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Le roman et les nouvelles

Couverture du roman "Du sang sur les dunes" par Irène Delse : bateaux à voile près d'une jetée, mer agitée

Le 20 août 2021 paraissait mon premier roman policier, Du sang sur les dunes, aux Éditions du 81. Mais ce n’est pas le seul texte qui se rattache à l’univers d’Antoine Dargent et à son époque. J’ai aussi commis quelques nouvelles ! On peut les lire ici même, sur ce blog. Je les ai mises en ligne après une première publication, généralement dans un cadre non commercial :

Premier Noël, dernier Noël (petit conte écrit pour un atelier d’écriture à tendances oulipoesques, d’où certaines curiosités dans le vocabulaire utilisé)

Une leçon de Terreur (beaucoup plus sombre, un texte écrit en 2020 pour un « Spécial Halloween » de Rocambole, qui n’était pas encore devenu Doors)

Un artiste en son genre (atelier d’écriture encore ; je m’étais bien amusée)

(Pour ceux et celles qui veulent en lire plus, je signale aussi la page Textes de fiction, pour les liens vers des nouvelles dans d’autres univers.)

Spécial Halloween : « Une leçon de Terreur », nouvelle par Irène Delse (gratuit)

Début du texte du roman : "Un homme courait dans la nuit, ombre indistincte au milieu des dunes..."
Mon roman Du sang sur les dunes, aux éditions du 81. Restons dans le sombre…

C’est une courte nouvelle que j’ai écrite l’an dernier pour un spécial Halloween de Rocambole, l’appli de lecture, mais dont j’avais conservé les droits. La voici donc ici en entier, histoire de bien préparer la fête des frissons et des maléfices, la semaine prochaine. Je préviens tout de suite : même s’il n’y a pas de descriptions graphiques, la fin est sombre, très sombre. Je n’en dis pas plus : ce sera assez rapidement évident d’après le texte lui-même.

Une dernière chose : est-ce qu’Antoine Dargent, dans cette nouvelle, est le même que le personnage principal de Du sang sur les dunes ? Peut-être. Ou peut-être est-ce un de ses cauchemars…

* * *

Une leçon de Terreur

Par Irène Delse

Ille-et-Vilaine, automne 1793

Petit-Pierre n’avait jamais vu un homme sortir de terre comme une taupe, tout couvert de mousse et de feuilles pourries, et fusiller à bout portant un soldat sans rien dire, pas même : « Vive le Roi ! », avant de disparaître à nouveau. Les Bleus effrayés s’étaient mis à jurer et à battre les buissons à coup de piques et de plat de sabre, sans rien trouver. Ils n’avaient pas vu non plus Petit-Pierre et sa sœur, cachés dans l’arbre creux par leur mère à l’approche des soldats.

Cela faisait déjà un bon moment. Les enfants avaient faim et soif, mais rien n’aurait pu les faire bouger. Quand leur mère reviendrait, elle leur ferait signe en imitant le chant de la fauvette, c’est ce qu’elle avait dit. Petit-Pierre gardait sa sœur serrée contre lui, et guettait, par un trou de l’écorce, tout ce qui approchait.

Il aurait bien aimé avoir un fusil, lui aussi, et tuer les Bleus. Mais il était trop petit.

* * *

Le peloton avait hésité à s’avancer dans le hallier touffu, noyé d’une pénombre de demi-jour. Le lieutenant Gérard, des Volontaires de la Marne, n’avait jamais vu pareil pays, tout en forêts hantées d’une vie farouche, où chaque bosquet, chaque arbre creux, pouvait abriter les bandits chouans. Le sol même était percé de grottes, chemins souterrains, caches de contrebandiers où les mots d’ordre royalistes se propageaient comme une mauvaise fièvre.

Un coup de feu, soudain. Il accourut, prêt à tout, et dut s’efforcer d’empêcher ses hommes de gaspiller leurs cartouches sur les buissons. Le brigand avait déjà déguerpi.

— Ils ont eu Lahure, citoyen lieutenant !

