Archives mensuelles : juin 2024

Je n’ai pas envie de vivre dans le monde d’avant

Je sais qu’il y a beaucoup de gens qui ont la nostalgie du monde de leur enfance, de leur adolescence, ou du moins la nostalgie d’une version mythifiée de cette époque.

Je ne les suivrai pas dans l’adoration béate du monde d’avant. J’ai mes souvenirs.

Et je ne parle pas seulement des bonds considérables faits en médecine, en informatique, dans toutes les sciences et les technologies, en fait. Même si c’est important. Je vis actuellement une vie normale, malgré une maladie chronique, grâce à un médicament fabriqué par génie génétique. J’ai l’information du monde entier au bout des doigts, dans un appareil qui tient dans la poche. Et ainsi de suite.

Je pourrais parler aussi des gains faits au niveau européen : la possibilité d’aller et venir sans contrainte sur tout le continent, les opportunités pour les études, le travail. Ou les réformes en France qui ont brisé le cycle infernal du chômage, même s’il y a encore à faire pour arriver au plein emploi. Mais déjà ce n’est plus la même désespérance pour les jeunes : ils ont un vrai avenir, souvent via l’apprentissage ou l’alternance. Et les créateurs d’entreprises aussi ont le vent en poupe. J’ai des amis dont les startups marchent, j’y ai même investi moi-même à ma petite échelle.

Et tant d’autres choses. La transformation de l’Europe, encore timide mais sur les rails, d’un simple vaste marché à un espace commun de résistance à l’agression extérieure, tant au terrorisme et au crime organisé avec Europol que via l’aide à l’Ukraine et le développement d’industries de défense. L’idée de souveraineté européenne, lancée par la France, fait son chemin.

Non, s’il y a un point sur lequel les gens disent souvent « c’était mieux avant », c’est sur les sujets de sociétés. L’école, l’intégration… Mais là aussi, j’ai mes souvenirs.

Dans le collège où j’allais en 1980, les enfants de familles noires et maghrébines étaient littéralement relégués dans une classe à part. Une politique de la directrice, qui n’avait pas été alors sanctionnée par l’Éducation nationale. Ça n’a commencé à changer que quand elle est partie à la retraite.

Demandez-vous ensuite pourquoi tant de personnes issues de l’immigration ont « la haine », avec ce genre de souvenirs dans leur passé ? Ou avec le mépris que certains politiciens propres sur eux, portant cravate ou cheveux blonds, expriment encore pour des questions de prénoms ou de double nationalité ?

J’ai dans mon entourage des couples binationaux, justement. Et ce genre de politiques veulent en faire des citoyens de seconde zone pour une question d’origine, de faciès, de couleur de peau, de religion. C’est explicitement prévu : suppression du droit du sol, donc redéfinition de ce qu’est un Français sur des bases raciales.

Si on veut susciter encore plus de haine, de troubles, de rejet de la République, c’est sur la bonne voie…

Mais d’un autre côté, je ne me résigne pas non plus à l’autre extrême, celui qui ne veut voir dans des gens comme ces amis et parents que des « racisés », des « indigènes » fondamentalement différent, au final, des autres citoyens, avec des droits et devoirs différents.

Ces politiciens qui se disent progressistes mais qui excusent l’antisémitisme ou l’homophobie quand ceux qui la profèrent sont musulmans. Ceux mettent la lutte contre « l’islamophobie » (un concept utilisé par les islamistes) au même rang que celle contre le racisme, ce qui revient à exclure toute critique ou même tout discours un peu divergent sur l’islam. Les membres de Charlie Hebdo, Samuel Paty, Dominique Bernard ont été tués au nom de cette accusation d’islamophobie. Salman Rushdie, pourtant lui-même issu de cette culture, vit depuis trente ans sous protection policière et a failli récemment y laisser sa peau.

Je n’ai pas envie de laisser l’école ouverte à ceux qui l’utilisent comme lieu de prosélytisme, avec revendication de vêtements « islamiques », de salles de prière, de non mixité, ou encore la contestation des cours sur l’évolution, le système solaire, l’éducation sexuelle, la Shoah…

Je ne peux pas ne pas penser à cette gamine, fille d’un couple d’amis franco-tunisiens, qui a dû quitter l’école publique pour une privée parce qu’elle était harcelée, simplement parce qu’elle voulait travailler comme une élève normale.

