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Les films français pas téléchargés? À la place de Gaumont et Co., je serais embêtée

Zut, alors! Où va-t-on si nos cinéastes et producteurs nationaux se réjouissent que les internautes s’intéressent si peu aux films du cru qu’ils ne prennent même pas la peine de les télécharger? Et pourtant, c’est ce dont le rapport financier annuel de Gaumont se vante:

« Entre le 15/05 et le 15/12/11, aucun film français téléchargé sur le Web » (Cf. PC INpact)

Bonjour le « rayonnement » de la culture française. Et quid de l’intérêt des artistes – et des entreprises de l’industrie culturelle? On a encore vu ce mois-ci une énième étude montrant un lien entre le « piratage » en ligne et le succès commercial des œuvres. Plus les gens sont curieux à propos d’un nouveau titre, plus ils sont nombreux à chercher à jeter un œil et/ou une oreille dessus, même avant sa sortie. Et de créer le buzz. Et de susciter encore plus de curiosité, donc de clients potentiels… Faut-il continuer?

Détail qui tue: vu que le rapport affirme aussi qu’un internaute flashé par l’Hadopi a commis une « contrefaçon », alors que le délit n’est pas encore avéré, faute de procédure ayant abouti et d’avis des tribunaux… et que de toute façon il s’agirait alors d’un « défaut de sécurisation » de la connexion Internet…

On se dit que ce n’est pas très sérieux, tout ça. Et qu’à la place des actionnaires de Gaumont, Pathé et consorts, on se poserait quelques petites questions.

Juste une idée, comme ça… 😉

Le gros, gros fichier juridico-policier où mon nom doit traîner (qui sait)

Souriez, vous êtes fiché(e)s! Enfin, probablement. Oh, pas de quoi en faire un drame: 68% des résidents en France, soit 44,5 millions de personnes, adultes et mineurs, sont logés à la même enseigne!

En tant que suspects, mais aussi victimes, personnes disparues, « antécédents judiciaires » divers… C’est le « Nouveau Système d’Information destiné à l’Investigation (NS2I) », cadeau d’adieu empoisonné de Claude Guéant, discrètement publié le 6 mai à l’extrême fin de la campagne électorale. Tiens donc.

Au final, un gros fourre-tout, façon usine à gaz, qui doit être alimenté par les fichiers de police (STIC) et de gendarmerie (JUDEX) existants, et interconnecté avec un fichier judiciaire (Cassiopée) – chacun apportant à l’édifice leurs bugs et informations erronées ou périmées. Par exemple, plus d’un million d’acquittements, non-lieux, relaxes et classements sans suite qui n’ont pas été enregistrés, les personnes concernées étant donc toujours étiquetées « mis en cause ». C’est bête, ça.

Comme le reconnaissent discrètement certains policiers, en tant qu’outil de travail, “le STIC est tellement peu fiable qu’on ne peut rien en faire“.

Et la CNIL? Elle pointe les erreurs (aux derniers chiffres parus, en 2010, 79% des dossiers du STIC comportaient des informations inexactes) et fait des recommandations, mais c’est plutôt resté au niveau du vœu pieux. Et encore… Le fichier avait été créé sans déclaration préalable à la CNIL, donc dans l’illégalité. La régularisation s’est faite ensuite, après fait accompli.

Avec l’application Cassiopée, « trou noir de la justice française », « grand bug informatique » ralentissant les procédures, on n’est pas mieux loti. Il faut dire que les procureurs, comme les magistrats en général, sont notoirement surchargés. Et la politique du chiffre dans la police est… comment dire… plus propice à l’accumulation de données qu’à leur tri sélectif.

Des rapports parlementaires (dont celui co-signé par Delphine Batho) avaient bien mis le doigt là où ça fait mal. L’interconnexion des différents fichiers au sein du méga-méta-fichier NS2I aurait dû être l’occasion de nettoyer tout ça…

Enfin, en principe. Au Syndicat de la Magistrature, on n’est pas optimiste au sujet des capacités de l’administration à mettre de l’ordre dans ce bazar: « on en a encore pour des années », « peut-être que dans 10 ans ça ira mieux », etc. On déplore aussi le manque de sécurisation d’un système qui gère des données confidentielles, et on appelle à la vigilance.

Après tout, c’est un fichier qui peut servir à bien des choses. Mettre des bâtons dans les roues de l’indépendance de la justice, par exemple: en donnant au ministre accès aux statistiques sur l’activité des juges, permettant à un gouvernement obsédé par le tout-répressif d’identifier les « laxistes » qui ne croient pas à l’efficacité des peines plancher. Juste une hypothèse, hein?

Et puis il y a le potentiel pour les déstabilisations politiques: le ministre peut saisir un procureur pour consulter le fichier – et se procurer des informations confidentielles sur n’importe quel quidam.

Joyeuse perspective. Et un sacré chantier piégé laissé en héritage à la nouvelle Garde des sceaux, Mme Taubira.