— Merde. Fais-le porter au village le plus proche. Et vous autres, formez-vous par escouades pour fouiller le bois. Trouvez l’entrée du souterrain, je vous promets qu’on les enfumera comme des putois !

* * *

Dans sa masure, un peu à l’écart du village, Gabrielle terminait ses préparatifs. Quand la vermine bleue arriverait, ils fouilleraient tout, comme à leur habitude, et ils trouveraient le tonneau de vin dans la resserre. C’était son homme qui l’avait ramené, l’an dernier, avant qu’il se fasse prendre et guillotiner. Le pauvre Jacquot avait bien fait un peu de contrebande, mais c’est surtout le message qu’on avait trouvé sur lui qui avait été fatal : une lettre d’un agent des Princes aux chefs de l’Armée catholique et royale…

Elle tendit l’oreille. Les envahisseurs étaient arrivés aux premières maisons du village. Ils avaient dû être bien dépités de ne trouver personne ! Mais il était plus que temps pour elle de partir et récupérer les enfants. Elle s’essuya minutieusement les mains et sortit dans la cour.

* * *

De l’intérieur de l’arbre où il était caché, Petit-Pierre vit soudain approcher d’autres soldats, pas en vestes bleues, ceux-là, mais tout en noir, avec des têtes de mort sur leurs chapeaux en tuyau de poêle. Cette fois, il trembla vraiment, songeant à ce que les vieux disaient à mi-mot, à la veillée, sur le terrible Ankou à face de squelette, et ce qui arrivait aux enfants qui ne se signaient pas au passage de sa charrette…

Petit-Pierre se signa en hâte. C’est le moment que choisit sa petite sœur pour commencer à pleurer.

* * *

Les hussards de la mort passèrent sans s’arrêter, gardant le milieu du chemin creux, par habitude de prudence. Le hallier à gauche, une haie à droite ; le paysage ne révélait aucune présence humaine, mais le brigadier Antoine Dargent, qui commandait l’escouade, ne savait que trop bien à quoi s’en tenir. On aurait pu cacher là un régiment entier.

Ils étaient venus de Paris quelques mois plus tôt, après avoir combattu à Valmy et à Trèves. Cette guerre de buissons était bien différente des batailles rangées que les jeunes patriotes avaient imaginées en s’engageant. Prendre pour emblème la tête de mort des terribles hussards noirs de Brunswick avait été le genre de plaisanterie que l’on fait au moment de regarder en face les canons ennemis. Celui-ci était alors prussien, et c’était l’existence même de la République qui était en jeu.

Ici, un an plus tard, c’était peut-être son âme. Antoine en était venu à détester ces insignes morbides et tout ce qu’ils représentaient ; mais la République n’était pas riche, et il fallait faire avec les uniformes qu’ils avaient, comme avec la pénurie de poudre, de chevaux et même de pain. Les paysans haïssaient les réquisitions, mais le moyen de faire autrement ? Il fallait bien manger.

Apercevant quelques maisons, les hussards ralentirent l’allure. Mais ils virent aussitôt les habits bleus disséminés dans le hameau.

Un homme qui portait des galons de lieutenant s’avança vers eux :

— Citoyens, vous tombez bien ! On vient de nous tendre une embuscade dans ce petit bois. Je requiers votre assistance, au nom de la République, pour aider à fouiller les environs !

Antoine le considéra, mi-amusé, mi-agacé. Les règles étaient parfois un peu floues, dans l’armée révolutionnaire.

— Citoyen lieutenant, on nous attend à Vitré ce soir, sans faute. Je regrette…

À ce moment, des cris perçants, comme de femmes et d’enfants, s’élevèrent dans le village ; un coup de feu retentit ; et le lieutenant se retourna, alarmé, pour rejoindre ses hommes.

Antoine Dargent hésita un instant, partagé entre le devoir et la curiosité.

— Que fait-on, citoyen brigadier, demanda l’un des hussards ?

Il haussa les épaules.

— Pied à terre, citoyens, et prudence en entrant dans le village. Ce ne devrait être l’affaire que d’un moment.