L’extrême-droite la rejette et la méprise pour son nom arabe et pour la religion de son père, l’extrême-gauche ne voit en elle qu’une arabe et une musulmane, et laisserait les barbus définir ce qu’elle doit être. Sinistre dans un cas comme dans l’autre. Et si quelque chose pouvait donner espoir, c’est bien le sérieux accordé par l’actuel Premier ministre, Gabriel Attal, à ce genre de questions.

Alors non, le monde actuel n’est pas parfait, il y a bien des choses à améliorer, mais ce n’est pas en instaurant une ségrégation raciale, ni en cédant aux islamistes, qu’on bâtira une société vivable. Ni maintenant ni jamais.

Un roman national mais pas nationaliste

Couverture du roman : tableau représentant une bataille sur la glace

Par les temps qui courent, je préfère préciser.

On a parfois tendance à classer à droite les amateurs d’histoire napoléonienne, mais c’est une idée reçue. Ils n’en ont pas l’exclusivité. Et certains à gauche semblent croire que la Révolution est leur propriété privée…

Tout ça n’est pas très sain. Et il est sans doute dommage que des historiens sérieux aient tellement vilipendé la notion de roman national. Aimer son pays, ce n’est pas détester les autres, et se remémorer son histoire n’est pas regarder béatement tout ce qui a été fait dans cette histoire. Mais ce qui permet de faire nation, c’est d’abord une histoire commune. Encore faut-il la connaître.

Dans mon dernier roman, Coup de froid sur Amsterdam, j’évoque une page de la Révolution où la France se lance à la conquête de l’Europe. Certains y verraient de la nostalgie, d’autres voudraient jouer la repentance… Réactions aussi futiles l’une que l’autre.

Quoi qu’il arrive, je ne vais pas renoncer à ces romans et cette exploration des coins sensibles de l’histoire. Mais j’aimerais bien, le mois prochain, ne pas vivre ce qu’on appelle par euphémisme « une époque intéressante ». Celles sur lesquelles l’historiographie s’attarde parce qu’il y a tant de catastrophes à raconter.

Aucune sorte de catastrophe, d’un extrême ou de l’autre.

Nouvelle note de lecture pour Du sang sur les dunes

Merci à mamacamill sur Instagram pour cette note de lecture ! Ça fait plaisir de voir que ce roman publié en 2021 continue son chemin.

(Plus de notes de lecture de mes romans ici.)

Capture d'écran : post Instagram avec la photo de la couverture du roman

Le prix de l’intégrité : dire non à un éditeur

Tableau du XVIIIe siècle : Explosion dans une cathédrale, par Monsu Desiderio

Il y a des propositions qui font toujours plaisir à entendre. « Votre roman m’a intéressé », par exemple. Ne me dites pas que vous, vous n’auriez pas le cœur qui bat ! Bien sûr, c’est souvent suivi par un « mais »… Et au final un refus poli.

Pas toujours, pourtant. Quand je faisais la tournée des maisons d’édition avec le manuscrit de mon roman Du sang sur les dunes, j’ai reçu assez rapidement une réponse d’un des éditeurs me disant qu’il était intéressé et que moyennant quelques modifications, il pouvait en envisager la publication. Du sérieux, en somme ?

J’étais vraiment tentée, d’autant que pour être honnête, c’était le troisième roman que je tentais de placer en trois ans, après un long hiatus pendant lequel j’avais cessé d’écrire. Il semblait que ça devait être maintenant ou jamais…

Cependant j’ai pris le temps de réfléchir. Les modifications qu’on me demandait auraient nécessité un travail important, sans certitude d’être publiée au bout. Et puis surtout, j’ai jeté un second coup d’œil à cette maison d’édition.