En passant

Pourquoi le blocage des sites pédo-pornographiques est-il inefficace? Réponse de la sénatrice PS Virginie Klès au webzine Owni: «C’est comme si vous vouliez arrêter des avions en plein vol avec des barrages de voitures en espérant qu’ils vont passer par … Lire la suite

Pourquoi les gens du voyage? Pensez listes électorales…

Pourquoi le pouvoir, en France, a-t-il choisi de taper sur les gens du voyage (d’ailleurs confondus un peu vite avec les Roms, qui ne vivent pas forcément de façon nomade)? Pourquoi l’Élysée a-t-il refusé hier de recevoir leurs associations?

On comprend facilement la recherche de boucs émissaires pour détourner l’attention des scandales en cours. On comprend aussi que l’exécutif et ses relais UMP jouent sur du velours, vu que les nomades (réels ou supposés) sont encore et toujours vus avec suspicion dans un pays où un présidentiable, puis en président, ne craint pas de reprendre le concept, cher à Mauriac et Pétain, de la terre-qui-ne-ment-pas.

Le bon Français enraciné contre le métèque apatride, voleur de poules, criminogène… Vieux cliché, mais qui hélas continue à titiller les vieux réflexes.

Pire, l’Union européenne dans son ensemble n’offre pas un tableau glorieux. Les Roms, Gitans, Tziganes ou Yéniches sont encore et toujours mal considérés, mal traités, soumis à des vexations administratives diverses mais aussi à la violence raciste, vivant de façon précaire, en marge du marché du travail.

L’une des conséquences les plus perverses de cette précarité et de cette méfiance institutionnelle, c’est qu’il leur est particulièrement difficile de s’inscrire sur les listes électorales, donc d’accéder à un réel poids politique dans les pays où ils vivent.

Il faut lire cet article de RFI sur les conditions de vie en France des gens du voyage.

Il s’agit de citoyens français et pourtant, ils ont un statut d’exception. Au quotidien, ils ne sont en effet pas soumis aux mêmes règles qu’un citoyen français lambda, et ce dans plusieurs domaines comme l’explique Milot.

«Il faut savoir que nous, gens du voyage, nous vivons avec un carnet de circulation. Ce carnet, on est obligé de l’avoir, et on doit également, tous les trois mois, aller à la police ou à la gendarmerie pour le faire signer. Il faut attendre trois ans pour avoir un droit de vote. Il y a des quotas dans les communes où on est rattachés, c’est-à-dire qu’il ne peut pas y avoir plus de 3% de gens du voyage… Et tout ça, ça crée du racisme et de la discrimination».

Du côté de la ligue des droits de l’homme, on parle même de «droit policier». Malik Salemkour prend l’exemple du droit de vote.

«Pour s’inscrire sur les listes électorales, vous et moi, il nous faut six mois de résidence dans une commune. Même chose pour les SDF. Un sans domicile fixe domicilié dans un centre d’action social peut voter au bout de six mois. Mais pour les gens du voyage, détenteurs d’un carnet et d’un livret de circulation, il leur faut trois ans de rattachement continu à une commune… ce qui est évidemment un frein à la citoyenneté».

Un frein à la citoyenneté, à l’exercice normal des droits et devoirs de tout membre de la communauté nationale. Un frein à la libre expression des opinions politiques et du droit de participer au choix des élus qui nous gouvernent. Bref, une exclusion de fait du statut de citoyen.

Faut-il s’étonner si l’exécutif, d’ordinaire si attentif à toute revendication communautaire ou corporatiste, se ferme cyniquement yeux et oreilles quand il s’agit des nomades?

P.S. du 30/07: Ne pas manquer non plus le billet de MicroCassandre sur les idées reçues à propos des gens du voyage, et ce qu’il en est en réalité.

Liens du jour : surveillés sur le Net, surveillés IRL ‒ et en plus il faudrait aimer ça…

Salade de liens. Parce qu’après un dimanche passé à batailler avec des pilotes de carte graphique, Ethernet et autres, il ne me reste plus beaucoup d’énergie pour bloguer.

Heureusement, on peut encore en rigoler.

  • Un peu d’auto-défense intellectuelle avec Champignac : appelons un chat un chat, et la vidéo-surveillance par son nom.
  • Théâtre de la sécurité : vous refusez d’être déshabillé(e), ou tout comme, par un scanner corporel, sous les yeux pas toujours désintéressés d’agent(e)s de la PAF ? Vous ne prendrez pas l’avion.
  • En Grande-Bretagne, 10% des lycées ont installé des caméras dans les toilettes. Au prétexte de lutter contre le vandalisme. Hum. Vous avez dit cercle vicieux ?
  • Aux USA, le distributeur en ligne grand public Netflix a voulu imposer des DRM sur son œuvre à la cinéaste indépendante Nina Paley. Qui a connu le succès sur le Net pour le film d’animation Sita Sings the Blues, sorti en Creative Commons après une longue bataille de copyright. Fidèle à elle-même et à ses fans, Paley a pris une décision courageuse : envoyer paître le distributeur.

Ah, les joies du XXIe siècle…