Où je contredis encore un peu quelques historiens

Écran d'accueil de la vidéo YouTube : La charge du Texel, avec dessin d'un hussard changeant sabre en main

Coup de froid sur Amsterdam, mon roman à paraître le 16/02, extrait du chapitre XVII :

« Antoine s’arrêta en haut d’un monticule d’où le vent avait balayé la neige, laissant apparaître les touffes rêches des roseaux des sables. Le soleil se levait peu à peu dans le vaste ciel vide, découvrant un tableau peu commun : les grands navires au mouillage, toutes voiles ferlées, avec le givre qui blanchissait les haubans, et une mer d’un gris glauque, immobile, où des gens… 

— Regarde, Silvère, s’écria-t-il, tout est gelé ! Nos hussards campent sur la glace au pied des vaisseaux ! Les Anglais ne risquent pas de s’en emparer ! 

Le camarade se frotta les yeux, incrédule : 

— Mais c’est la pleine mer ? 

— Plutôt un chenal entre la pointe nord de la Hollande et l’île la plus proche. Un détroit où la flotte s’était abritée… Et s’est retrouvée piégée. »

C’est un épisode frappant des guerres de la Révolution : en janvier 1795, l’hiver était si rude que les cours d’eau des Pays-Bas et même des bras de mer ont gelé. Des bateaux au mouillage ont même été pris au piège… Et, selon ce qu’on raconte, ils ont été arraisonnés par une charge de cavalerie sur la glace ! L’histoire a été rapportée par l’historien militaire Jomini ainsi que par certains vétérans de cette épopée, et ensuite Alexandre Dumas l’a popularisée en l’incluant dans son monumental roman Les Blancs et les Bleus.

Cette version a encore récemment été répercutée par une vidéo d’animation sur le site de la Fondation Napoléon. Il faut avouer qu’il y a de quoi enflammer l’imagination !

Mais qu’y a-t-il de vrai dans tout ça ? Des cavaliers contre des vaisseaux de ligne, vraiment ? N’est-ce pas un peu trop beau pour être vrai ?

Je crois que je vais encore attrister quelques passionnés d’histoire, du moins en France…

C’est dans les sources néerlandaises qu’il faut chercher un peu de lumière. (NB : elles ont été exploitées par l’historiographie anglo-saxonne, mais pas trop la française…) En réalité, au matin du 23 janvier, quand les Français sont arrivés au Helder, l’armée hollandaise avait déjà depuis quelques jours déposé les armes, et les nouvelles autorités en charge du pays étaient des alliés de la France. Et elles n’ont pas perdu de temps pour envoyer aux forces armées isolées ici et là l’ordre de se rendre sans combat. Notamment les vaisseaux de guerre mouillés à l’extrémité nord de la Hollande. Le but était à la fois d’éviter un bain de sang inutile et de se prémunir contre l’entreprise d’officiers favorables à l’ancienne administration, qui auraient pu espérer se faire oublier et s’échapper pour rejoindre l’Angleterre au premier dégel.

D’où l’envoi d’un corps de hussards, en toute hâte, pour porter ce double message. Les Français n’ont donc pas réellement eu à combattre, juste à se faire reconnaître et surveiller l’application de la capitulation prévue.

C’est ainsi, dans la vie : quand une histoire est trop belle pour être vraie… Elle est souvent trop belle tout court.

Mais cela ne m’a pas empêché de mettre dans mon roman la version hollandaise. Elle est moins spectaculaire mais au fond pas moins révélatrice des réalités de l’Histoire.

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