Le prix de l’intégrité : dire non à un éditeur

Tableau du XVIIIe siècle : Explosion dans une cathédrale, par Monsu Desiderio

Il y a des propositions qui font toujours plaisir à entendre. « Votre roman m’a intéressé », par exemple. Ne me dites pas que vous, vous n’auriez pas le cœur qui bat ! Bien sûr, c’est souvent suivi par un « mais »… Et au final un refus poli.

Pas toujours, pourtant. Quand je faisais la tournée des maisons d’édition avec le manuscrit de mon roman Du sang sur les dunes, j’ai reçu assez rapidement une réponse d’un des éditeurs me disant qu’il était intéressé et que moyennant quelques modifications, il pouvait en envisager la publication. Du sérieux, en somme ?

J’étais vraiment tentée, d’autant que pour être honnête, c’était le troisième roman que je tentais de placer en trois ans, après un long hiatus pendant lequel j’avais cessé d’écrire. Il semblait que ça devait être maintenant ou jamais…

Cependant j’ai pris le temps de réfléchir. Les modifications qu’on me demandait auraient nécessité un travail important, sans certitude d’être publiée au bout. Et puis surtout, j’ai jeté un second coup d’œil à cette maison d’édition.

J’ai raconté ailleurs comment j’ai procédé pour trouver des éditeurs susceptibles d’être intéressés par mon roman : en allant en librairie et en regardant qui publiait des livres du même type. Ça m’a donné le nom de plusieurs maisons que je ne connaissais pas encore, et l’une d’entre elles était celle qui me contactait aujourd’hui. J’ai regardé attentivement son catalogue en ligne, dans l’espoir d’avoir une idée sur la politique actuelle de la maison et d’évaluer mes chances d’être publiée.

C’est là que j’ai réalisé que s’il publiait en effet des romans historiques, il y avait toute une partie de sa ligne éditoriale que je n’avais pas envie de voir associée à mon nom, ni de près ni de loin : des ouvrages d’extrême-droite, certains à prétention historique, essayant de réhabiliter Pétain ou la colonisation, d’autres plutôt dans une veine complotiste à la Trump…

Non merci. J’ai passé mon chemin, et continué à chercher un éditeur. Bien m’en a pris, comme on sait !

(Oui, je sais, j’aurais pu regarder de près plus tôt… Personne n’est parfait.)

Mais ce n’est pas de ce seul bord politique que peuvent venir les dilemmes. À peu près au même moment, j’étais en discussion avec un autre éditeur à propos d’un autre roman que j’essayais de faire publier, l’histoire d’une femme soldat sous la Révolution française. J’ai déjà parlé de ma source d’inspiration, Marie-Angélique Duchemin, la première femme à recevoir la Légion d’honneur.

L’ennui, c’est que cet éditeur avait une idée différente de ce que devait être le sujet du livre : « Mais ce qui est intéressant, m’a-t-on dit, c’est que c’est une histoire d’identité de genre »… Et d’essayer de me convaincre de changer le récit pour coller à ce prisme de lecture.

Or ce n’était pas du tout ce que je voulais faire. Il ne s’agit pas d’une femme qui ne veut pas être une femme, mais qui investit un champ d’activité traditionnellement masculin, poussée par des motivations complexes mais pas si différente de celles des autres volontaires de 1792. Si on y regarde de près, c’est même un sacré retour des stéréotypes, sous couvert de progressivisme.

Au final, j’ai décliné de travailler avec cet éditeur. Mon roman sur la Révolution n’a jamais vu le jour sous sa forme originelle, mais j’en ai utilisé des parties pour Du sang sur les dunes, et le roman que je suis actuellement en train d’écrire devrait reprendre la principale protagoniste.

L’intégrité a un coût, mais il y a des arrangements. Et certains personnages ne se laissent pas facilement mettre de côté.

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