* * *

C’est avec un soupir de soulagement que le lieutenant Gérard découvrit l’occasion du tumulte : une paysanne que ses hommes avaient arrêtée alors qu’elle tentait de gagner les bois. Têtue et maussade, elle marmonnait des patenôtres, la sotte royaliste.

— C’est bon, citoyenne, pas tant d’alarme, nous ne faisons pas la guerre aux femmes, nous autres !

Une des escouades qu’il avait envoyé fouiller le bois revint à ce moment. Le caporal lança en riant :

— Ni aux enfants ! Voyez ce que j’ai trouvé dans un arbre creux !

Il tenait dans ses bras deux petits qui sanglotaient, un garçon d’environ cinq ans et une fillette qui pouvait en avoir trois, qui tendirent les mains vers la prisonnière.

Attendri malgré lui, Gérard décréta :

— Allons, donne-lui ses mioches, citoyen Féraud ! Et toi, citoyenne, tiens-toi tranquille, il ne te sera fait aucun mal.

* * *

Gabrielle avait pris ses enfants dans ses bras avec désespoir, enfouissant son visage dans leurs tignasses blondes pour qu’on ne vît pas l’angoisse qui l’avait saisie. On la poussa dans un coin de la cour. Les soldats allaient et venaient, fouillaient les maisons. Bien sûr, ils cherchaient les gens, qui s’étaient enfuis à leur approche au son du tocsin, mais ils chercheraient aussi des vivres, comme à leur habitude. Et à ce moment…

Elle commença une prière silencieuse. Elle risquait d’en avoir besoin.

* * *

Le village semblait bel et bien abandonné. Antoine allait se décider à partir avec ses hussards quand l’un des Volontaires de Gérard découvrit ce qui mit toute la troupe en joie : un tonneau de vin plein à ras bords.

Bien entendu, il y eut quelqu’un pour vouloir y goûter tout de suite. Et un autre pour s’écrier, avec la méfiance née de mauvaises expériences :

— Citoyens, si c’était un piège ? Tout le village a décampé, et on nous laisse ce cadeau ? À d’autres !

— Donnons-en à cette fille, cria quelqu’un, si elle boit, c’est que le vin est bon. Sinon…

Gérard se rendit à ces raisons.

La paysanne ne fit guère de difficultés pour goûter une tasse de vin. Mais quand le lieutenant, qui n’était pas un méchant homme, voulut en donner aussi aux enfants affamés, elle se récria :

— Non ! Non, je vous en prie…

— Hé, citoyenne, qu’est-ce qui cloche ? Ne me dis pas que ces marmots n’ont pas besoin d’un peu de fortifiant. Ou bien le vin ne serait pas bon, peut-être ?

Elle ouvrit et ferma la bouche plusieurs fois, pâle comme un linge. Mais elle finit par secouer la tête, et prendre à nouveau la tasse.

* * *

Antoine Dargent soupira. Il ne croyait pas à un piège, mais il n’avait pas l’intention de laisser ses hommes s’enivrer si tôt. Puisque des brigands avaient été signalés dans le bois de tout à l’heure, prétexta-t-il, on allait y retourner, et fouiller un peu.

Les hussards obéirent d’assez mauvais gré. Antoine avait escompté repartir pour de bon, mais la chance voulut qu’ils interceptassent un homme qui tentait de s’esquiver à travers une haie. Vêtu comme un paysan, taché de terre et de feuilles mortes, il portait un fusil qui avait servi depuis peu, et des restes de poudre lui noircissaient les mains.

— Voilà le brigand du citoyen Gérard ! C’est bon, retour au village, camarades ! Et ligotez-moi ce malandrin.

La première chose qui les frappa, ce fut le silence. Une heure au plus avait passé. Les Volontaires seraient donc partis si vite ?

Puis ils virent le premier corps, étendu au milieu de la rue. Puis un autre, qui étreignait la margelle du puits, comme mu par une soif dévorante. Antoine commença à entrevoir ce qui avait dû se passer.

