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Noël avant Noël avec les Saturnales

Toile d'Antoine Callet (1783) offrant une représentation des fêtes de Saturne à Rome

Toile d’Antoine Callet (1783) offrant une représentation des fêtes de Saturne à Rome (Wikimedia)

Le solstice d’hiver est passé dans l’hémisphère nord, les jours rallongent, promesse de renouveau. De tout temps, ou du moins depuis que les sociétés humaines dépendent du cycle de la végétation pour leur subsistance, cet événement astronomique banal est devenu l’occasion de fêtes populaires, par la suite incorporées plus ou moins harmonieusement aux religions du Livre. Notre Noël n’y fait pas exception.

En écrivant un roman situé dans l’Antiquité romaine, sous l’empereur Constantin (IVe siècle), je ne pouvais évidemment pas rater un épisode sur les fêtes de Saturne, ou Saturnalia, que l’on célébrait fin décembre :

« Que Saturne libéré de ses liens,

Que décembre alourdi de vin,

Que les jeux riants et les bons mots m’assistent,

Tandis que je veux chanter le jour béni

Où César est en joie en cette nuit d’ivresse ! » (Stace, Silves, 1, 6.)

Mais on était à l’époque charnière où l’Empire romain devenait chrétien, et il ne serait bientôt plus possible de célébrer comme tel Saturne, dieu du renouveau, du cycle de la vie et de la mort, auquel on faisait des offrandes pour avoir de bonnes récoltes dans l’année à venir.

Déjà, les chrétiens avaient placé le 6 janvier, à peu près deux semaines après le solstice, la fête de l’Incarnation de Jésus-Christ, pour célébrer la venue sur terre du Sauveur. Vers la fin de ce même IVe siècle, on fixerait au 25 décembre la Nativité, ce qui avait l’avantage de correspondre à la fin des Saturnales ainsi qu’à une autre « nativité », celle du du dieu solaire Mithra, extrêmement populaire parmi le peuple et les soldats. Et le solstice était aussi le point d’orgue des Brumalia, festival agricole en l’honneur de Bacchus, et bien sûr la grande fête de Sol Invictus, divinité syncrétique des différents cultes solaires. On garda donc le jour, mais on changea de dieu.

On continua donc de banqueter, boire, offrir des cadeaux, souhaiter des vœux de bonne santé, décorer les maisons du feuillage toujours vert du gui, du sapin et du houx, faire des feux de joie, chanter, jouer aux dés et aux osselets, dans une atmosphère de camaraderie où les rangs de la société étaient pour un temps suspendus : maîtres et esclaves, riches et pauvres, adultes et enfants, clercs et laïcs, tous partageant un peu de la fraternité et de l’absence de soucis de l’Âge d’Or sur lequel le vieux Saturne était censé régner.

Et les chrétiens n’étaient sûrement pas les derniers à l’époque à se coiffer de guirlandes de lierre en guise de prévention contre la gueule de bois.