J’ai raconté ailleurs comment j’ai procédé pour trouver des éditeurs susceptibles d’être intéressés par mon roman : en allant en librairie et en regardant qui publiait des livres du même type. Ça m’a donné le nom de plusieurs maisons que je ne connaissais pas encore, et l’une d’entre elles était celle qui me contactait aujourd’hui. J’ai regardé attentivement son catalogue en ligne, dans l’espoir d’avoir une idée sur la politique actuelle de la maison et d’évaluer mes chances d’être publiée.

C’est là que j’ai réalisé que s’il publiait en effet des romans historiques, il y avait toute une partie de sa ligne éditoriale que je n’avais pas envie de voir associée à mon nom, ni de près ni de loin : des ouvrages d’extrême-droite, certains à prétention historique, essayant de réhabiliter Pétain ou la colonisation, d’autres plutôt dans une veine complotiste à la Trump…

Non merci. J’ai passé mon chemin, et continué à chercher un éditeur. Bien m’en a pris, comme on sait !

(Oui, je sais, j’aurais pu regarder de près plus tôt… Personne n’est parfait.)

Mais ce n’est pas de ce seul bord politique que peuvent venir les dilemmes. À peu près au même moment, j’étais en discussion avec un autre éditeur à propos d’un autre roman que j’essayais de faire publier, l’histoire d’une femme soldat sous la Révolution française. J’ai déjà parlé de ma source d’inspiration, Marie-Angélique Duchemin, la première femme à recevoir la Légion d’honneur.

L’ennui, c’est que cet éditeur avait une idée différente de ce que devait être le sujet du livre : « Mais ce qui est intéressant, m’a-t-on dit, c’est que c’est une histoire d’identité de genre »… Et d’essayer de me convaincre de changer le récit pour coller à ce prisme de lecture.

Or ce n’était pas du tout ce que je voulais faire. Il ne s’agit pas d’une femme qui ne veut pas être une femme, mais qui investit un champ d’activité traditionnellement masculin, poussée par des motivations complexes mais pas si différente de celles des autres volontaires de 1792. Si on y regarde de près, c’est même un sacré retour des stéréotypes, sous couvert de progressivisme.

Au final, j’ai décliné de travailler avec cet éditeur. Mon roman sur la Révolution n’a jamais vu le jour sous sa forme originelle, mais j’en ai utilisé des parties pour Du sang sur les dunes, et le roman que je suis actuellement en train d’écrire devrait reprendre la principale protagoniste.

L’intégrité a un coût, mais il y a des arrangements. Et certains personnages ne se laissent pas facilement mettre de côté.

Énigmes historiques, énigmes policières

Trois romans policiers, mais aussi trois explorations de certains angles morts de l’Histoire :

– Pourquoi Napoléon n’a-t-il pas pu envahir l’Angleterre en 1805 ? (Du sang sur les dunes)

– Qui pouvait souhaiter la mort du petit Louis XVII ? (Mort d’une Merveilleuse)

– Avait-on vu venir la trahison du général Pichegru ? (Coup de froid sur Amsterdam)

Questions simples mais réponses qui peuvent emmener loin dans les tréfonds d’une époque, parmi les intrigues politiques et les drames humains.

J’en ai d’ailleurs parlé encore récemment sur le podcast Timeline 5000 Ans d’Histoire, où j’étais invitée pour parler de mon dernier roman :

Je ne prétends pas faire œuvre d’historienne… Quoique, dans certains cas, je pense avoir apporté ma pierre à l’édifice, sur des sujets que l’historiographie sérieuse avait traité un peu rapidement (du moins en France, car à propos de l’affaire de la flotte du Helder, les sources hollandaises ne laissent pas vraiment de doutes).

Qu’en disent les lecteurs jusqu’ici ? Plutôt du bien, tant pour la qualité de lecture que pour la reconstitution historique. Pas mal pour un début ! Car je n’ai pas l’intention de m’arrêter dans cette série.  Il y a toujours de nouvelles questions en suspens, et de nouveaux mystères à creuser.

Coup de froid sur Amsterdam, roman policier historique par Irène Delse, ISBN 978-2915543841, paru le 16 février 2024 aux Éditions du 81. Disponible chez CulturaGibert, La Procure, à la Fnac ou au Furet du Nord, chez Decitre, sur Amazon, et bien sûr chez des libraires indépendants.