Un cadeau qu’on leur avait laissé, en vérité ! Un brouet de sorcière, concocté avec qui savait quelles plantes de ces bois obscurs, où une armée pouvait disparaître comme si la terre l’avait avalée… Et cette fanatique avait été prête à mourir pour les envoyer à la mort – pire, à y entraîner ses enfants !

Il courut à la maison fatale. Il trébucha sur un corps qui tressaillit et gémit, et tenta de l’étrangler : le citoyen lieutenant Gérard était coriace, le malheureux. Antoine se dégagea. Si cette damnée Chouanne vivait encore…

* * *

Gabrielle souffrait déjà le martyre. Puisse le Bon Dieu lui ôter ça de son Purgatoire… Elle aurait dû boire plus qu’une gorgée, elle serait déjà morte. C’était du feu dans ses entrailles, et surtout dans son âme. Les cris des deux petits… Dieu ! Si seulement un des Bleus était là, pour la transpercer de sa pique…

Une ombre s’approcha, sombre comme la mort.

— Ayez pitié, murmura-t-elle, achevez-moi, ou tuez mes enfants. Ne me laissez pas comme ça…

Antoine la contempla un moment, visage gris de douleur, qui tendait la main vers les deux petits corps agités de spasmes. Poings serrés, il hésita. Puis, délibérément, il l’abandonna à son sort.

FIN

Lectures d’Halloween

Un bonbon ET un sort !

Vous n’avez pas l’impression de vivre dans un cauchemar ? Moi si, mais à quelque chose, malheur est bon : tout ce stress, ces péripéties, ces espoirs fragiles, lamentations, compassion, colère, c’est du combustible à romans. Dès demain, je me lance à nouveau. En mode NaNoWriMo ? Si on veut. C’est bien l’idée en effet de partager l’énergie du NaNo, mais je me donne 4 mois pour terminer le roman, sans me presser. Tout à fait faisable, même en comptant le fait que je ne suis pas confinée, eh non. Les joies de travailler dans un service public à l’accueil du public et autres besognes non dématérialisables.

On reprend donc la formule qui avait marché cet été : je m’étais alors lancée le 1er juin, en me donnant quatre mois pour écrire un roman de 400.000 signes (environ 240 pages). Mission accomplie : j’ai terminé le premier jet fin août et utilisé le dernier mois à peaufiner et réviser. Le sujet : un roman policier historique qui se passe sous l’empire napoléonien, en 1805 très précisément, dans le cadre du fameux « Camp de Boulogne », les préparatifs pour l’invasion manquée de l’Angleterre. Cette fois, je reprends la même formule et les mêmes personnages principaux (mon détective et quelques compagnons) et je remonte dans le temps de quelques années jusqu’au Directoire, en 1997, dans la période trouble qui sépare la campagne d’Italie de l’expédition d’Égypte. Entre agents royalistes, belles intrigantes, sbires sans scrupules et complots à double et triple fond, il y a de quoi faire.

En attendant, que lire ? Pour Halloween, du sombre et du terrible, bien sûr ! Ci-dessous les liens vers quelques unes de mes nouvelles disponibles en ligne :

Bonne lecture, et n’oubliez pas que Rocambole a tout un catalogue de séries d’horreur, fantastique, thrillers, etc. En plus de tout le reste.

Une nouvelle sur Rocambole ? Même pas peur !

Maison hantée et citrouille de Halloween

Frissons et coups de sang, c’est par ici…

Si vous n’avez pas encore testé le site et l’application Rocambole, il y a une bonne occasion de s’y mettre : « Fais-moi peur », une collection d’histoires courtes mais cinglantes, par une quinzaine d’auteurs et auteures de la maison. En accès libre et gratuit, c’est un prolongement évident des festivités d’Halloween… ou un avant-goût de la tradition des histoires de fantômes pour Noël.

Des genres divers sont représentés : fantasy, fantastique, crime… J’aime beaucoup « Laisse-moi regarder la télévision », « Dans le noir », « Maison d’hôtes » et « L’immortel ».

