La première séparation des églises et de l’État en France

La loi de 1905 ? Non, bien avant ! La première séparation de ce genre date de 1794 (An II), sous la Convention thermidorienne, donc pas très longtemps après la chute de Robespierre.

Cela fait partie de l’arrière-plan de mes romans Mort d’une Merveilleuse et Coup de froid sur Amsterdam (aux Éditions du 81).

Petit rappel : la Révolution n’avait au départ aucun plan pour établir un régime laïque. La constitution civile du clergé de 1790, qui a mis la feu aux poudres avec les catholiques, prévoyait que la nation devrait désormais salarier les prêtres, bref que le culte serait désormais un service public. On sait que cela n’a pas été un grand succès, l’église constitutionnelle se trouvant un peu entre le marteau révolutionnaire et l’enclume de la tradition. Et d’autres initiatives, comme la promotion du culte de l’Être suprême ou de la déesse Raison n’ont pas rencontré un grand succès dans la population.

D’autre part, l’Assemblée nationale avait promulgué la liberté religieuse et la liberté de conscience avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et confié l’état-civil aux communes, à la place des registres paroissiaux (qui par définition excluaient les protestants et les juifs). De cette façon, non seulement cela mettait fin à une discrimination envers les minorités religieuses, mais cela ouvrait à tous la possibilité de ne pas avoir de religion du tout sans être pénalisé. Cela ouvrait un espace commun national non relié à une foi, laïque, en somme.

Or l’État en l’an II n’avait plus d’argent. On a donc supprimé le financement de l’église constitutionnelle, en laissant chaque culte se débrouiller pour s’organiser, du moins dans certaines limites.

Les manifestations publiques des cultes en revanche devaient en effet être soumises à autorisation, ce qui ne plaisait pas du tout aux catholiques on l’imagine, qui auraient voulu conserver pour eux leurs édifices et à qui on imposait de les partager une partie du jour ou de la semaine avec d’autres cultes… Cela pouvait donner lieu à des affrontements physiques, dont les archives de la police parisienne ont gardé la trace.

Je ne me suis pas gênée pour utiliser un incident de ce genre, le face à face tendu entre les fidèles catholiques de l’église Saint-Gervais à Paris et une congrégation théophilanthropique, une sorte de secte d’inspiration philosophique qui se trouve avoir un peu le vent en poupe en 1797 parce certains officiels y avaient adhéré. Les avatars de l’Être suprême avaient d’une certaine façon survécu à Robespierre. Mais au moins ce n’était plus une religion d’État.

Au contraire, l’État ne salariait et ne reconnaissait aucun culte… Une formule qui serait reprise un peu plus d’un siècle plus tard, après trois autres révolutions et demi-douzaine de régimes différents.

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