Agents ou coachs littéraires, intérêts en conflit

Vous voulez publier mais vous n’êtes pas introduit dans le sérail de l’édition ? Vous avez un roman dans votre tiroir, ou un scénario, ou un recueil de recettes ? Ou bien peut-être que vous avez déjà un ou deux textes publiés à votre actif, mais vous pensez que l’éditeur actuel ne les met pas assez en valeur ? Vous voulez aller plus loin dans la carrière des lettres ?

Dans tous les cas, il ne serait pas étonnant que vous ouvriez votre moteur de recherche favori pour y taper les mots magiques : « agents littéraires ».

Hélas, avant que les résultats ne vous fassent danser des étoiles devant les yeux, arrêtons-nous un peu sur la définition du dit agent. Car il n’y a pas que des protagonistes potentiels de la série Dix pour cent dans la liste. Faisons le point.

L’agent, ou agente littéraire (il y a pas mal de femmes dans le métier), on connaît : c’est une personne qui propose ses services pour mettre en relation les auteurs et les éditeurs. Un peu comme les agents artistiques pour la musique, le cinéma ou le théâtre, ce sont des intermédiaires qui connaissent très bien le milieu et qui savent où et avec qui tel créateur a le plus de chance de trouver du succès. Une valeur ajoutée qui se paie : typiquement, l’agent demande à l’écrivain ou l’écrivaine de lui reverser un petit pourcentage des rémunérations obtenues grâce à son concours. Et c’est normal : sans le travail de l’agent, l’auteur n’aurait pas eu les mêmes opportunités et aurait sans doute gagné beaucoup moins.

Corollaire important : si l’agent ne parvient pas à vous trouver un contrat d’édition ou d’adaptation, alors l’agent ne touche pas non plus de rémunération. Donnant, donnant. Pas d’argent si pas de contrat. Une question de transparence et d’intégrité.

Logo de l'Alliance des agents littéraires français (AALF) et du SFAAL (Syndicat français des agents artistiques et littéraires)

Ces agents sont répertoriés comme tels au SFAAL (Syndicat français des agents artistiques et littéraires) et travaillent avec des professionnels de l’édition ou de l’audiovisuel. Beaucoup n’ont pas de contact direct avec les auteurs mais servent d’intermédiaires quand un éditeur cherche des opportunités de traduction à l’étranger ou d’adaptation cinéma ou télé. Du moins en France, où les agents qui représentent des écrivains sont assez peu nombreux. La profession est beaucoup mieux établie en Angleterre, au Canada, et bien sûr aux USA. Chez nous, il y a encore cette mystique de la relation privilégiée entre auteurs et éditeurs, pour le meilleur comme pour le pire. Néanmoins il y a quelques agences littéraires qui ont pignon sur rue à Paris, et pas seulement pour les écrivains dont tout le monde a entendu parler, les grands noms des prix littéraires et des plateaux télé. Il n’est pas impossible, au moins en théorie, pour un ou une débutante d’intéresser une agence et de mettre ainsi le pied à l’étrier.

Mais revenons à notre liste de résultats de recherche. Parmi eux, certains prestataires s’intitulent « agent » mais proposent d’autres services : conseiller ou coach éditorial… Contre rémunération, bien sûr.

C’est là qu’il faut être très clair. La garantie offerte à l’auteur par un agent littéraire classique, c’est de ne pas demander d’argent avant de lui avoir trouvé un éditeur. C’est un puissant incitatif ! De cette façon, l’intérêt de l’agent et celui de l’auteur coïncident, et tout le monde sait où il en est. Mais un prestataire du type coach se fait payer pour relire les manuscrits, conseiller des changements, guider dans la recherche d’éditeurs… Tout cela sans garantie de résultat.

Dit autrement, quand un auteur passe par un agent pour trouver un éditeur, lui et l’agent se rémunèrent sur ce que verse au final l’éditeur, tandis qu’un auteur qui prend un coach avance des fonds et n’est absolument pas sûr de rentrer ensuite dans son argent.

Une différence de taille. On peut même parler de conflit d’intérêt, puisque celui de l’auteur et celui du coach divergent : le coach sera payé même si l’auteur ne trouve jamais d’éditeur, et donc il n’y a pas vraiment pour lui d’incitation à l’efficacité. C’est une constatation, pas une accusation, je le précise. Juste la description d’un état de faits.

Ces prestataires sont souvent des gens qui ont travaillé dans des maisons d’édition et qui ouvrent une activité indépendante, mais il y a aussi des entreprises plus grosses, avec de véritables plateformes de services où les auteurs sont invités à s’inscrire gratuitement au début, sans engagement… En pratique cependant, il faudra mettre la main à la poche pour bénéficier de plus que le strict minimum. Chez Edith Et Nous, par exemple, on peut s’inscrire gratuitement et mettre un manuscrit sur la plateforme, mais si on veut que plus de 5 éditeurs le lisent, il faut payer l’abonnement. Librinova est une autre forme de service hybride puisqu’il s’agit aussi d’un prestataire d’autoédition.

En fait, la logique de ces coachs n’est pas celle de l’auteur classique qui cherche à être édité à compte d’éditeur, mais celle de l’auteur entrepreneur, celui ou celle qui envisage de s’autoéditer.

On passe là dans un autre monde, et c’est important de le réaliser. Dans le schéma traditionnel, c’est l’éditeur qui est un entrepreneur, qui fait la mise de fond pour fabriquer et mettre en vente les livres. Les auteurs apportent leurs textes, pas leur argent. En contrepartie, l’éditeur est décisionnaire absolu pour tout ce qui est commercial, depuis le choix de publier ou non le livre jusqu’au visuel de couverture.

Si l’auteur décide de prendre les choses en main, il devient son propre éditeur, qu’il passe ou non par un prestataire. Avec l’Internet, de nos jours, c’est fréquemment le cas : il est plus pratique d’utiliser une plateforme comme celles d’Amazon, Le Publieur, Librinova ou Les Éditions du Net, pour n’en citer que quelques unes, que de tout faire par soi-même, depuis la maquette du livre jusqu’au choix de l’imprimeur. Ces services sont plus ou moins efficaces, plus ou moins simples à utiliser, mais une personne qui sait où elle veut aller et a quelque talent pour la promotion de son livre peut en tirer parti de façon spectaculaire. On a tous en tête quelques exemples d’auteurs autoédités qui ont tiré leur épingle du jeu. Mais l’auteur fait toujours une mise de fond au départ, en temps, en argent, ou les deux

Reste que les services offerts par Edith Et Nous et autres coachs font un peu du mélange des genres : ils proposent un avis professionnel sur le manuscrit, des conseils d’amélioration du texte, ce qui peut être un bon investissement pour un auteur qui veut s’autoéditer, mais ils se présentent aussi comme des intermédiaires pour trouver un éditeur classique… Attention aux mirages !

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