Et puis vous l’ aurez deviné, il y a un texte d’Irène Delse, « Une leçon de Terreur »

Je vous laisse découvrir. Mais attention : c’est bien sombre.

P.S. Le texte n’est plus sur le site de Rocambole, d’ailleurs devenu Doors, mais on peut le trouver ici :

« Une leçon de Terreur »

Joyeux parasites et bonne année

L’anti-héros de l’histoire… (Venom, 2018, Sony Pictures)

J’avais raté le film Venom lors de sa sortie, mais quelqu’un me l’a récemment conseillé, alors j’ai fait du rattrapage. Très bon tuyau ! Si on aime les films de super-héros, la SF ou juste les histoires un peu déjantées, il y a de quoi passer un bon moment.

Mais ce film est intéressant aussi à un autre niveau, et je ne parle pas du message politique qui court tout au long de l’histoire sur les mégacorporations, le militarisme et la xénophobie. On m’avait parlé des thèmes anti-Trump du film, mais le « méchant » est plutôt une espèce d’Elon Musk sous acide : un génie avec sa propre flotte de vaisseau spatiaux et un furieux désir de se hisser sur le piédestal d’un dieu. Tout cela est assez banal, mais ce qui l’est moins, c’est que la « créature » ne finit pas comme celle de Frankenstein : le mot clef ici est « symbiose »…

Et c’est là que j’ai vraiment apprécié le film, pour cette représentation fascinante de deux organismes en train d’essayer d’occuper le même espace au même moment. Qu’est-ce d’autre, sinon ce qui se joue à chaque instant dans notre corps, au niveau le plus fondamental ?

Prenez le microbiote, par exemple. On a tous entendu parler de ces bactéries commensales qui logent dans notre injures et nous aident à tirer partie des aliments. Mais il n’y a pas que l’intestin : la surface de la peaux et des muqueuses, tous les replis et anfractuosités sont colonisés par des bactéries qui ont le grand intérêt pour nous d’occuper le terrain et de rendre plus difficile pour des organismes pathogènes de s’y installer. Il y a à peu près autant de cellules microbiennes sur et dans le corps humain qu’il n’y a de cellules du corps lui-même. (Les premières estimations, qui donnaient un rapport d’une cellule du corps pour 10 de microbes, étaient surévaluées, mais c’est déjà une quantité impressionnante.)

Quand, dans le film, on voit le « Symbiote » lutter avec un hôte potentiel, quand ils se disputent au sujet de la nourriture nécessaire pour leur survie à tous deux, ou que le Symbiote commence à consommer les organes de l’hôte, c’est un peu ce qui se passe au niveau de nos tissus avec, mettons, les staphylocoques dorés qui se nourrissent sur nous, dans nos fosses nasales, par exemple, et qui n’attendent qu’un affaiblissement du système immunitaire pour proliférer, nous envahir et nous digérer.

Oui, bon appétit à vous aussi. Songez à vos bactéries cet hiver : couvrez-vous bien.

Mais il y a une symbiose à un niveau encore plus fondamental, au sein même de chacune des milliers de milliards de cellules de notre corps. Vous avez deviné ? Oui, ce sont des stars dans leur genre : les mitochondries !

Ces petites organelles (les sous-unités de la cellule) apportent l’énergie nécessaire au fonctionnement de chaque cellule de peau, de cœur, de foie… Elles sont présentes chez tous les Eucaryotes, bref les organismes qui ont une cellule complexe : animaux, végétaux, champignons et levures, et même les amibes. Et, caractéristique singulière, elles possèdent leur propre ADN, ce qui a mis les scientifiques sur la voie quant à l’origine de ces mitochondries : selon la théorie énoncée par Lynn Margulis, c’étaient au départ des micro-organismes indépendants qui ont été absorbés par l’ancêtres des Eucaryotes – mais pas digérés. Une étrange fusion s’est opérée en ces temps primordiaux, chez ces ancêtres de nos ancêtres, et les proto-mitochondries ont réussi à se faire leur place au sein des cellules eucaryotes, tout comme le journaliste Eddie Brock dans le film à continué à vivre en tant qu’hôte de l’extraterrestre Venom. Ou bien est-ce l’alien qui est la mitochondrie ?

