Désir et sensibilité : qui a peur des romances gaies ?

Couverture du roman Mort d'une Merveilleuse : une jeune femme brune en robe blanche légère, couronnée de fleurs

Le public a toujours raison. On a beau écrire ce qu’on veut, on ne maîtrise pas les réactions de nos lectrices et lecteurs, c’est une vérité qu’il est bon de garder en tête. Sans se désespérer pour autant.

Il y a un proverbe bien de chez nous qui dit qu’on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif. Eh bien, on ne peut pas non plus toujours embarquer tout le monde dans l’histoire que l’on raconte : la sensibilité des gens varie, et les rend plus ou moins susceptibles d’être touchés par vos personnages, votre univers.

J’ai pu toucher du doigt ce phénomène avec mon roman Augusta Helena ainsi que certains de ceux consacrés aux aventures du capitaine Dargent, Du sang sur les dunes et Mort d’une Merveilleuse. La plupart des retours de lecture sont par exemple très positifs sur le côté reconstitution historique, le dépaysement donné par l’immersion dans une autre époque… Mais il y en a toujours un ou deux au contraire pour dire que ça fait trop de détails inutiles, qu’ils préfèreraient ne pas être distraits ainsi !

Même chose au sujet des relations des personnages. Dans chacun de ces romans, l’un des fils parallèles de l’intrigue concerne une histoire d’amour, réelle ou en germe, entre deux personnages masculins. C’est là que certains lecteurs achoppent. Et je dis bien ici des lecteurs, pas des lectrices : pour l’instant, je n’ai eu ce genre de réactions que de messieurs.

Curieux. Est-ce le fait que les hommes n’ont pas l’habitude des histoires où un homme se retrouve à son tour objet de désir ? Le schéma habituel met en scène un acteur, le séducteur, et sa cible, la femme. La plupart des romans sentimentaux reprennent plus ou moins cette formule, quel que soit le point de vue du personnage adopté : l’homme qui remarque une femme dont il tombe amoureux, ou la femme qui s’éveille à l’amour quand elle découvre qu’elle est aimée…

Dans une histoire d’amour entre personnes de même sexe, évidemment, il n’y a pas cette distribution des rôles. Ou plutôt les rôles sont tenus par des acteurs qui peuvent être aussi bien séducteurs que séduits.

Quant aux lectrices, elles semblent avoir moins de mal à s’identifier avec un personnage qui est lui-même objet de désir, même quand ce personnage n’est pas une femme. Curieux mais pas totalement surprenant. Tout se passe comme s’il y avait une certaine sensibilité plus importante que le moi physique, une sensibilité aux sentiments et un désir qu’on vous désire, qui fait qu’on est sensible à ce que vit un personnage quel que soit son sexe. J’ai d’ailleurs entendu ces réactions positives aussi bien de la part de lesbiennes que de femmes hétéro.

Je suis sûre que cette sensibilité se retrouve aussi chez un certain nombre d’hommes, gays ou pas. Mais il semble que ce soit plus difficile à trouver… Ou à créer ? L’une de mes ambitions, en écrivant ces histoires, est aussi de varier les figures classiques des histoires d’amour, y compris en évoquant les diverses façons dont elles peuvent échouer, quand le désir des uns et des autres n’est pas en phase… Des anti-romances, en quelque sorte, où on parle aussi du cas de gens qui sont mal à l’aise avec l’amour et qui doivent naviguer sans boussole dans le monde des sentiments.

Certains trouveront cela frustrant, ou au contraire touchant… Affaire de sensibilité !

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