garni. Et puis il y a la connaissance du milieu, l’expérience d’avoir vendu d’autres livres du même genre, un bagage inestimable. Par exemple, pour la publication de Du sang sur les dunes, l’éditeur et le diffuseur ont opté pour mettre en place plus d’exemplaires dans les librairies de Picardie et du Nord, en se disant non sans raisons qu’un roman de déroulant à Calais et Boulogne marcherait mieux dans cette région.

Il y a ainsi plein d’éléments à prendre en compte, à commencer par le fait que pour beaucoup de gens, passer par un éditeur reste perçu comme un gage de qualité, une validation extérieure. Alors qu’un texte auto-édité n’a que lui-même pour recommandation. C’est bien si l’auteur est déjà connu par ailleurs, mais pour la majorité des débutants, c’est une pente de plus à monter.

L’auto-édition, en somme, c’est être non seulement son propre éditeur, mais aussi correcteur, illustrateur, metteur en page, attaché de presse, diffuseur, distributeur… Il faut démarcher soi-même les librairies, les salons du livre, transporter des exemplaires pour les ventes directes, prospecter les médias en s’adaptant à leurs codes et à leurs habitudes… C’est du boulot. Et vous savez quoi ? Personnellement, c’est du temps que je préfère passer à écrire !

Écriture : savoir s’arrêter de corriger (rediff.)

Couverture du roman "Mort d'une Merveilleuse", par Irène Delse
Mon prochain roman. À vos marques…

(NB : Billet déjà publié en août 2020, quand j’étais en pleines révisions pour mon premier polar historique, Du sang sur les dunes. Entre temps, j’en ai écrit un deuxième, Mort d’une Merveilleuse, qui devrait paraître fin août de cette année, et je suis en pleines révisions à nouveau… Encore un autre roman, le troisième de la série. Souhaitez-moi bon courage.)

Un roman n’est jamais terminé quand on met le point final. Vient ensuite une période plus ou moins longue, et plus ou moins pénible, appelée révisions. C’est là que les pros serrent les dents, et que les novices lâchent prise.

Je n’ai pas grand-chose d’original à ajouter là-dessus. Bien sûr que les révisions sont utiles : personne ne sort une copie parfaite du premier coup. Même les partitions de Mozart, contrairement à la légende, comportaient des ratures. Et on sait que des auteurs comme Balzac et Hugo corrigeaient leur texte jusque sur les épreuves de l’imprimeur. (Alors que normalement, l’éditeur gère ça et envoie au « marbre » un texte fini.)

Je suis en ce moment en pleine séquence de révisions pour mon roman policier historique, et c’est alternativement frustrant et amusant. Amusant quand je réalise que la tournure que j’avais notée comme nécessaire à un certain endroit était en fait déjà dans le manuscrit : bah, oui, c’était mieux écrit que je le croyais !

Frustrant, hélas, quand je dois rajouter un détail important pour l’intrigue, et que je bute sur un passage qui ne laisse pas prise à un ajout discret, faisant au contraire ressortir la greffe comme le nez au milieu de la figure.

Mais tout cela n’est pas le plus important : ce sont des questions techniques, incontournables, certes, mais pas fondamentales. Non, ce qui compte lors des révisions, c’est de ne pas perdre de vue la forêt à force de compter les arbres. Bref, garder à l’esprit le but, le roman, même si on est amené à se focaliser par moment sur un paragraphe ou même un mot.

Pour prendre du recul, rien de tel que de mettre de côté le texte après la première vague de révisions, celle qui a permis de corriger l’orthographe, la grammaire, combler les oublis les plus criants et supprimer les redites les plus évidentes. Et puis s’écarter, se changer les idées en faisant tout autre chose, avant de passer à la révision du style. Car là, il faudra absolument avoir les idées claires, ou on retombera dans l’ornière de l’auteure amateure qui se perd dans les méandres de sa prose et ne sait plus si c’est bon, mauvais ou juste ni fait ni à faire. Un état que je ne souhaite pas à mon pire ennemi.

La seule solution pour ne pas en arriver là : lever le nez du texte. L’enfermer dans un tiroir si on veut ; et pourquoi pas, mettre le cerveau au travail sur autre chose. Et qui sait, ça peut donner de nouvelles idées pour écrire.