Peu importe, c’est très sympathique de voir l’un des mécanismes fondamentaux de la vie et de l’évolution mis en scène dans un film grand public. Car, comme disait Darwin lui-même, l’évolution est autant affaire de coopération que de compétition.

Certes, les symbioses de ce genre sont rares dans l’histoire de la vie, mais c’est aussi un aspect que le film reflète bien : tous les extraterrestres ne parviennent pas à établir une « relation » viable avec un être humain. Mais pour ceux qui y parviennent, le résultat est extraordinaire.

Et je ne parle même pas des « fossiles » d’anciennes symbioses présents dans notre ADN : des gènes provenant de virus qui ont jadis infecté nos ancêtres, mais qui ont été conservés parce qu’ils apportaient des avantages. Comme pour permettre au bébé, chez les mammifères, de ne pas être rejeté par l’organisme de la mère : il devait à l’origine servir à un virus à ne pas être attaqué par le système immunitaire !

Et c’est un autre genre de parasitisme et de symbiose. Le film n’explore guère cet aspect, ayant un personnage principal masculin, mais qui sait, lors d’une suite, peut-être…

P. S. J’oubliais de le mentionner, mais ce Venom fonctionne aussi comme une version plus optimiste du classique de l’horreur et de la SF de John Carpenter, The Thing. Le plan d’ouverture est d’ailleurs identique. Tant qu’à emprunter, que ce soit aux meilleurs.

Mes outils d’écriture : (4) Mettre plus de gore

Photo : tombe de style néo-classique, sur une hauteur, éclairée par le soleil couchant

Ci gît une grande dame russe dont la rumeur publique a fait un vampire.. Juste une tombe particulièrement élaborée au Père Lachaise.

On apprend parfois beaucoup d’un refus d’éditeur.

Quand j’étais une auteure débutante, et que mon ambition se bornait à écrire des nouvelles fantastiques ou de science-fiction, je tentais ma chance auprès de divers magazines, et surtout des fanzines où les amateurs pouvaient espérer trouver une place. Vers la fin des années 1990, j’avais réussi à placer quelques textes dans divers fanzines francophones, mais chaque tentative de publier dans un cadre professionnel se soldait par un échec. Et je n’osais même pas me lancer dans l’écriture d’un roman.

Et puis il s’est passé quelque chose de curieux. J’avais rédigé deux textes qui deviendraient bientôt les premières versions de « L’horizon incertain » et « Le joueur d’échecs », deux nouvelles de fantasy dont je suis assez contente. À l’époque, ils étaient nettement plus courts – et même assez abrupts. Qu’à cela ne tienne. Je les ai envoyés à divers fanzines. Sans succès. Et sans explications. Je commençais hélas à avoir l’habitude.

Et puis je reçois un courriel du rédacteur en chef du fanzine québécois Horrifique qui me fait quelques suggestions : ces textes laissaient le lecteur sur sa faim, disait-il ; ne pourrais-je les étoffer en y mettant plus de gore ?

(Je cite de mémoire, mais oui, c’est bien le mot qu’il a employé.)

Du coup, cela m’a fait réfléchir. Il n’y avait certes pas de sang ou d’horreur dans ces deux nouvelles, pour la bonne raison qu’il n’y avait presque aucun détail ! L’intrigue était esquissée plutôt que racontée, et les personnages se réduisaient à des silhouettes. Pas de chair, pas de vie.

Qu’à cela ne tienne : j’ai repris mon traitement de texte et j’ai écrit. Quelques mois plus tard, je plaçais « L’horizon incertain » dans le fanzine en question, et « Le joueur d’échecs » dans la revue Faëries. Quelques temps encore, et je me sentais assez à l’aise pour commencer un premier roman, L’Héritier du Tigre.

Le reste, comme on dit, n’est que littérature.