Lettre à un (plus ou moins) jeune auteur qui cherche un éditeur

Attention, billet d’intérêt public! Je reproduis ci-dessous, légèrement modifié, le texte d’un courriel que j’ai récemment envoyé à un ami qui me demandait si j’avais des conseils pour l’aider à trouver un éditeur, sachant qu’il m’avait présenté l’ouvrage comme « un roman basé sur des éléments autobiographiques ».

* * *

Cher X…,

J’ai lu ton premier chapitre de « [Insérez un titre SVP] », et voici quelques impressions que j’en tire, en essayant d’être franche mais pas injuste, et, avant tout, constructive.

D’abord, j’avoue que c’est un peu difficile de te donner un avis sur la qualité du texte, d’abord parce que c’est juste un court extrait, mais surtout parce que ce n’est pas le genre de roman que je lirais volontiers pour mon plaisir personnel. (Je suis plutôt attirée par des récits d’évasion, genre SF ou thrillers, que par ceux qui sont en prise sur le quotidien.) L’idée de base du roman me semble cependant très intéressante, et tout dépendra de ce que tu en fais au fil des pages.

J’ai en revanche quelques conseils tirés de mon expérience et valables pour tout écrivain qui aborde le monde de l’édition.

1) Même si un roman est basé sur des faits réels, il faut qu’il puisse « fonctionner » en tant que roman, c’est-à-dire en tant qu’œuvre de fiction qui crée son propre univers le temps de la lecture, dans le microcosme défini par les n feuillets du texte. Ou alors, et c’est une autre possibilité, on peut choisir d’écrire un témoignage en tant que tel: en tant que point de vue issu de l’expérience et dont on pense qu’il est utile de le faire partager au public.

Dans le premier cas (roman, récit de fiction), l’auteur prend des personnages, une situation initiale, et en suit le développement là où l’intrigue le mène, même si cela s’éloigne de sa propre expérience. Dans le second cas, évidemment, il faut rester le plus proche de la réalité que possible afin d’en tirer des conclusions éclairantes (quitte à alterner le récit pur et l’analyse critique des faits, comme dans un reportage ou un ouvrage historique). Bref, avant même de songer à trouver un éditeur, l’auteur doit se demander s’il écrit de la fiction ou un document.

2) Je l’ai déjà dit dans mon précédent courriel, mais cela vaut la peine de le répéter: si tu es un auteur inconnu débutant (bref, si c’est un premier livre écrit par quelqu’un d’autre qu’une célébrité), n’envoie de manuscrit à l’éditeur que quand tu es satisfait de ton texte et penses que tu ne peux plus l’améliorer.

La question « est-ce que le thème leur plaira » est, à ce stade, secondaire: il y a en France plus d’un millier d’éditeurs, sans parler de la possibilité, en cette époque d’édition numérique, de s’autoéditer de façon simple, efficace et peu onéreuse). Il est donc toujours possible pour l’auteur de rencontrer l’éditeur qui saura tirer parti du texte, et pour le texte, de rencontrer un public. (Ce ne sera peut-être pas un grand éditeur ni un très vaste public, mais c’est là un autre problème…)

Donc, tu as parfaitement raison en confiant ton texte à une amie qui peut le relire et t’aider à l’améliorer. (C’est ce qu’on appelle souvent « bêta-lecture », par comparaison avec les bêta-testeurs de logiciels.)

3) Petit bémol: le conseil précédent vaut surtout pour les œuvres de fiction. S’il s’agit d’un témoignage, document, pamphlet ou essai, il est parfaitement possible de démarcher un éditeur à partir d’un synopsis et d’un extrait (disons, les deux ou trois premiers chapitres).

Pour une raison très simple, à mon peu humble avis: il est plus facile à un éditeur de vendre au public (et aux médias) un « témoignage vécu » qu’un roman écrit par un inconnu. Le témoignage, document ou reportage est plus facile à accepter pour le lecteur, puisque ça parle de la « réalité », que le lecteur supposera être « sa » réalité. (« Parlez-moi de moi » est un grand principe de l’édition et du journalisme, et non sans raison: ça marche!)

Tandis qu’un roman part avec le handicap de devoir se « justifier » d’exister grâce au plaisir qu’il doit procurer au lecteur. Attention, je ne dis pas ça pour conseiller l’un ou l’autre mode d’expression: cela dépend avant tout de toi, de ce que tu sens et désires réaliser avec ce bouquin.

4) Au moment de commencer à démarcher les éditeurs, il y a une règle d’or: se demander quels éditeurs publient déjà des livres proches de celui que tu as écrit, et les démarcher en priorité.

Cela implique évidemment de connaître les éditeurs, ne serait-ce qu’en consacrant du temps à l’actualité de l’édition dans les journaux, magazines, à la télé, etc. Non seulement dans les médias que tu suis habituellement, mais aussi en allant à la bibliothèque consulter d’autres journaux et magazines, y compris les revues spécialisées (Le Magazine littéraire, Le Magazine des Livres, Lire, La Revue littéraire, Transfuge, Books, Le Matricule des anges… des titres cités en vrac, mais peu importe, c’est la « veille éditoriale » qui compte) et en regardant de près les rayons des librairies pour voir quelles sont les nouveautés et qui les publie.

Sans oublier évidemment les ressources d’Internet, pour en savoir plus sur un éditeur en googlant son nom, en suivant leur actualité sur Facebook et Twitter… Cela donne une idée non seulement de ce que font les éditeurs, mais aussi de la façon dont ils communiquent, bref, leur style. Et bien sûr, un auteur averti en vaut deux…

Voilà, c’était l’essentiel de ce que j’avais à dire. J’espère que cela te sera utile, et surtout, je te souhaite de réussir à terminer ton bouquin à ta satisfaction et à le publier sans encombre. Bref, bon courage pour persévérer dans la voie que tu as choisie.

Bien à toi,

Irène

5 réponses à “Lettre à un (plus ou moins) jeune auteur qui cherche un éditeur

  1. tu t’adresses à quelqu’un en particuler ?

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  3. Bonjour,
    Comme conseil aux auteurs, jeûnes ou moins jeûnes, je conseille vivement cette revue :
    -> Ici la revue d’auteurs indépendants

    Sommaire :

    Ici : Edito, le Je d’Ici.

    Ici on parle : Interview de Lizzie Clarke, encreuse (avec extrait de « Ecrire tue »).

    Ici on bosse : Ô pdf, mon pdf, je t’enrichis, tu m’enrichis… Nous nous enrichissons ?

    Ici on se soigne : Copyright, avez-vous votre licence anti Houellebecq ?

    Ici on lit : 14 titres en Label. Ce qu’ils en disent, ce que nous en disons. Et vous, qu’en dites-vous ?

    Ici et là : Mots interdits ? Palsambleu ! (jeu oulipesque)

    Dossier : Orthographe. De Ronsard au SMS, même combat. Cass’toi pôv con !

    Des pdf d’extraits d’une vingtaine de pages des ouvrages en Label sont aussi disponibles à partir de la revue en téléchargement gratuit.
    -> Ici la revue d’auteurs indépendants

    • Amusant. Mais je vous conseille de jouer cartes sur tables en disant: « voici une revue que mes amis et moi avons faite »… Car ce n’est pas vraiment un conseil désintéressé, hmm?

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